De la star Hervé Renard au novice Corentin Martins, d’Alain Giresse à Sébastien Migné, huit entraîneurs français, dont une moitié de bizuths, dirigeront une sélection lors de la Coupe d’Afrique des nations. Un phénomène d’une ampleur inédite… mais pas récent.
Il est l’incarnation du mythe du « sorcier blanc » mais Claude Le Roy, neuf CAN au compteur, a échoué à qualifier le Togo pour la compétition qui débute vendredi. Pour trouver le symbole « made in France » qui cartonne aujourd’hui sur le Continent, il faut se tourner vers la chemise blanche.
A 50 ans, Hervé Renard, le coach du Maroc au look impeccable, deux fois titré, mène la nouvelle vague tricolore qui se prépare à inonder l’Egypte, où un tiers des équipes sera conduit par un des ses compatriotes – une proportion légèrement inférieure aux pays (11) qui ont nommé un Africain.
Il y a, comme lui, un élève de l’école Le Roy avec Sébastien Migné, qui va découvrir avec le Kenya le rôle de N.1 lors d’une CAN, après neuf ans passés comme adjoint du technicien français.
De nouvelles têtes sont aussi apparues: l’ancien milieu des Bleus Corentin Martins, à la tête de la Mauritanie; Sébastien Desabre, qui dirige l’Ouganda après avoir connu sept clubs africains différents; et Nicolas Dupuis, à la fois coach de Madagascar et de Fleury, en quatrième division française.
« C’est la suite logique. Ça se passe sur le continent africain, et aussi dans le championnat de France. De nouveaux coachs émergent et feront, j’espère, une carrière comme ont pu le faire des Le Roy, Bruno Metsu et Philippe Troussier, explique Desabre. Si on est là, c’est qu’on a de la qualité. »
– Nouvelle génération et anciens –
Aux côtés des « jeunots », 46 ans de moyenne, trois sexagénaires font de la résistance: Michel Dussuyer, qui compte plus de CAN (5) que le Bénin qu’il dirige (4); le « Tunisien » Alain Giresse, pour sa 5e participation; et Gernot Rohr, à la tête du Nigeria.
En gravitation autour de ce noyau dur, deux techniciens influencés par leur carrière de joueur en France: le Franco-Algérien Djamel Belmadi, chef de meute des Fennecs et ancien milieu de l’OM, et le Sénégalais Aliou Cissé, passé par Lille et le PSG, entre autres.
Huit sélectionneurs français, c’est inédit. « C’est énorme, abonde Martins. On a un rôle d’ambassadeur français à l’étranger. »
Derrière ce chiffre se cache d’abord une explication structurelle. La proportion de coachs tricolores en 2019 est pratiquement la même qu’en 2017 (5 sur 16), à la différence que l’édition qui se prépare en Egypte, la plus grande jamais organisée, accueillera 24 pays, soit huit de plus.
« La CAN s’est ouverte à plus d’équipes, certains en ont profité intelligemment », remarque Claude Le Roy.
Mais pour son ancien adjoint Migné, ce n’est pas qu’une question de statistiques. « La formation des cadres français est reconnue. Il y a des résultats. Hervé (Renard) a gagné en Afrique, on est champion du monde sous Didier Deschamps, aujourd’hui l’entraîneur français a une cote non négligeable », constate-t-il.
– Héritage –
Entre Claude Le Roy, vainqueur en 1988 avec le Cameroun, et Renard, champion en 2012 avec la Zambie et en 2015 avec la Côte d’Ivoire, Pierre Lechantre (Cameroun en 2000) et Roger Lemerre (Tunisie en 2004) ont aussi nourri l’histoire dorée des Français à la CAN… et transmis leur héritage aux générations suivantes, permettant d’entretenir un lien fort entre les techniciens bleus et le continent.
« Ça me fait très plaisir quand ils font référence au travail qu’ils ont fait avec moi, explique Le Roy. En Afrique, on n’est pas sélectionneur comme en Europe. Si on n’est pas baigné par la culture du pays dans lequel on travaille, par son histoire, si on ne s’occupe pas de sa géopolitique, on passe à côté de tout. Pour être efficace, il faut s’imprégner de tout ça, pas seulement de ce qu’il se passe sur le terrain. »
« Claude a été un formidable guide, reconnaît Migné. L’Afrique, on y laisse un peu de gomme, mais on y revient quand on y a goûté. La sélection nationale, c’est le patrimoine de tous les gens du pays. On se sent investi d’une mission. C’est galvanisant personnellement. »
« La CAN, c’est à vivre. Je l’ai vécue en tant que supporter, et la vivre en tant que sélectionneur, c’est fantastique », abonde Desabre. Après Aimé Jacquet champion du monde en 1998, Lechantre avait été sacré en 2000 avec les Lions indomptables. Qui pour répondre à Deschamps en Afrique cet été?