
Une heure après l’entrée en vigueur du couvre-feu nocturne, la coalition islamiste pro-Morsi a appelé ses partisans à mettre fin aux manifestations vers 18H00 GMT, mais des images diffusées en direct par des télévisions privées montraient encore des heurts et des incendies.
La coalition a toutefois appelé à des manifestations quotidiennes durant une semaine à compter de samedi pour dénoncer le « massacre » de mercredi, journée la plus sanglante depuis la chute du régime Moubarak en février 2011 avec 578 morts et plus de 3.000 blessés, en majorité des islamistes tués dans la dispersion par l’armée et la police de leurs camps au Caire.
Le pouvoir mis en place par l’armée après la destitution de M. Morsi le 3 juillet affirme désormais se battre contre un « complot terroriste malveillant des Frères musulmans », la confrérie du président déchu, et a autorisé ses hommes à ouvrir le feu sur les manifestants.
Face à cette escalade, qui fait craindre que le pays –sous état d’urgence et où un couvre-feu nocturne est imposé dans 14 des 27 provinces– ne bascule dans le chaos, des pays européens ont dit envisager de réexaminer leurs relations avec Le Caire.

Dans deux morgues improvisées dans des mosquées attenantes, un correspondant de l’AFP et des témoins ont compté au moins 39 corps. En outre, des sources médicales et de sécurité ont affirmé que 31 personnes avaient été tuées dans différentes provinces, sans évoquer de bilan pour Le Caire.
Dans le centre de la capitale, des témoins ont rapporté avoir vu un homme sauter d’un pont pour éviter les balles alors que les chars se dirigeaient vers les manifestants.

Des tirs ont également été entendus dans d’autres grandes villes du pays où les pro-Morsi manifestaient comme à Alexandrie (nord), Beni Soueif et Fayoum au sud du Caire, et dans la ville touristique de Hurghada sur la mer Rouge.
Le ministère de l’Intérieur a fait état de plusieurs attaques des pro-Morsi contre des postes de police.
« Eviter la guerre civile »

Alors que de nombreux pays occidentaux ont condamné le bain de sang de mercredi et la poursuite des violences, les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont appelé jeudi soir à un « maximum de retenue » en Egypte.
La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a invité les Etats membres de l’Union européenne à prendre « des mesures appropriées », alors qu’une réunion des représentants des 28 États membres est prévue lundi à Bruxelles.

La Turquie a rappelé pour consultations son ambassadeur en Egypte. Le Caire a aussitôt rappelé son représentant à Ankara et annulé des manoeuvres navales prévues avec la Turquie pour protester contre son « ingérence ».
En revanche, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a affirmé son appui au pouvoir égyptien « face au terrorisme » et mis en garde contre « les ingérences » dans ce pays. La Jordanie a elle aussi dit soutenir le gouvernement égyptien dans sa lutte pour « imposer l’Etat de droit » et « combattre le terrorisme ».
Mais dans la rue, des centaines de personnes ont manifesté à l’appel de groupes islamistes à Khartoum, Amman, Rabat, Jérusalem-Est et en Cisjordanie pour dénoncer « le coup d’Etat » contre Mohamed Morsi.
La presse égyptienne, quasiment unanimement acquise à l’armée, s’est déchaînée contre la confrérie. « Les milices des Frères détruisent les biens du peuple », titrait le journal privé Al-Masry al-Youm au-dessus d’une photo du siège de la province de Guizeh ravagé par les flammes.
Selon une porte-parole de la Coalition pro-Morsi contre le « coup d?État », des membres des Frères musulmans, dont au moins deux parlementaires, ont été encore arrêtés.
Depuis le coup de force des militaires, la majorité des dirigeants de la confrérie ont été interpellés ou sont en fuite. M. Morsi est lui-même toujours détenu au secret.
Le Guide suprême des Frères Mohamed Badie, en fuite, a promis vendredi dans sa lettre hebdomadaire à ses partisans que les responsables des « massacres » allaient devoir payer. Les Frères musulmans ont évoqué 2.200 morts et plus de 10.000 blessés mercredi.
afp