« C’est la nouvelle indépendance! On a été 10 mois en otage, c’était comme 10 ans », hurle Hama Cissé, 53 ans, hilare dans une rue de Tombouctou, occupée pendant des mois par les islamistes et « libérée » lundi par les soldats francais et maliens.
Dans les rues poussiéreuses de la cité couleur sable, tombée sans combats, les femmes circulent à nouveau librement. « Je ne pouvais pas parler. Je devais porter une burqa, des gants, tout couvrir », explique timidement une quinquagénaire cachée derrière ses lunettes, Lahlia Garba, qui avait « mal au coeur et à l’estomac tout le temps » dans sa prison de tissu.
« Mali, France! », ou encore « Merci François Hollande! », le président français, scandent les Maliens dès qu’ils aperçoivent un Blanc, brandissant par centaines drapeaux français et maliens.
Les soldats des deux pays sont entrés lundi vers 14H00 (locales et GMT) en convoi dans Tombouctou. Les militaires locaux étaient toujours occupés dans la soirée à patrouiller, les Français s’étant repliés dans les faubourgs, a constaté un journaliste de l’AFP.
« On entre mais on ne reste pas, ce sont les Maliens qui vont au contact de la population », a expliqué un officier français.
Dans Tombouctou même, « on procède à des fouilles (…). On est en train de récupérer certains matériels, certaines munitions », indique le sous-lieutenant malien Dramane Dambélé, dont les hommes, après avoir défoncé cadenas et serrures à coups de grosses pierres, mettent notamment la main sur des cartouches pour mitrailleuse lourde.
« On cherche des gens qui étaient en connexion avec les islamistes, mais on n’en a pas trouvé pour l’instant », ajoute-t-il.
D’après les habitants, les islamistes armés ont commencé à fuir Tombouctou vendredi vers le nord, les derniers étant partis dimanche matin, après des frappes aériennes françaises.
« Chicotte » et mains coupées
Et de vendredi à dimanche, « ils ont mitraillé dans tous les sens, mais c’était juste de l’intimidation. Ils ont aussi saccagé beaucoup de choses, la mairie, l’antenne Malitel (l’opérateur téléphonique local), certains bureaux. Et ils ont brûlé des manuscrits anciens », explique Mahalmoudou Tandina, 46 ans, qui « enseigne la religion aux enfants ».
« Le dernier islamiste que j’ai vu ici, c’était un Français, il s’appelle Abdel Jelil », s’amuse l’homme à longue barbe s’appuyant sur une canne, qui « intervenait pour les gens » pour régler leurs problèmes avec les islamistes. La foule assemblée autour de lui confirme.
« Abdel Jelil », dont le vrai nom est Gilles Le Guen, est une figure connue du milieu jihadiste au Mali, âgé d’une cinquantaine d’années.
Comme ailleurs dans le pays, les habitants assurent que les islamistes étaient de multiples nationalités: Maliens, mais aussi Algériens, Libyens, Mauritaniens, Tchadiens…
Les groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda contrôlaient Tombouctou depuis avril 2012. « Ils étaient tous là, Ansar Dine, Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) », dit Mahamane Neyga, la vingtaine, soulagé après des mois de « souffrance » et de « chicotte » (coups de fouet ou de bâton) infligés par les rebelles.
Ces derniers ont commis des exactions au nom de leur interprétation rigoriste de la charia (loi islamique), et détruit des mausolées de saints musulmans et des manuscrits précieux datant de plusieurs siècles, qu’ils considéraient comme des signes « d’idolâtrie ».
Selon plusieurs habitants, si la chicotte était fréquente, il y a eu peu de meurtres. « Ils ont tué une personne en entrant dans la ville et une pendant qu’ils étaient là, parce qu’ils lui avaient coupé les deux mains. Et hier, ils ont tué un jeune », affirme Mahalmoudou Tandina.
Un peu partout à Tombouctou, des panneaux de propagande islamiste sont visibles. L’un d’eux proclame: « La ville de Tombouctou est fondée sur l’islam et elle ne sera jugée que par la charia ».
Des militaires français ont indiqué craindre que les rebelles n’aient posé des mines dans la ville, qui restait à « sécuriser » lundi soir.
AFP