Soldats français et maliens sont entrés lundi dans la cité mythique de Tombouctou, dans le nord du Mali, sous les cris de joie des habitants, après des mois d’occupation par des islamistes armés, qui ont brûlé un bâtiment contenant de précieux manuscrits avant de prendre la fuite.
« Nous sommes en train de gagner cette bataille », a déclaré à Paris le président François Hollande, précisant: « Quand je dis nous, c’est l’armée malienne, ce sont les Africains soutenus par les Français ».
A Tombouctou, aux cris de « Mali, Mali, Mali », la foule brandissait de petits drapeaux français et maliens au passage des militaires français et maliens, a constaté un journaliste de l’AFP.
Parmi d’autres, Mahamane, âgé d’une vingtaine d’années, s’est dit soulagé de cette arrivée après des mois de « souffrance » et de « chicotte » (coups de fouet ou de bâton) infligés par les islamistes armés.
Tombouctou, ville-phare de l’islam en Afrique subsaharienne, située à 900 km au nord-est de Bamako, est tombée après une manoeuvre conjointe, terrestre et aérienne, et le largage de parachutistes dans la périphérie, avant l’entrée lundi après-midi d’une colonne de soldats français et maliens en ville.
« Crime culturel »
Mais les témoignages se multiplient sur la destruction de précieux manuscrits à Tombouctou, devenue la capitale intellectuelle et spirituelle de l’islam en Afrique aux XVe et XVIe siècles et une prospère cité caravanière.
Une source malienne de sécurité a fait état d’un « bâtiment abritant les manuscrits, brûlé ».
Le maire de Tombouctou, Halley Ousmane, qui se trouvait à Bamako, a confirmé: « J’ai eu ce matin mon chargé de communication au téléphone. Le centre Ahmed Baba où se trouvent des manuscrits de valeur a été brûlé par les islamistes. C’est un véritable crime culturel ».
Certains des manuscrits de Tombouctou remontent à l’ère pré-islamique. L’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba abrite entre 60.000 et 100.000 manuscrits, selon le ministère malien de la Culture.
Le maire de Tombouctou a également fait état de la mort d’un habitant, « brûlé vif » par les islamistes, parce qu’il avait crié « Vive la France ».
Selon le porte-parole de l’état-major des armées, le colonel Thierry Burkhard, les militaires français et maliens ont seulement « entamé » la prise de contrôle de la ville.
Mais d’après les témoignages des habitants, les islamistes ont pris la fuite, après les frappes aériennes françaises ces derniers jours.
L’opération sur Tombouctou survient deux jours après la prise, lors d’une offensive éclair, de Gao, plus importante ville du nord du Mali et un des bastions des combattants islamistes, à 1.200 km au nord-est de Bamako.
« La France n’a pas vocation à rester au Mali. En revanche, notre devoir c’est de faire en sorte que nous puissions permettre aux forces africaines de donner au Mali une stabilité durable », a assuré à Paris le président Hollande.
Après Gao et Tombouctou, les regards se tournent désormais vers Kidal, dans l’extrême nord-est malien, non loin de la frontière algérienne, la troisième grande ville du Nord du Mali, à 1.500 km de Bamako.
« Exactions de l’armée malienne »
Là, des rebelles touareg et des dissidents d’un groupe islamiste ont affirmé avoir pris le contrôle de la ville.
« Nous assurons ensemble la sécurité de la ville de Kidal », a déclaré à l’AFP Mohamed Ag Aharib, ancien porte-parole du groupe islamiste armé Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), passé à un groupe dissident, le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA).
« Actuellement à Kidal, il y a des combattants du MIA et des combattants du MNLA, qui avaient intégré les rangs d’Ansar Dine et qui sont redevenus MNLA », a-t-il souligné.
Pour sa part, le MNLA a affirmé dans un communiqué que la ville de Kidal était sous son contrôle.
Les autonomistes touareg ont assuré ne pas rechercher la confrontation avec l’armée française ni avec la force africaine d’intervention, mais vouloir « protéger les populations contre les exactions de l’armée malienne ».
La reconquête du nord du Mali s’accompagne en effet de craintes d’actes de vengeance contre les islamistes, qui ont commis de nombreux crimes: amputations, lapidations, exécutions, et à Tombouctou, destruction de nombreux mausolées de saints musulmans.
L’ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé lundi aux autorités maliennes de prendre « des mesures immédiates » pour « protéger tous les Maliens de représailles », mettant en garde contre des « de tensions inter-ethniques » entre Arabes et Touareg, assimilés aux « terroristes », et les Noirs, majoritaires au Mali.
Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes armés se sont réfugiés dans les montagnes de Kidal. François Hollande a laissé entendre que les soldats français n’iront pas les chercher.
« Maintenant, les Africains peuvent prendre le relais. Ce sont eux qui iront dans la partie du Nord », a-t-il affirmé.
La France a aussi annoncé avoir reçu des menaces directes par « des groupes terroristes nigérians » en représailles à son intervention au Mali.
A Bamako, de retentissants cris de joie ont salué lundi soir la qualification du Mali pour les quarts de finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2013, après son match nul (1-1) contre la République démocratique du Congo.
Mais Bamako, soumise comme tout le pays à l’état d’urgence, n’a pas connu comme par le passé les rassemblements spontanés dans les rues, avec concerts de cris et d’avertisseurs.
AFP