Léonie Bwemba (Consul Général Honoraire de la République de Malte à Douala au Cameroun, architecte d’intérieur et réalisatrice).
« L’Afrique doit devenir une signature créative mondiale »
Architecte d’intérieur, designer, cinéaste et entrepreneure, Léonie Bwemba incarne l’excellence et la pluridisciplinarité à travers ses nombreuses initiatives. Consul Général Honoraire de Malte au Cameroun, elle se distingue par une vision panafricaine forte, qui transcende les frontières de l’art, du design et du cinéma. Dans cet entretien exclusif, elle revient sur son parcours, ses engagements et sa volonté de faire rayonner la créativité africaine à l’échelle mondiale.
Diasporas-News : Architecte d’intérieur certifiée, designer senior universel et industriel, cinéaste, entrepreneur, Léonie Bwemba, comment parvenez-vous à faire le pont entre toutes ces activités ?
Léonie Bwemba : Tout d’abord, je vous remercie de m’accorder cette interview. En effet, pour reprendre les propos du Ministre Camerounais des Arts et de la Culture à mon endroit qui dit je cite : « Vous êtes une artiste chevronnée », c’est parce que j’arrive à faire le pont entre la corrélation organique et ces trois métiers artistiques (architecte d’intérieur, designer et cinéaste). Ma signature artistique et ma vision panafricaine se définissent en 3 expressions car en tant qu’architecte d’intérieur, je définis l’espace comme un scénario, il est le premier langage de la narration. En tant qu’artiste plasticienne qui pratique le design, la peinture et la photographie, je place ainsi l’objet comme dialogue car il est l’écho de l’espace. Et enfin en tant que cinéaste, je redéfinis l’image comme mémoire car le cinéma est la mémoire en mouvement.
D-N : Quel est votre regard d’ensemble sur le cinéma africain en général et sur le cinéma camerounais en particulier ?
LB : Le cinéma africain est bien plus qu’un simple art de divertissement. Je le perçois comme un outil de transformation sociale capable de refléter les réalités du Continent. Il doit s’ancrer dans les réalités sociales pour jouer pleinement son rôle dans la construction des sociétés. Concernant le cinéma camerounais, je reconnais le potentiel immense du secteur, tant par la richesse des histoires à raconter que par le talent des créateurs. L’avenir du cinéma africain et camerounais repose sur une solidarité entre les cinéastes du Continent et une volonté de raconter l’Afrique dans toute sa diversité, avec des récits porteurs d’espoir et de transformation. J’invite à repenser le rôle du cinéma africain, non seulement comme une industrie culturelle, mais comme un pilier fondamental du développement du Continent.
« ‘’Alerte’’ s’inscrit dans une démarche artistique militante »
D-N : Votre film « Alerte » aborde avec force les violences conjugales et le harcèlement sexuel, des sujets sensibles et souvent tabous. Quelles ont été vos principales motivations pour porter ces thématiques à l’écran ?
LB : J’accorde une place centrale aux thématiques liées à la justice sociale, aux Violences Basées sur le Genre (VBG), à la jeunesse africaine et à la résilience des communautés. « Alerte » c’est mon premier long métrage en tant que Productrice Exécutive, Co-réalisatrice et Architecte de plateaux.
J’ai écrit l’histoire que j’ai choisie de confier à un scénariste qui, avec ma participation, l’a mise en scène. Le plaisir a été le mien d’être soutenue par le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) que je remercie ainsi que les autres partenaires et acteurs et légendes de renommée internationale à l’instar de Yannick NOAH, Lucie Memba BOS, Aurelien CHEDJOU, Hassan NDAM, Jacques-Greg BELOBO, MAGASCO, Roger Brice SOBGO, Tatiana MATIP, Zack ORJI, Otia VITALIS de regrettée mémoire et bien d’autres. Mes principales motivations reposent sur plusieurs facteurs essentiels : engagement, dénonciation, plaidoyer, appel à la libération de la parole, contribution à des changements législatifs et sociétaux. Loin d’être une simple fiction, « Alerte » s’inscrit dans une démarche artistique militante, mêlant émotion, réalisme et message social fort.
La mise en scène poignante ainsi que les témoignages réalistes visent à toucher profondément les consciences et à inspirer des actions concrètes. Actuellement je travaille sur un autre projet cinématographique à produire avant fin 2025.
D-N : Qu’est-ce qui vous a motivé à vous orienter vers l’architecture d’intérieur, quelles sont vos sources d’inspiration ?
LB : Diplômée de l’Ecole Supérieur de Communication et Gestion (ESCG) Bruxelles – Belgique, je suis titulaire d’un MBA obtenu en 2001 puis d’un niveau complémentaire en Négociation en 2002. D’une sensibilité artistique précoce, je développe très tôt une motivation par mon environnement familial. Une fascination pour la transformation des espaces et l’impact émotionnel qu’ils peuvent provoquer en créant ainsi les prémices d’une approche pluridisciplinaire qui marquera toute ma carrière auréolée de diplômes professionnels en Architecture d’Intérieur et Design. Ma source d’inspiration est une palette multiculturelle où des valeurs se partagent notamment : l’héritage africain, l’architecture contemporaine, la nature comme modèle de création et une approche sensorielle du design. Je puise mon inspiration dans la quiétude de la nuit où les étoiles du ciel m’invitent à la contemplation et le chant des oiseaux m’insuffle un savoir exceptionnel, nourrissant ainsi ma créativité. Je m’inspire également du courant Japonais, le Wabi-Sabi qui célèbre la beauté de l’imperfection et des matières naturelles.
D-N : Comment envisagez-vous l’évolution de l’architecture d’intérieur au Cameroun et en Afrique avec le Sky Awards, MIAD, AFCID et CASSID ? Et quel rôle souhaitez-vous y jouer ?
LB : Les Industries Culturelles et Créatives (ICC) représentent aujourd’hui l’un des moteurs de transformation économique et sociale les plus puissants pour l’Afrique. Pourtant, ces secteurs restent sous-exploités, insuffisamment valorisés et faiblement intégrés dans les stratégies nationales de développement économique. C’est dans cette dynamique que j’ai conçu et fondé les plateformes de références et initiatives structurantes telles que : le Sky Awards, le Mutodiosa Vocational Institute of Arts & Design (MIAD), la Confédération Africaine des Architectes d’Intérieur (AFCID) et l’Association Camerounaise des Architectes d’Intérieur (CASSID). Mon rôle repose sur une vision stratégique et panafricaine dans le but de contribuer à Structurer, Valoriser, Professionnaliser et Promouvoir l’excellence des métiers de l’architecture d’intérieur, de l’artisanat, de l’art et du design en Afrique. Nous organisons du 19 au 21 Juin 2025, le Sky Awards se définit comme le Premier Salon International de l’Architecture d’Intérieur, l’Artisanat, l’Art et le Design. Il est bien plus qu’un simple événement, c’est une véritable vitrine qui célèbre l’excellence africaine. Ma motivation à travers toutes ces initiatives est que l’Afrique ne soit plus seulement un réservoir d’inspiration, elle doit devenir une signature créative mondiale.
« Femmes Créatives d’Afrique, Bâtissons notre Héritage ! »
D-N : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes architectes d’intérieur Camerounaises souhaitant innover dans ce domaine et se démarquer des autres en cette période qui symbolise la journée internationale de la femme ?
LB : Nous ne sommes déjà pas nombreuses, je peux me permettre après 27 années d’expérience, de les conseiller de se démarquer des autres en cultivant leur singularité et identité artistique, en osant l’innovation en matière de matériaux et de design, en étant audacieuses mais avec méthode. Qu’elles soient une source d’inspiration et de leadership pour les autres, qu’elles ne cessent jamais d’apprendre et de se former avec toute humilité afin de faire valoir leur potentiel. Et enfin, elles doivent s’engager pour des projets responsables et durables, qu’elles ouvrent de nouvelles voies pour l’industrie tout en inspirant la prochaine génération. Par ailleurs, « Célébrer la Femme, Chaque Jour, Comme une Ode à la Vie », telle est ma philosophie parce que la Femme n’est pas une date, elle est une présence, elle est une énergie qui façonne l’humanité au quotidien. Je tiens à rendre hommage à leur talent, leur résilience et leur rôle essentiel dans la transformation des espaces, des objets et des récits qui façonnent l’identité culturelle de notre pays et de notre Continent. Mon message se veut une invitation à l’AUDACE et je leur dit : « Femmes Créatives d’Afrique, Bâtissons notre Héritage ! »
Leonie BWEMBA
· Architecte d’Intérieur Certifiée
· Designer Industriel et Universel
· Promotrice du MIAD et du Sky Awards
· Présidente Fondatrice de la Confédération Africaine des Architectes d’Intérieur (AFCID) et de l’Association Camerounaise des Architectes d’Intérieur (CASSID)
· Délégué Général du Sky Awards
· Consul Général Honoraire de la République de Malte à Douala – Cameroun
· Commandeur de l’Ordre National de la Valeur
Entretien réalisé par Thomas DE MESSE ZINSOU