Saluant la reddition surprise du général rebelle congolais Bosco Ntaganda à l’ambassade des Etats-Unis au Rwanda, la CPI cherchait mardi à obtenir son transfert « immédiat » à La Haye afin de juger le suspect, surnommé « Terminator », pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre en République démocratique du Congo en 2002 et 2003.
« La CPI salue la nouvelle de la reddition de Bosco (Ntaganda, ndlr), c’est une grande nouvelle pour le peuple de RDC qui a souffert des crimes d’un fugitif de la CPI pendant trop longtemps », a indiqué le bureau du procureur de la Cour pénale internationale dans un courriel à l’AFP.
Les autorités rwandaises et américaines ont annoncé lundi que M. Ntaganda s’était rendu à l’ambassade américaine à Kigali et avait spécifiquement demandé à être transféré à la CPI. Washington est en contact avec la CPI et Kigali, selon la porte-parole du département d’Etat Victoria Nuland.
« Nous contacterons les autorités compétentes dans la région afin de faciliter son transfert immédiat », a ajouté le bureau du procureur.
Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a qualifié sur Twitter la reddition de M. Ntaganda de « grand moment pour les victimes du conflit en RDC » et appelé à un transfert « rapide » vers la CPI.
La fédération d’ONG Société civile du Nord-Kivu (est de la RDC) a pour sa part estimé que le transfert de Bosco Ntaganda à la CPI serait un « tournant décisif vers la paix, la sécurité et honorera les victimes de crimes perpétrés par Ntaganda, des victimes toujours en attente d’une justice et d’un signal fort dans la lutte contre l’impunité ».
En novembre, la procureure de la CPI Fatou Bensouda avait estimé que Bosco Ntaganda était l’un des « principaux instigateurs de l’instabilité qui prévaut sur l’ensemble de la région des Grands Lacs » depuis de longues années.
Bosco Ntaganda, âgé d’environ 40 ans, est recherché par la CPI pour des meurtres, viols, pillages et enrôlements d’enfants-soldats, notamment, commis par les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) dans l’est de la RDC en 2002 et 2003, mais pas pour d’autres crimes ultérieurs allégués, notamment dans les Kivus, également dans l’est de la RDC.
Réputé sans pitié, il a « planifié et commandé de nombreuses attaques militaires coordonnées contre les populations Lendu et autre tribus non-Hema » dans le but de les exclure du territoire de l’Ituri et de les « éliminer », selon le procureur de la CPI, cité dans le mandat d’arrêt délivré contre M. Ntaganda.
« bombarder, tuer, piller, violer »
Le modus operandi des FPLC consistait à encercler un village et de le bombarder à l’artillerie lourde avant de l’attaquer, tuer « ceux perçus comme des ennemis » à l’aide de machettes, armes à feu et couteaux, piller puis brûler le village en question et enlever les femmes pour les violer, selon le document.
En conséquence, au moins 800 civils ont été tués et plus de 140.000 autres déplacés, selon la même source.
La ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo a assuré mardi à l’AFP ne pas avoir à se mêler de l’éventuel transfert de M. Ntaganda à la CPI, estimant que « cette affaire est entre les Etats-Unis qui détiennent le suspect, la RDC – pays de nationalité du suspect – et la CPI qui recherche le suspect ».
Comme le rappelle l’ONG Human Rights Watch dans un communiqué, « les Etats-Unis ont depuis plusieurs années appelé à l’arrestation de Ntaganda et son transfert à la CPI ».
Né au Rwanda, Bosco Ntaganda a combattu pour le Front patriotique rwandais (FPR) de l’actuel président rwandais Paul Kagame, avec lequel il met fin au génocide des Tutsi par les Hutu en 1994 au Rwanda.
Après avoir été le chef d’état-major adjoint des FPLC, la milice de Thomas Lubanga, condamné par la CPI à 14 ans de prison en 2012, il avait rejoint une rébellion tutsi congolaise au milieu des années 2000.
Bosco Ntaganda avait ensuite été intégré comme général dans l’armée congolaise avant de faire défection au printemps 2012. Il était depuis accusé par de nombreux experts de jouer un rôle au sein de la rébellion du M23.
Kinshasa avait affirmé dimanche que Bosco Ntaganda avait franchi la frontière rwandaise dans la foulée de centaines de combattants de sa faction, mise en déroute. On ne connait rien des circonstances qui ont mené Ntaganda jusqu’à l’ambassade américaine, en plein coeur de Kigali, distante d’une centaine de kilomètres.
AFP