Quelque 15.000 mineurs sud-africains ont à nouveau débrayé lundi dans une mine d’or exploitée par Gold Fields dans un climat social toujours tendu par le bras de fer qui se poursuit à la mine de Marikana, théâtre d’une sanglante fusillade policière le 16 août.
Le travail a cessé à la mine d’or KDC exploitée à plus de 3.000 mètres de profondeur par le groupe Gold Fields dans la banlieue de Johannesburg.
C’est le secteur Ouest qui est touché, quatre jours après une première grève sauvage affectant les puits Est de cette mine de 27.000 salariés, où la direction du principal syndicat, le NUM (National Union of Mineworkers) est contestée, pour une obscure affaire de cotisation « obsèques ».
Empêchant leurs camarades non-grévistes d’aller travailler, les mineurs de KDC ont agité devant les caméras de la télévision nationale des panneaux de cartons réclamant 12.500 rands (1.200 euros) par mois, comme leurs camarades de Marikana.
« Ils réclament un changement à la tête de la section du NUM », a ajouté Sven Lunsche, un porte-parole de Gold Fields.
Le groupe, coté à Johannesburg et New York, est le deuxième producteur local d’or, et quatrième mondial.
Cette agitation sociale, qui ne prête pas à conséquence en temps ordinaire, a pris un tour inquiétant alors que les efforts pour obtenir la reprise du travail à Marikana restent vains, un mois jour pour jour après le début de la grève.
Les craintes suscitées par l’incapacité du NUM à canaliser le mécontentement sont redoublées par la coloration de plus en plus politique prise par le conflit.
A Marikana, où la contestation du NUM a aussi été l’étincelle qui a déclenché la grève sauvage, encouragée par le petit syndicat dissident AMCU (Association of mineworkers and construction union), seuls 6,34% des mineurs ont travaillé lundi.
Près de 10.000 mineurs, selon la police, ont formé un cortège pour marcher sur une mine du site Eastern Platinum, dont les travailleurs n’étaient pas en grève.
Ils chantaient à tue-tête des refrains hostiles au président Jacob Zuma.
Le groupe britannique Lonmin est propriétaire de ce site d’extraction et de traitement du platine, où 44 personnes ont trouvé la mort en août, dont 34 grévistes ont été tués par la police le 16, et dont les derniers ont été inhumés samedi au Cap oriental (sud-est), leur région d’origine.
La colline, où a eu lieu ce qui s’apparente de plus en plus à une massive bavure policière au vu des témoignages recueillis auprès des manifestants, est devenu le point de ralliement quasi quotidien des foreurs en grève qui réclament toujours un triplement de leurs salaires à 12.500 rands (1.200 euros).
Un des grévistes Michael Kahabo a expliqué que les manifestants voulaient bloquer tout le site: « C’est un petit pourcentage (qui travaille) mais il faut qu’ils cessent et qu’ils rejoignent la grève. »
Mercredi soir, un « accord de paix » avait bien été conclu entre la direction et syndicats, mais il a été rejeté par l’AMCU.
Des négociations salariales qui devaient démarrer lundi ont été ajournées après que l’AMCU a annoncé son retour à la table des négociations, selon Lonmin.
Pour les observateurs, le secteur minier risque de vivre au rythme de ces perturbations jusqu’au congrès de l’ANC (Congrès National africain, au pouvoir) en décembre, source de querelles de personnes et idéologiques.
Julius Malema, l’ex-leader de la Ligue de jeunesse de l’ANC exclu du parti, proclame ouvertement qu’il
a décidé de rendre « ingérable » le secteur minier, symbole des inégalités et des très mauvaises conditions d’une majorité de salariés noirs.
Lundi dernier, il était venu s’adresser aux mineurs de Gold Fields, s’en prenant au NUM. « S’ils ne tiennent pas leurs engagements envers vous, vous devez vous diriger vous-mêmes », avait-il lancé.
« C’est presque devenu contagieux », explique Crispen Chinguno, sociologue à l’université de Witwatersrand à Johannesburg.
« Même si les travailleurs ont de vraies revendications sociales, cela va bien au-delà d’un conflit du travail. Certains politiciens ont fait main basse sur la grogne des travailleurs parce que la mine est au coeur de l’ordre économique, social et politique en Afrique du Sud », ajoute-t-il.
AFP