« Ouvrez que je quitte ici! J’ai trop duré ici, je veux rentrer chez moi », s’écrie Kwesy, camionneur ghanéen bloqué à un poste ivoirien par la fermeture depuis vendredi des frontières entre les deux pays, une mesure qui suscite aussi la grogne de la population.
Etendu dans un hamac accroché à son camion, Kwesy a été surpris par la mesure, ordonnée par le président ivoirien Alassane Ouattara après l’attaque du poste-frontière de Noé, à environ 170 km à l’est d’Abidjan, par des assaillants venus du Ghana et qui s’y sont repliés, selon Abidjan.
La frontière aérienne entre la Côte d’Ivoire et le Ghana a rouvert lundi, mais les frontières terrestres et maritimes restent fermées jusqu’à nouvel ordre, au grand dam des commerçants et des centaines de personnes bloquées de chaque côté de la frontière.
L’activité commerciale de la ville frontalière de Noé, naguère florissante, est aujourd’hui inexistante et tous les magasins sont fermés.
« Je ne vends rien, je suis sans activité depuis trois jours », déplore une jeune femme devant son échoppe close.
« Nous souhaitons qu’on rouvre le plus tôt possible », plaide Alice Kouao, mère de famille, devant son maquis (restaurant populaire) désespérément vide. Mais quand un militaire ivoirien s’intéresse d’un peu trop près à la conversation, elle change de discours et explique: « C’est pour notre sécurité » que la frontière a été fermée…
A deux pas de là, une longue file d’une cinquantaine de camions ghanéens attend d’être autorisé à traverser le pont qui enjambe la rivière Tanoé, matérialisant la frontière naturelle entre les deux pays.
« Ne pas arriver au clash »
Un nombre à peu près équivalent de camions ivoiriens est bloqué de l’autre côté, dans la ville ghanéenne d’Elubo. Là, deux militaires ghanéens patrouillent, fusils d’assaut en bandoulière.
Très pénalisante sur le plan commercial, la fermeture des frontières n’a qu’une efficacité relative sur le plan sécuritaire: en dépit de la surveillance des forces de sécurité, la rivière Tanoé est aisément franchie en pirogue et de nombreuses pistes permettent ensuite de se fondre dans la brousse.
Lundi, invoquant des raisons « humanitaires », les soldats ivoiriens ont laissé passer une centaine de personnes, chargés de bagages, mais aucun véhicule, avant de refermer le large portail de plus de quatre mètres qui ferme l’entrée du pont, de leur côté.
De chaque côté de la rivière, une forêt dense constitue un refuge idéal pour les contrebandiers, voire d’éventuels assaillants. Voilà ce qui préoccupe le lieutenant Amadou Koné, dit « Sampayo », responsable local de l’armée ivoirienne.
Pistolet à la hanche, sanglé dans un treillis marron clair, il affirme être sur « le qui-vive » depuis l’attaque qui s’est déroulée dans la nuit de jeudi à vendredi et a fait selon lui huit morts parmi les agresseurs, qu’il identifie pour la plupart comme des anciens militaires du régime déchu du président ivoirien Laurent Gbagbo.
« Nous notons une collaboration de la population pour dénoncer les assaillants infiltrés », se félicite-t-il.
La Côte d’Ivoire a subi depuis août une série d’attaques visant les forces de sécurité, attribuées par le pouvoir à des partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo, ce que ceux-ci ont démenti.
De nombreux responsables politiques et militaires du régime Gbagbo ont trouvé refuge au Ghana, qui partage une frontière de près de 700 km avec la Côte d’Ivoire, provoquant la colère d’Abidjan.
Près du lieutenant Koné, un autre militaire es
t plus direct dans ses propos: il accuse les autorités ghanéennes de « fermer les yeux sur les activités déstabilisatrices des déserteurs de l’armée ivoirienne qui y ont trouvé refuge ».
« Il serait impérieux que le Ghana soit correct avec nous. Il faut qu’on se dise la vérité pour ne pas arriver au clash », ajoute-t-il en désignant de son sabre le poste frontière ghanéen.
AFP