La décision de valider la réforme de Barack Obama sur la santé est qualifiée « d’illégitime » et de « politique » dans les rangs des perdants qui accusent le président de la Cour suprême d’avoir validé la loi à la dernière minute sous la pression de l’administration démocrate
« Nous avons perdu cette affaire après qu’une pression a été exercée » sur le président de la Cour, John Roberts, a fulminé l’avocat Randy Barnett, qui a soutenu certains opposants à la loi devant la plus haute juridiction du pays. « C’est une décision illégitime », a-t-il encore regretté.
Le conservateur John Roberts, dont le vote a sauvé la réforme maîtresse de la présidence Obama, a changé d’avis pendant les trois mois de délibérations et rédigé successivement un arrêt défavorable puis favorable à la loi, a révélé à l’AFP l’expert Paul Campos, sur la foi de sources internes à la Cour.
Le jugement sur cette loi phare de l’assurance maladie est rédigé de telle manière que le lecteur devine qu’elle a d’abord été rejetée avant d’être validée. Elle est jugée anticonstitutionnelle en vertu de la clause sur le commerce, avant d’être repêchée in extremis sur la base de la loi sur les impôts.
En rejoignant les rangs des quatre juges progressistes sur les neuf que compte la Cour, John Roberts, nommé par l’ex-président républicain George W. Bush, a assuré la survie de la réforme phare de M. Obama.
« M. Roberts a changé son vote assez tard dans la procédure », a déclaré à l’AFP Paul Campos, professeur de droit à l’Université du Colorado (ouest).
L’audience historique consacrée à ce texte controversé s’est tenue fin mars et la décision la jugeant conforme à la Constitution a été lue jeudi dernier par le juge Roberts.
« Il n’est pas rare dans l’histoire de la Cour suprême que pour des affaires très contestées, un ou plusieurs juges qui font la majorité changent d’avis », a souligné M. Campos.
Preuve de ce revirement, le juge Roberts a rédigé à la fois la décision de la majorité et l’avis divergent des juges qui ont voté contre la loi. Et cela est « sans précédent », a observé l’analyste. « C’est très inhabituel que quelqu’un se retrouve dans la situation d’écrire en grande partie les décisions de la majorité et de la minorité ».
« Les trois quarts de l’avis de la minorité ont été écrits par l’entourage du président Roberts en avril et mai », a précisé l’expert.
– Des pressions d’Obama ?
– « Le président des Etats-Unis a commencé à attaquer la Cour suprême sur la manière dont s’était déroulée l’audience », a-t-il affirmé. « Il a commencé à injecter de la politique dans le processus de délibérations de la Cour suprême (…) et maintenant nous apprenons que nous avions gagné cette affaire en conférence (à huis clos) et que nous l’avons perdue après, une fois que cette pression a été mise à nu ».
Le juge Roberts « a agi en politicien et non en juge », a abondé Ilya Shapiro, analyste au centre de réflexion ultraconservateur Cato Institute, à Washington. « Il ne s’agit pas d’une décision juridique mais politique (…) c’est la définition d’une décision illégitime pour la plupart des gens ».
Pour l’avocat David Rivkin, qui a soutenu les 26 Etats plaignants dans cette affaire, « il est tout à fait certain qu’il y a eu beaucoup de pressions politiques sur la Cour et sur le juge Roberts en particulier ». « Le président de la haute juridiction a-t-il pris sa décision pour cette raison? Je ne sais pas, je ne veux pas mettre en doute impunément son intégrité ».
M. Campos, de son côté, ne veut pas croire à une pression « aussi grossière » et directe de la Maison Blanche car « ce genre de choses peut trop facilement tourner en scandale politique ».
AFP