samedi, avril 20, 2024
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Le sucre du Cambodge vire à l'amer pour les paysans expropriés

Le sucre du Cambodge vire à l'amer pour les paysans expropriés

Des milliers de Cambodgiens ont été forcés de céder leurs terres aux producteurs de sucre, selon des organisations militantes, qui accusent les entreprises et le pouvoir de fermer les yeux pour écouler la production sur les marchés européens.

Une campagne a débuté cette semaine, exigeant le boycott du sucre du Cambodge dans les supermarchés de l’Union européenne, qui n’impose aucun droit de douane sur ces importations dans le cadre de l’initiative « Tout sauf les armes » accordée aux pays les moins avancés (PMA). 

Car selon ses auteurs, l’appétit vorace des producteurs a dépossédé quelque 3.000 familles de leurs terres sans compensation adéquate.

Yi Chhav explique ainsi n’avoir eu pour seul choix que de travailler pour la société à qui son terrain a été cédé. Elle gagne 1,5 dollar par jour, au milieu des cannes à sucre qui ont recouvert sa rizière.

« Si on refuse d’aller travailler dans la plantation de cannes à sucre, qu’est-ce qu’on va manger ? Il n’y a pas de travail », explique cette veuve de 68 ans, qui dit se sentir comme une « esclave » et avoir dû retirer sa fille de l’école.

Les querelles de terrains se multiplient au Cambodge, où les droits de propriété ont été abolis sous le régime des Khmers rouges (1975-79). Et les associations de défense des droits de l’Homme accusent le gouvernement du Premier ministre Hun Sen d’ignorer les revendications des résidents.

Elles se tournent donc vers les Européens. « Il est scandaleux que l’Union européenne autorise la vente sur son territoire de ce sucre souillé », estime David Pred, représentant de la Cambodian Clean Sugar Campaign (Campagne pour un sucre cambodgien propre).

« En attendant que l’UE interdise l’importation de produits venant de terres volées, c’est aux consommateurs de dire non à ces produits ».

Le « sucre du sang »

L’ambassadeur de l’UE à Phnom Penh, Jean-François Cautain, a indiqué à l’AFP que le dossier était débattu « de manière presque quotidienne » avec le pouvoir. « On a demandé au gouvernement (…) de nous fournir des documents pour nous indiquer de quelle manière ces concessions avaient été octroyées ». 

Mais la coalition d’organisations et de résidents entend aussi faire pression sur la société sucrière Tate and Lyle pour qu’elle cesse d’acheter au Cambodge le « sucre du sang ». Elle diffuse notamment une vidéo qui montre des villageois atterrés devant leurs maisons en flammes (www.boycottbloodsugar.net).

Le groupe, basé en Grande-Bretagne mais désormais contrôlé par la société « American Sugar Refining » (ASR), n’a pas répondu aux questions de l’AFP.

Quant au porte-parole du gouvernement, Ek Tha, il a affirmé que le dossier était examiné avec attention, avant de renvoyer toute autre question aux producteurs.

La province de Koh Kong –l’une des trois du pays à produire du sucre– abrite l’une des plantations les plus anciennes du pays. Elle a exporté 20.000 tonnes de sucre dans l’UE en 2011, le double de 2010, selon les organisations Equitable Cambodia et la Ligue du Cambodge pour les droits de l’Homme (Licadho).

Ly Yong Phat, sénateur du parti majoritaire et puissant homme d’affaires cambodgien qui a vendu ses intérêts à Koh Kong mais conserve des parts dans le sucre, relève que les concessions ont été accordées en toute légalité.

« Si c’était ma terre, je la partagerais avec eux, il n’y aurait plus de problème. Mais c’est la terre de l’Etat. Qu’est-ce que je peux faire », s’interroge-t-il.

Ereintés par une bataille perdue d’avance, des familles ont fini par accepter des compensations en liquide, entre 250 et 2.000 dollars, selon Teng Kao, un chef de village.

Mais bien d’autres attendent un traitement équitable. « On ne peut pas vivre sans nos terres. Tous les jours, je demande à ce qu’on me la rende pour que je puisse planter du riz comme avant ». 

AFP 

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