A l’image du numéro un mondial de l’ameublement Ikea, qui a ouvert lundi à Paris son premier magasin au monde en format réduit, spécialement conçu pour le centre-ville, des enseignes traditionnellement installées en périphérie commencent à investir le cœur des grandes cités.
Ce « concept unique », d’une superficie de 5.400 m2, soit quatre fois moins qu’un magasin « normal », et où tout l’assortiment sera accessible via les outils numériques, va permettre de « toucher plus de clients, ceux qui étaient jusqu’à présent éloignés de nous », a affirmé Jesper Brodin, le PDG d’Ingka Holding, la maison-mère d’Ikea Group, lors de l’inauguration.
Ingka Group, principale franchise de l’enseigne, a précisé à l’AFP qu’un autre magasin de ce type était prévu à Moscou « le mois prochain » et que d’autres ouvertures auraient lieu courant 2019, « ce qui prouve qu’Ikea continue à investir », a estimé M. Brodin, en allusion aux 7.500 postes que la firme va supprimer dans le monde d’ici 2020.
Aller vers une réduction des surfaces, c’est déjà ce que fait, avec succès, la grande distribution alimentaire, à travers ses formats de proximité. Pourquoi ne pas l’imiter?
La logique actuelle veut que l’on « se rapproche du consommateur » avec des formats plus petits, souligne à l’AFP Emmanuel Le Roch, délégué général de la Fédération du commerce spécialisée (Procos), ce que permettent des baux commerciaux au coût moindre et les outils numériques actuels.
Qui plus est, « les consommateurs veulent passer moins de temps en magasin et pour beaucoup, ils n’ont pas de voiture, en particulier dans les grandes villes », abonde Matthias Berahya-Lazarus, président du groupe Bonial, spécialisé dans le marketing numérique.
Même si, concernant les villes de taille moyenne, « la réticence » à aller en périphérie est moins vraie, nuance M. Le Roch.
– Périphérie « saturée » –
En lançant mi-avril à Lyon un nouveau concept de magasin, le directeur général de l’enseigne King Jouet, Philippe Gueydon, avait expliqué que « la périphérie (étant) saturée », « le vrai potentiel de développement est aujourd’hui en centre-ville », où se trouvent « des surfaces conséquentes ».
« Trouver 600 mètres carrés, comme ici, il y a dix ou quinze ans, c’était rarissime », avait-il souligné, mettant en lumière une autre raison de cette migration des enseignes.
Selon une étude de Procos datant de février, le taux moyen de la vacance des locaux commerciaux en centre-ville est en effet passé de 7,2% en 2012 à 9,5% en 2015 et 11,9% en 2018: il y a donc des surfaces vides à exploiter.
Par ailleurs, la fréquentation en magasin est en baisse constante « depuis au moins cinq années consécutives en moyenne à -5% par an ».
Pour aider ces centres-villes délaissés, le gouvernement a déployé depuis un an auprès de 222 communes un dispositif permettant de mobiliser 5 milliards d’euros sur cinq ans, principalement consacrés à des opérations de logement, mais également de dynamisation du commerce.
Heureusement, ajoute l’étude de Procos, « les chiffres d’affaires de ces mêmes magasins ne diminuent pas dans les mêmes proportions » que la fréquentation, du fait de l’amélioration du panier moyen, ce qui s’explique par une population au pouvoir d’achat plus élevé qu’en périphérie.
– L’expérience client –
Autre phénomène: le développement du numérique, qui permet de ne pas exposer l’intégralité de l’offre mais de la proposer via des bornes interactives et de la faire livrer en magasin (« click and collect »).
« La » condition de l’existence de ces concepts dédiés est que le client « bénéficie d’un vrai service, tant en termes de livraison que de conseil », souligne à l’AFP M. Le Roch.
En « condensant sa gamme », ces formats rendent l’enseigne « plus accessible à des populations différentes » en misant sur le « qualitatif », estime pour sa part le président de Bonial.
Partant de ce principe, Mr Bricolage a ouvert en mars 2018 à Orléans un magasin au format « city » (800 m2) proposant une offre de produits adaptée, avec l’intention de l’étendre dans l’ensemble du réseau d’ici 2028.
Decathlon de son côté a « inventé » des magasins dont les rayons, sur roulettes, sont poussés en fin de journée pour créer des « salles de sport » où sont dispensés des cours gratuits, répondant aux attentes d’urbains pressés.
Et à terme, si l’on pousse le concept de « l’hybridation à l’extrême », souligne à l’AFP Matthias Berahya-Lazarus, le magasin pourrait devenir un simple « canal d’acquisition » de la clientèle.