Un parti rwandais d’opposition va entrer au Parlement à l’issue des législatives de lundi, selon des résultats provisoires publiés mardi, une victoire symbolique qui ne remet toutefois pas en cause l’hégémonie du président Paul Kagame et de sa formation.
Le Parti démocratique vert de Frank Habineza, seul parti d’opposition toléré, a obtenu 5% des suffrages, soit le minimum requis pour siéger au Parlement, selon des résultats publiés mardi soir par la Commission électorale.
Le parti de M. Habineza obtient ainsi deux sièges de députés sur les 80 que compte la chambre basse du Parlement de ce pays dirigé d’une main de fer par Paul Kagame et son parti, le Front patriotique rwandais (FPR).
Cinquante-trois des 80 sièges étaient mis en jeu aux législatives de lundi, lors desquelles quelque 7 millions de Rwandais ont voté. Les 27 sièges restants sont réservés aux femmes, aux jeunes et à des handicapés physiques élus par des conseils, comités et organisations spécifiques.
Les résultats définitifs sont attendus pour le 16 septembre.
« C’est un signe que le Rwanda ouvre son spectre politique », s’est réjoui Frank Habineza, ancien membre du FPR devenu critique de la politique de Paul Kagame, et qui rejette l’étiquette d’opposant « de façade ». « Nous avons atteint un objectif significatif en obtenant des sièges au Parlement ».
« Nous avions rarement notre mot à dire car nous n’en avions pas le pouvoir », a ajouté M. Habineza. « Maintenant, nous continuerons notre travail au Parlement en participant à la formulation de lois et politiques fidèles à l’esprit de la démocratie, de la liberté et du développement ».
Cette victoire symbolique du parti vert change toutefois peu de choses à la mainmise du FPR et de ses alliés sur le Parlement, par ailleurs salué mondialement pour sa proportion très élevée de femmes.
– Troisième mandat –
La coalition emmenée par le FPR a obtenu 74% des suffrages (40 sièges), en légère baisse par rapport au scrutin d’il y a 5 ans, tandis que trois autres partis soutenant la politique du gouvernement se partagent les sièges restants.
En 2015, le Parlement avait approuvé unanimement la tenue d’un référendum sur une réforme de la Constitution afin de permettre à Paul Kagame de diriger potentiellement le pays jusqu’en 2034. Le oui l’ayant emporté, M. Kagame a brigué un troisième mandat en 2017 et remporté la présidentielle avec plus de 98% des voix.
Le Parlement sortant a également approuvé cette année une loi prévoyant de lourdes peines de prison pour la publication de dessins « embarrassants pour les autorités gouvernementales ».
Paul Kagame est l’homme fort du Rwanda depuis que le FPR a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché un génocide qui a fait 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi.
M. Kagame est crédité du spectaculaire développement, principalement économique, d’un pays exsangue au sortir du génocide. Mais il est aussi accusé de bafouer la liberté d’expression et de réprimer toute opposition.
M. Habineza, candidat à la présidentielle d’août 2017 (0,48% des voix), ne s’attaque d’ailleurs jamais directement à M. Kagame, mais se contente de critiquer ses politiques, notamment en raison des lourdes peines prévues par la loi en cas de diffamation contre le président rwandais.
La dernière opposante de renom à s’y être aventurée, Diana Rwigara, est en prison depuis septembre 2017.