Au moins trois civils ont été tués et 52 blessés dimanche dans un raid aérien qui a frappé un camp de déplacés à Jilib (sud de la Somalie), selon des témoins ainsi qu’une équipe de MSF sur place, tandis que l’armée kényane assure avoir frappé une base des insurgés islamistes shebab. Plusieurs bombes ont été larguées dans et autour de la ville de Jilib lors de ce raid, dont une a explosé dans un camp de personnes déplacées fuyant la sécheresse et la famine, dans cette zone contrôlée par les shebab, selon plusieurs témoignages sur place.
« L’équipe de MSF à Marare (à 50 km de Jilib) soigne des dizaines de blessés à la suite d’un bombardement aérien sur la ville de Jilib qui a frappé un camp de déplacés vers 13h30 dimanche », précise un communiqué de l’organisation, qui refuse de commenter sur la nationalité du ou des appareils.
« Notre équipe m’a dit qu’environ 52 personnes, tous civils, essentiellement des femmes et des enfants, ont été blessées et que trois ont été tuées », a indiqué à l’AFP Gautam Chapperjee, chef de mission de MSF-Pays-Bas pour la Somalie.
Trois blessés ont été emmenés dans un état critique vers Mogadiscio pour y être opérés, le centre de MSF à Marare n’étant pas équipé pour, a précisé M. Chapperjee.
MSF anime depuis le mois de mai une unité ambulatoire d’aide alimentaire à Jilib, avec l’accord des shebab, et dirige depuis 2004 un hôpital à Marare, également dans une zone contrôlée par les islamistes.
L’armée kényane a revendiqué de son côté avoir mené une attaque aérienne sur Jilib, mais elle assure avoir visé une cible exclusivement militaire.
« Nous avons bombardé un camp des (insurgés somaliens) shebab, nous en avons tué 10 et blessé 47 », a affirmé à l’AFP le porte-parole de l’armée kényane, le major Emmanuel Chirchir. « Nous sommes sûrs de ce bilan, (il n’y a) pas de victime collatérale, pas de femme ni d’enfant » parmi les victimes, a assuré ce responsable interrogé sur le bilan donné par MSF.
« Un des tués est un dirigeant clé des shebab, dont l’identification est en cours », a ajouté le porte-parole.
Mais sur place, plusieurs témoins ont assuré que les victimes du bombardement étaient des civils.
« Une des bombes a explosé très près d’un camp où des membres des (insurgés islamistes) shebab distribuaient de la nourriture à des familles déplacées, plusieurs personnes sont mortes sur place, j’en ai vu trois », a rapporté au téléphone à l’AFP un témoin, Abdikadim.
« Au moins quatre puissantes explosions ont retenti à l’intérieur et à l’extérieur de Jilib ce (dimanche) après-midi », a rapporté un autre témoin, Moalim Isak. « Au moins cinq civils ont été tués à un site de distribution (d’aide) où une bombe s’est écrasée, et l’avion est reparti immédiatement après avoir lâché les bombes », a ajouté ce témoin.
Un responsable shebab, qui a refusé de donner son identité, a accusé l’armée kényane « d’avoir tué des civils après avoir visé un centre de distribution d’aide ».
L’aviation kényane a déjà procédé à plusieurs bombardements dans le sud de la Somalie depuis le début de son intervention militaire dans ce pays mi-octobre, mais c’est la première fois qu’elle est mise en cause pour avoir causé des victimes au sein de la population.
L’armée kényane est entrée en Somalie le 14 octobre, selon son haut commandement, avec le soutien de son aviation, afin de neutraliser les insurgés shebab qui contrôlent la plus grande partie du sud et du centre de ce pays sans gouvernement central depuis vingt ans.
Le gouvernement kényan accuse les shebab d’avoir violé son intégrité territoriale, notamment lors d’une série d’enlèvement de quatre Européennes dans le nord-est du Kenya ces dernières semaines. Les shebab nient toute responsabilité dans ces enlèvements.
La plus grande partie du sud de la Somalie est en état de famine suite aux effets conjugués d’une sécheresse exceptionnelle et de la guerre civile qui ravage la Somalie depuis 20 ans. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont déjà péri, selon les estimations, et 3,7 millions de personnes, soit un tiers de la population somalienne, souffrent de difficultés alimentaires.
Les shebab interdisent l’accès des zones sous leur contrôle à la plupart des organisations humanitaires internationales, qu’ils soupçonnent de se livrer à de l’espionnage ou de la propagande, à quelques exceptions près comme MSF.
AFP