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Jonas Savimbi hante encore l'Angola, dix ans après sa mort

Jonas Savimbi hante encore l'Angola, dix ans après sa mort
La personnalité charismatique et brutale de Jonas Savimbi, un des premiers seigneurs de guerre à avoir financé son armée avec les « diamants du sang », continue de hanter son pays dix ans ans après sa mort. Tué au cours d’une fusillade avec les forces gouvernementales angolaises le 22 février 2002, sa mort a mis fin à un conflit qui durait depuis l’indépendance de l’Angola en 1975, et rendu la paix possible.
Pour ses détracteurs, son héritage restera, celui d’un homme qui a refusé la paix quand son groupe rebelle – l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) – a perdu des élections organisées par l’ONU face au Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), le parti au pouvoir, en 1992.
Savimbi a dénoncé des fraudes, s’est retiré d’un duel annoncé contre le président sortant José Eduardo dos Santos, et a repris le maquis pour mener une guerre de terreur destinée à rendre le pays ingouvernable.
« L’erreur de Savimbi, la grosse erreur historique qu’il a faite, a été de rejeter (l’élection) et de reprendre la guerre », estime Alex Vines, directeur du programme Afrique à l’institut de recherche de Chatham House, à Londres.
Savimbi a en partie été le produit des forces de la guerre froide qui ont transformé son pays en champ de bataille: les États-Unis et l’Afrique du Sud de l’apartheid d’un côté, l’Union soviétique et Cuba de l’autre, ont alimenté le conflit angolais en soldats, en armes et en argent.
L’Unita a notamment reçu quelque 250 millions de dollars des Etats-Unis entre 1986 et 1991, la deuxième aide secrète après les moudjahidine afghans.
Mais Savimbi a continué à se battre, alors que le Mur de Berlin était tombé et que l’apartheid avait disparu.
La guerre s’est seulement terminée après la diffusion à la télévision des images de son corps criblé de balles. Il avait 67 ans.
« Toujours douloureux »
Correspondant de la BBC en Angola au moment de la mort de Savimbi et auteur d’un ouvrage sur la fin de la guerre, Justin Pearce estime que le chef de la guérilla de l’Unita a été victime de son propre orgueil.
« Savimbi a fait une énorme erreur de jugement en pensant qu’il pourrait l’emporter par les armes après 1990 » (la fin de la guerre froide, ndlr), a-t-il indiqué à l’AFP.
« Il a vraiment cru que c’était son destin que d’être le véritable dirigeant de l’Angola », souligne-t-il.
Savimbi a autorisé la torture et le meurtre de dissidents présumés dans son propre mouvement, a terrorisé les populations civiles et a été l’un des premiers seigneurs de la guerre qui a financé son armée avec les « diamants du sang ».
Pourtant, même ses détracteurs gardent de lui le souvenir d’un homme au grand charisme, d’un stratège doué et d’une force intellectuelle avec laquelle il fallait compter. Il parlait couramment sept langues, dont l’allemand, l’anglais et le français.
« C’était un homme très charismatique, un homme qui respirait la puissance et l’autorité », se souvient Paula Roque, une spécialiste de l’Angola à l’Université d’Oxford.
« On ne peut pas oublier que pour une large partie de la population, l’Unita a représenté quelque chose », ajoute-t-elle.
« C’était un mouvement à base rurale, un mouvement qui était fier de ses origines africaines et appelait au respect des traditions », tandis que le MPLA était un parti fondé par des élites urbaines, souvent métisses, qui faisaient peu de cas de la démocratie.
Comme de nombreux historiens, Mme Roque rappelle que le gouvernement du MPLA a également commis sa part d’atrocités, et qu’il a repris les hostilités après les élections de 1992 en massacrant des milliers de partisans de l’Unita dans et autour de Luanda.
Mais la mémoire de Savimbi reste une question épineuse, même pour ceux qui furent ses partisans. L’Unita, aujourd’hui parti politique à l’audience réduite, hésite.
« L’Unita n’a pas pris ses distances avec ce qu’il représente, bien que des membres admettent clairement qu’il a fait une série d’erreurs tactiques, constate Axel Vines. « Même dix ans après, c’est encore douloureux. »

AFP

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