Couvre-feu à Bangui
Huit mois après la chute du général François Bozizé, force est de constater que le nouveau régime, dirigé par le président Michel Djotodia, n’arrive toujours pas à ramener un semblant d’ordre. Le pays est à feu et à sang ; le couvre-feu a été de nouveau instauré de 22 à 6 heures du matin à Bangui alors qu’il venait d’être levé, quelques semaines auparavant. Oui, la Capitale centrafricaine est livrée à elle-même. Infestée de pillards, de criminels, d’ex-rebelles de la Séléka, des milices d’auto-défense, la situation y est devenue incontrôlable. Le 17 novembre dernier en plein centre ville dans un quartier nommé Sica II, un haut-magistrat et son garde-de-corps ont été froidement assassinés par des hommes armés qui voulaient braquer sa voiture. Nul ne se souvient donc de la manifestation de 5.000 habitants de Boeing et de Boye-Rabe qui ont fait 48 heures de sit-in sur le tarmac de l’aéroport de M’poko, à la fin du mois d’août dernier ? De peur de se faire persécuter à la suite d’une expédition punitive des patrouilles de la Séléka, ils ont été obligés de fuir avec femmes et enfants pour se réfugier à proximité de la base française. A-t-il fallu qu’un directeur des Affaires Judiciaires tombe sous les balles d’hommes de la Séléka sans foi ni loi pour que toute l’administration et le gouvernement s’emballent et s’indignent ? Outre la manifestation corporatiste de la magistrature, le Conseil National de la Transition – l’organe législatif provisoire – a demandé instamment aux responsables de l’Exécutif de rendre des comptes. Les membres du CNT se sont réunis en session extraordinaire pour interpeller les ministres de la Sécurité, de la Justice et de la Défense.
La tentative de démobilisation des rebelles de la Séléka – au nombre de 25.000 hommes – reste la cause principale de cette situation d’instabilité. Les têtes pensantes de cette insurrection ont fait peu de cas de l’avenir des supplétifs qui les ont aidés à conquérir le pouvoir. Ils sont composés de plusieurs factions et n’obéissent qu’à leur hiérarchie directe. Sans cantonnement, ni affectation précise, cette horde de pompiers-pyromanes a déferlé sur la ville pour « rétablir » l’ordre, piller et perpétrer des exactions voire des exécutions sommaires. Les forces de gendarmerie et de police, autorités légitimes, ont déserté la ville à la suite de la chute du président François Bozizé. Malgré l’insistance du nouveau régime pour les remobiliser, la peur de la chasse aux sorcières et de vengeance des nouveaux maîtres de Bangui les en ont dissuadé. Seule la Force Multinationale des Etats d’Afrique Centrale (FOMAC) ont assuré la sécurisation de la ville et le désarmement des anciens éléments de la Séléka.
Huit mois après la chute du général François Bozizé, force est de constater que le nouveau régime, dirigé par le président Michel Djotodia, n’arrive toujours pas à ramener un semblant d’ordre. Le pays est à feu et à sang ; le couvre-feu a été de nouveau instauré de 22 à 6 heures du matin à Bangui alors qu’il venait d’être levé, quelques semaines auparavant. Oui, la Capitale centrafricaine est livrée à elle-même. Infestée de pillards, de criminels, d’ex-rebelles de la Séléka, des milices d’auto-défense, la situation y est devenue incontrôlable. Le 17 novembre dernier en plein centre ville dans un quartier nommé Sica II, un haut-magistrat et son garde-de-corps ont été froidement assassinés par des hommes armés qui voulaient braquer sa voiture. Nul ne se souvient donc de la manifestation de 5.000 habitants de Boeing et de Boye-Rabe qui ont fait 48 heures de sit-in sur le tarmac de l’aéroport de M’poko, à la fin du mois d’août dernier ? De peur de se faire persécuter à la suite d’une expédition punitive des patrouilles de la Séléka, ils ont été obligés de fuir avec femmes et enfants pour se réfugier à proximité de la base française. A-t-il fallu qu’un directeur des Affaires Judiciaires tombe sous les balles d’hommes de la Séléka sans foi ni loi pour que toute l’administration et le gouvernement s’emballent et s’indignent ? Outre la manifestation corporatiste de la magistrature, le Conseil National de la Transition – l’organe législatif provisoire – a demandé instamment aux responsables de l’Exécutif de rendre des comptes. Les membres du CNT se sont réunis en session extraordinaire pour interpeller les ministres de la Sécurité, de la Justice et de la Défense.
La tentative de démobilisation des rebelles de la Séléka – au nombre de 25.000 hommes – reste la cause principale de cette situation d’instabilité. Les têtes pensantes de cette insurrection ont fait peu de cas de l’avenir des supplétifs qui les ont aidés à conquérir le pouvoir. Ils sont composés de plusieurs factions et n’obéissent qu’à leur hiérarchie directe. Sans cantonnement, ni affectation précise, cette horde de pompiers-pyromanes a déferlé sur la ville pour « rétablir » l’ordre, piller et perpétrer des exactions voire des exécutions sommaires. Les forces de gendarmerie et de police, autorités légitimes, ont déserté la ville à la suite de la chute du président François Bozizé. Malgré l’insistance du nouveau régime pour les remobiliser, la peur de la chasse aux sorcières et de vengeance des nouveaux maîtres de Bangui les en ont dissuadé. Seule la Force Multinationale des Etats d’Afrique Centrale (FOMAC) ont assuré la sécurisation de la ville et le désarmement des anciens éléments de la Séléka.
Guerre civile sur l’axe Nord-Ouest
La flambée de violences dont la ville de Bossangoa (Ouest) en est l’épicentre risque de faire basculer irrémédiablement la RCA vers une guerre interreligieuse. Tout avait commencé en juillet dernier lorsque cette région, réputée être le fief de l’ancien président François Bozizé, reçût la visite d’une escouade de la Séléka, venue de Bangui. La mission de pacification de ces ex-rebelles s’est rapidement envenimée et s’est transformée en exactions abusives contre la population de confession chrétienne. En réaction, celle-ci a créé des milices d’auto-défense (les anti-balaka ou anti-machette). C’est ainsi que le conflit a basculé car les combattants de la Séléka sont la plupart originaire du Nord, de tradition musulmane.
La RCA est un pays composé de 80% de chrétiens, 10% de musulmans et le reste pratique l’animisme. L’arrivée au pouvoir en mars dernier d’une insurrection venue du Nord a ravivé des tensions communautaires entre éleveurs nomades et sédentaires chrétiens. Les antagonismes commerciaux et les vielles querelles tribales se sont exacerbés également lorsque l’administration et l’Etat ont abandonné le terrain. La tradition séculaire des razzias entre royaumes n’ont jamais disparu par la magie des découpages du temps des colonies. Bien au contraire, la circulation des armes et la porosité des frontières n’ont fait qu’alimenter les activités de prédation.
Centrafrique, Etat failli ?
La flambée de violences dont la ville de Bossangoa (Ouest) en est l’épicentre risque de faire basculer irrémédiablement la RCA vers une guerre interreligieuse. Tout avait commencé en juillet dernier lorsque cette région, réputée être le fief de l’ancien président François Bozizé, reçût la visite d’une escouade de la Séléka, venue de Bangui. La mission de pacification de ces ex-rebelles s’est rapidement envenimée et s’est transformée en exactions abusives contre la population de confession chrétienne. En réaction, celle-ci a créé des milices d’auto-défense (les anti-balaka ou anti-machette). C’est ainsi que le conflit a basculé car les combattants de la Séléka sont la plupart originaire du Nord, de tradition musulmane.
La RCA est un pays composé de 80% de chrétiens, 10% de musulmans et le reste pratique l’animisme. L’arrivée au pouvoir en mars dernier d’une insurrection venue du Nord a ravivé des tensions communautaires entre éleveurs nomades et sédentaires chrétiens. Les antagonismes commerciaux et les vielles querelles tribales se sont exacerbés également lorsque l’administration et l’Etat ont abandonné le terrain. La tradition séculaire des razzias entre royaumes n’ont jamais disparu par la magie des découpages du temps des colonies. Bien au contraire, la circulation des armes et la porosité des frontières n’ont fait qu’alimenter les activités de prédation.
Centrafrique, Etat failli ?
La situation qui prévaut actuellement est la conséquence de plusieurs décennies d’instabilité. Cette guerre interconfessionnelle n’est sans doute que le dernier avatar d’un Etat en déliquescence. Ces 30 dernières années, hormis l’élection démocratique d’Ange Félix Patassé en 1993, trois des cinq chefs d’Etat de cette République, sont arrivés au pouvoir par le biais d’un putsch. La voie royale pour accéder à la magistrature suprême est le poste de chef d’état-major des armées : le capitaine Jean-Bedel Bokassa (1965-1979), le général Kolingba (1981-1993), le général François Bozizé (2003–2012). Cette arrivée au sommet du pouvoir par effraction induit un réflexe de protection et de paranoïa. Deux de choses l’une, soit on fait appel à des services de sécurité étrangers (français, tchadiens, libyens) ou bien on recrute au niveau de son ethnie d’origine. Par conséquent, la Forcée Armée Centrafricaine (FACA) s’est délitée au fil du temps, réduite à un simple un levier d’accession. De plus, les processus successifs de désarmement-intégration d’anciens rebelles ont transformé la grande muette centrafricaine en une institution ingérable : effectif pléthorique, salaires de soldats impayés, sous-équipement. La particularité de la chute de François Bozizé en mars 2013 vient du fait que c’est une coalition hétéroclite qui s’est liguée contre son régime. Il s’agit essentiellement d’ex-soldats mutins originaires du Nord, de déserteurs de la FACA avec la présence de mercenaires étrangers (tchadiens, soudanais et nigérians). Au tout début de l’insurrection, les chefs d’Etat de la sous-région (CEEAC) ont essayé de trouvé un point de consensus entre le président François Bozizé et la coalition. Car ils redoutaient une désintégration de la RCA. Face à l’intransigeance des deux camps et l’arrogance du général Bozizé, la porte de sortie politique par la voie des urnes a été compromise.
L’intervention internationale
L’intervention internationale
Aujourd’hui, l’agenda international et l
a pesanteur administrative des institutions internationales ne sont pas adaptés pour l’enclenchement d’une intervention d’urgence dans des situations comme celles qui prévalent actuellement en RCA. Il a fallu que le terme de « génocide » soit évoqué, vers la fin du mois de novembre, pour que toute la machinerie onusienne et internationale se mette en branle. La France, ancienne puissance coloniale, ne veut plus intervenir sans le sauf-conduit délivré par un mandat du Conseil de sécurité des Nations-Unies [cf : encadré].
De la FOMAC à la MISCA
Bien avant le début de l’insurrection de décembre 2012, les pays membres de la CEEAC ont déjà mis en place une force d’interposition – la FOMAC – de 800 soldats. Face à la chienlit centrafricaine, une réunion des chefs d’état-major de la sous-région, au mois de mai dernier, a décidé de porter cet effectif à 2.000 hommes. L’Union Africaine (UA) a pris le relais en juillet dernier. Elle a planifié le déploiement de 3.650 hommes pour une Mission de Soutien à la Centrafrique (MISCA). L’UA, prompte à condamner l’ingérence des pays occidentaux sur le continent est financièrement incapable de projeter une brigade d’intervention rapide ; elle est même souvent obligée d’attendre un déblocage de subvention financière – de l’Union Européenne et de l’ONU – pour engager une force panafricaine de maintien de la paix. Une réunion extraordinaire des pays de la CEEAC, le 23 octobre à N’Djamena, annonça une anticipation des engagements sur le terrain : appui aérien, soutien au déploiement du contingent burundais… En attendant la MISCA et la France !
Alex ZAKA
Paru dans le Diasporas-News n°47 de Décembre 2013
a pesanteur administrative des institutions internationales ne sont pas adaptés pour l’enclenchement d’une intervention d’urgence dans des situations comme celles qui prévalent actuellement en RCA. Il a fallu que le terme de « génocide » soit évoqué, vers la fin du mois de novembre, pour que toute la machinerie onusienne et internationale se mette en branle. La France, ancienne puissance coloniale, ne veut plus intervenir sans le sauf-conduit délivré par un mandat du Conseil de sécurité des Nations-Unies [cf : encadré].
De la FOMAC à la MISCA
Bien avant le début de l’insurrection de décembre 2012, les pays membres de la CEEAC ont déjà mis en place une force d’interposition – la FOMAC – de 800 soldats. Face à la chienlit centrafricaine, une réunion des chefs d’état-major de la sous-région, au mois de mai dernier, a décidé de porter cet effectif à 2.000 hommes. L’Union Africaine (UA) a pris le relais en juillet dernier. Elle a planifié le déploiement de 3.650 hommes pour une Mission de Soutien à la Centrafrique (MISCA). L’UA, prompte à condamner l’ingérence des pays occidentaux sur le continent est financièrement incapable de projeter une brigade d’intervention rapide ; elle est même souvent obligée d’attendre un déblocage de subvention financière – de l’Union Européenne et de l’ONU – pour engager une force panafricaine de maintien de la paix. Une réunion extraordinaire des pays de la CEEAC, le 23 octobre à N’Djamena, annonça une anticipation des engagements sur le terrain : appui aérien, soutien au déploiement du contingent burundais… En attendant la MISCA et la France !
Alex ZAKA
Paru dans le Diasporas-News n°47 de Décembre 2013