Le Tchad a affiché mercredi son impatience de voir les troupes ouest-africaines et maliennes se déployer dans le nord du Mali face aux jihadistes, alors que l’Afrique de l’Ouest, jugée à la traine, a invoqué un manque de financements.
Dans le cadre policé d’un sommet des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) dont, dirigeant d’un pays d’Afrique centrale, il était un invité, le président tchadien Idriss Deby Itno a parlé sans ambages.
« L’heure n’est plus aux discours (…) mais plutôt à l’action », « l’ennemi n’attend pas », a-t-il exhorté à l’ouverture de la réunion à Yamoussoukro, devant la plupart des présidents de la région.
« Nous appelons l’état-major de la Cédéao à plus de célérité en accélérant l’envoi des troupes dans la zone libérée », a-t-il déclaré. A l’intention des soldats maliens, M. Deby a lancé, sous les applaudissements: « votre place est au front ».
Le chef de l’Etat tchadien a précisé que son pays a envoyé « au-delà de 2.000 » hommes au Mali – le plus fort contingent africain – et déplore dans les rangs de son armée « 27 morts et 50 blessés », principalement lors de violents combats le 22 février, soit le plus lourd tribut payé par les troupes alliées à Bamako.
Le Tchad est en première ligne aux côtés de l’armée française dans le massif des Ifoghas, dans l’extrême Nord du Mali, voisin de l’Algérie. C’est là que se sont retranchés le gros des islamistes armés alliés à Al-Qaïda, après avoir été chassés des grandes villes du Nord depuis l’intervention de Paris le 11 janvier.
Le déploiement de la force de la Cédéao, la Mission internationale de soutien au Mali (Misma), à laquelle n’appartient pas le Tchad, est en revanche jugé lent.
Le président en exercice de la Cédéao, le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, a cependant assuré que la région a déjà envoyé au Mali les trois quarts de l’effectif escompté de « 8.000 hommes ». Mais l’essentiel de ces troupes n’est pas engagé dans les combats.
La Misma doit prendre la relève
Le président ivoirien a reconnu que la Misma rencontrait des difficultés en appelant à la mobilisation des fonds promis lors d’une conférence internationale à Addis Abeba fin janvier.
« La concrétisation de ces promesses de fonds constitue une priorité », a-t-il souligné, souhaitant aussi que soient mobilisées « les ressources additionnelles indispensables ».
Alors que la communauté internationale s’est engagée fin janvier sur une enveloppe financière de plus de 455 millions de dollars (338 M EUR), destinée à la Misma, à l’armée malienne et à l’aide humanitaire, la Côte d’Ivoire a affirmé lundi que les besoins globaux se montaient à 950 millions de dollars (715 M EUR), soit plus du double.
L’enjeu est de taille, au moment où le conflit change de nature avec des accrochages violents et une série d’attentats-suicides, dont le dernier a fait entre quatre et sept morts mardi à Kidal (1.500 km au nord-est de Bamako), où sont présents soldats français et tchadiens.
Les armées africaines sont censées prendre à terme le relais de la France mais, pour de nombreux observateurs, les troupes maliennes et la Misma ne sont pas pour le moment en mesure de contrôler à elles seules l’immense moitié nord du Mali, que les islamistes avaient prise l’an dernier.
La France, qui a engagé 4.000 hommes et avait évoqué un début de retrait à partir de mars, a dû faire preuve de prudence, assurant mardi ne pas vouloir « partir de manière précipitée ».
Recevant le nouveau chef de la diplomatie américaine John Kerry, le président français François Hollande a évoqué la crise malienne avec lui.
D’ici quelques mois, la Misma pourrait se transformer en une force de maintien de la paix sous mandat de l’ONU, mais ce mandat fait encore débat.
Durant le sommet de Yamoussoukro qui doit se poursuivre jusqu’à jeudi, le président ivoirien, crédité par ses pairs pour sa fermeté sur le dossier malien, devrait être reconduit à la présidence de la Cédéao, qu’il occupe depuis un an.
AFP