La France se prépare à intervenir pour aider militairement le Mali à repousser les groupes islamistes armés, considérant que la poussée jihadiste vers le sud du pays a « changé la donne » et nécessite une riposte rapide et déterminée.
« Il y a une nouvelle donne, c’est Konna », a constaté vendredi le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. La prise jeudi par les jihadistes de cette localité du centre du pays a bouleversé les plans de la communauté internationale.
Plus question désormais de se donner le temps de former l’armée malienne, puis de soutenir ensuite une force africaine loin d’être sur pied.
Face à ce qu’il a qualifié d' »agression caractérisée » de la part des islamistes, le président François Hollande a affirmé la détermination de la France à « arrêter l’offensive des terroristes si elle devait se poursuivre », tout en respectant « strictement » les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.
S’ils affirment ne pas avoir été surpris par cette offensive, la rapidité avec laquelle les islamistes ont bousculé l’armée malienne a étonné les responsables français de la défense.
« Ce qui frappe le plus, c’est que Ag Ghaly (le chef du groupe Ansar Dine) ait réussi à rassembler des groupes jusqu’ici éclatés et qu’ils aient une vraie organisation de la bataille mise en oeuvre sous l’autorité d’un chef », a souligné Jean-Yves Le Drian devant des journalistes.
Autre enseignement de la bataille de Konna: les soldats maliens se sont bien battus pendant plus de cinq heures pour tenter de repousser les combattants islamistes, avant d’être débordés. Selon un responsable de la défense, les combats auraient fait plusieurs morts et blessés dans les rangs maliens.
« Une fois Konna franchi, la route est ouverte » vers le sud et la ville de Mopti (plus de 100.000 habitants), à la limite entre le nord et le sud du pays, prévient le ministre de la Défense: « Vu la situation politique à Bamako, il suffit de pas grand chose pour que le pays tombe dans l’anarchie la plus totale ».
Les unités maliennes défaites à Konna étant justement celles dont la mission européenne devait assurer la formation, la France et ses alliés occidentaux sont contraints d’envisager d’urgence un autre scénario.
Selon des sources maliennes, la France et d’autres pays européens ont fourni dès vendredi le soutien nécessaire à l’armée malienne pour lui permettre de lancer une contre-offensive et tenter de reprendre Konna. Et des appareils militaires de « pays amis » sont utilisés.
Paris se refuse en revanche à confirmer la présence de militaires ou d’avions français à Sévaré, au sud de Konna, où, selon un employé de l’aéroport, des hommes à « la peau blanche » ont débarqué jeudi des armes d’avions militaires C-160.
Jean-Yves Le Drian a informé vendredi le secrétaire américain à la Défense, Léon Panetta, de la situation, et devait appeler dans la journée ses homologues britannique et allemand.
La « capacité de surveillance de la zone » a été renforcée depuis plusieurs jours, en raison de la concentration des combattants islamistes au sud de Tombouctou, souligne-t-on au ministère de la Défense.
Si elle décide d’intervenir au côté de l’armée malienne, la France dispose de troupes prépositionnées, notamment au Tchad et au Gabon. Et quatre avions de combat et un ravitailleur en vol sont habituellement stationnés à N’Djamena.
Silence côté français sur les hommes des « forces spéciales » présents dans la zone sahélienne et qui sont les mieux équipées pour ce genre de mission.
« Officiellement, rien n’est commencé, mais officieusement les Etats qui vont appuyer l’offensive préparent déjà l’opération », confirme Jean-Charles Brisard, expert sur les questions de terrorisme. « Il est évident que les forces spéciales sont déjà présentes sur le terrain ».
AFP