Le procès de quatre anciens militaires français de la force Licorne en Côte d’Ivoire, poursuivis pour le meurtre en 2005 de l’Ivoirien Firmin Mahé, s’est ouvert mardi devant la cour d’assises de Paris, en l’absence de la famille de la victime.
Faute d’avoir obtenu à temps leurs visas, les membres de la famille de Firmin Mahé ne sont pas présents, a déploré leur avocat, Fabien Ndoumou. « J’estime que c’est une question de volonté politique », a-t-il commenté.
Firmin Mahé, 29 ans, avait été étouffé avec un sac plastique fixé sur la tête par du ruban adhésif, alors qu’il était transporté dans un blindé français.
Les quatre accusés, qui affirment avoir agi sur ordre, considéraient cet homme comme un « coupeur de route », un criminel terrorisant les populations dans la « zone de confiance » qu’ils étaient chargés de surveiller, dans un pays à l’époque coupé en deux par une guerre civile.
Pour les proches de Mahé, ce n’était pas un bandit et les militaires l’ont pris pour un autre.
La force française Licorne a été déployée en Côte d’Ivoire en septembre 2002, quelques jours après le début d’une rébellion contre le régime de Laurent Gbagbo, officiellement pour protéger les ressortissants français et étrangers et tenter de stabiliser son ex-colonie d’Afrique de l’Ouest.
Mahé avait été interpellé le 13 mai 2005 près de Bangolo (ouest), après avoir été blessé à une jambe lors d’un accrochage avec des militaires français. Il avait été conduit à une infirmerie puis dirigé vers la ville de Man sur ordre du général Henri Poncet, alors commandant de la force Licorne. C’est en route qu’il était mort.
Les faits s’étaient déroulés dans un contexte très tendu, six mois après le bombardement en novembre 2004 d’un camp de Licorne à Bouaké (centre) qui avait fait neuf morts parmi les soldats français.
« Je me suis sali les mains »
L’audience a commencé avec l’interrogatoire d’état-civil des accusés, qui comparaissent tous libres et ont maintenant quitté l’armée.
Il s’agit du colonel Eric Burgaud, 50 ans, chef de corps à l’époque, aujourd’hui cadre en entreprise, et des trois militaires présents dans le véhicule blindé: l’adjudant-chef Guy Raugel, 48 ans, qui a reconnu avoir étouffé Mahé, le brigadier-chef Johannes Schnier, 35 ans, qui le maintenait, et le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, 32 ans, qui conduisait le véhicule.
Au début de l’enquête, le général Poncet avait été mis en examen pour complicité d’homicide volontaire, le colonel Burgaud ayant affirmé avoir reçu de lui l’ordre implicite de tuer Mahé, en ces termes: « Roulez doucement… vous me comprenez ». Un ordre qu’il admet avoir transmis à ses hommes.
Henri Poncet a démenti avoir donné cet ordre et a bénéficié d’un non-lieu.
Il fait partie de la trentaine de témoins cités au procès et s’est présenté à son ouverture. Le général témoignera le 4 décembre.
L’ancienne ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, citée comme témoin par la défense, est attendue le même jour. Elle n’était pas présente mardi.
La défense compte mettre en avant la difficulté pou
r les hommes de la force Licorne, déployée sous mandat de l’Onu, de remplir une mission de maintien de l’ordre sans cadre juridique.
Dans une interview au quotidien régional Dauphiné Libéré, l’adjudant-chef Raugel a dit qu’il regrettait avoir tué Mahé, tout en se disant certain qu’il s’agissait du « pire criminel de l’ouest de la Côte d’Ivoire ».
Mais, ajoutait-il, « je me suis sali les mains parce qu’il n’y avait pas de solutions. Et s’il n’y avait pas de solutions, c’est la faute de nos politiques qui nous mettent dans des situations comme ça ».
Le procès est prévu jusqu’au 7 décembre.
AFP