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Immigration dangereuse en Israël

Immigration dangereuse en Israël
Pogrom en Israël  
Depuis le début l’année, le scandale des immigrés noirs clandestins défraye la chronique en Israël. En tout cas, il suscite un débat dans la société. Ironie de l’histoire : ce peuple victime des pires crimes innommables jamais connus instaure sur sa propre terre les moyens de persécution, toute proportion gardée, dont ils avaient enduré : les ghettos et les pogroms.
Les ratonnades et les manifestations contre les noirs sont devenues monnaie courante dans les grandes agglomérations de l’Etat hébreu. En mai dernier, une sombre affaire de viols a été imputée à des noirs ; s’en suivît, quelques jours plus tard, plusieurs jets de cocktail Molotov sur des logements d’un quartier d’immigrés. Ils sont le fait de nationalistes et d’orthodoxes. Ne jetons pas l’opprobre au peuple élu. A leur décharge, tant que l’économie israélienne pouvait supporter un afflux régulier d’immigrés, la population ne manifestait pas son hostilité. Mais depuis 2008, la crise mondiale frappe également le Proche-Orient et Israël n’y déroge pas. Le réflexe de survie de tout citoyen et même de tout homme est de défendre son bifteck. Lorsque le travail vient à manquer, stigmatiser l’étranger devient une solution de facilité que les partis conservateurs exploitent sans vergogne. Et pourtant les immigrés originaires d’Afrique subsahariennes sont en majorité non-qualifiés et manquent d’instruction ; ils sont plutôt affectés à des emplois que les « blancs » répugnent à faire. Selon American Press, les migrants africains représentent à peine 1% de la population de l’Etat juif.
Combien de « clandés » sont-ils aujourd’hui en Israël ? Officiellement, les statistiques en dénombrent 35.000 Erythréens soit 40% des 65.000 réfugiés illégaux. Que faire des sud-soudanais ? Ils sont à peu près un millier contre 15.000 grands frères du Soudan.

Les mesures gouvernementales sont radicales. En juin dernier, le ministre de l’Intérieur Eli Yishai a lancé un ultimatum à l’endroit des soudanais du Sud : « vous avez une semaine pour volontairement quitter Israël ». Pour la carotte, ce sera 1.000 €uros de gratification et un billet aller-simple. Se pose toujours le problème de coopération entre les pays car pour expulser, il faut que le pays du retour soit un peu plus conciliant. Alors pour afficher plus de fermeté, le gouvernement va punir tout citoyen qui accepte de donner du travail aux migrants.
Après la deuxième guerre d’Intifada et la vague d’attentats kamikaze perpétrés par les palestiniens, l’Etat hébreu a érigé, en 2002 tout autour des colonies de Cisjordanie, une « barrière de séparation » avec les territoires palestiniens, longue de 700 km. Aujourd’hui, le gouvernement a décidé de construire un mur le long de sa frontière avec l’Egypte, soupçonnée d’être laxiste en laissant sciemment passer les immigrés africains qui traversent le désert de Sinaï.
La route de la mer Rouge
L’homme ne migre pas par gaîté de cœur. La quête d’une vie meilleure et la fuite d’une situation inextricable (famine, guerre, persécution…) sont les raisons pour lesquelles les candidats à l’exil sont prêts à risquer leur vie.
Qu’il est loin le temps où les pirogues partaient de la côte Ouest africaine pour emmener les flots de clandestins sur les rives nord de la Méditerranée. Un flux continu qui faisait le bonheur des passeurs algériens et marocains pour traverser le détroit de Gibraltar et gagner les côtes espagnoles et portugaises : l’eldorado européen !
Cette migration a cessé ou ne fait plus entendre parler d’elle car cet itinéraire a été bloqué par les gardes-côtes des deux pays où s’étaient évanouis ou régularisés ceux qui arrivaient à bon port. Elle est aussi le fruit d’une coopération ou du moins une pression exercée par les ministères de l’Intérieur et l’immigration espagnols sur les gouvernements des pays du départ. Seule une amélioration des conditions matérielles dans les pays en voie de développement arrêtera définitivement ce fléau et permettra à terme de fixer sa population active. Ceci passe par un accompagnement de ces derniers pour les faire sortir de leur situation socioéconomique déplorable.
Une nouvelle route a été ouverte via le Niger et le Tchad vers la Libye avant d’effectuer la traversée vers Lampedusa et les côtes italiennes. Le Colonel Kadhafi a largement instrumentalisé cette situation ; il est devenu l’agent régulateur des flux d’immigrés en promettant à l’Union Européenne [politique de la Frontex] de lui verser une subvention d’un milliard d’€uros pour juguler cette vague de migration.
Tandis que les personnes qui quittent la corne de l’Afrique franchissent le golfe d’Aden pour rejoindre le Yémen avec pour destination finale les pays du Golfe Persique, grands pourvoyeurs de main-d’œuvre pour son secteur des BTP. Et la crise est aussi passée par là. Ceux qui arrivent en Israël sont originaires d’Erythrée, de Somalie, du Darfour, du Sud Soudan.
La traversée du Sinaï
Juste avant la révolution égyptienne de la place Tahrir et la période d’instabilité qui s’en suivît, la principale difficulté pour les clandestins s’étaient de franchir le désert de Sinaï : une étape de 400 km. Moyennant la somme de 1.000 $, les bédouins qui connaissent ce milieu hostile comme leur poche jouent les passeurs, mais jusqu’à une certaine limite. Les gardes-frontières des deux pays patrouillent le long des 250 km. Officiellement, on a dénombré, côté égyptien, qu’une trentaine d’africains tués par balles. Par contre on ne donne pas le chiffre de ceux qui sont en situation de transit et parqués dans les zones de rétention en attendant une expulsion vers un pays tiers.
Les statistiques dressées par les autorités de recensement israéliennes ne comptabilisent que les survivants c’est-à-dire les quelques 65.000 réfugiés illégaux. Mais depuis 2007 [date de la loi sur la lutte de flux migratoire], combien ont échoué en se perdant dans cette vaste étendue inhospitalière ? L’armée égyptienne aurait ramassé entre 2007 et 2011 quelques 400 corps.
L’instabilité au sommet de l’Etat, depuis la chute d’Hosni Moubarak, a provoqué une montée de l’insécurité dans le Sinaï. Les bédouins ont été souvent montrés du doigt par les autorités égyptiennes et surtout lors des attentats contre des touristes occidentaux dans la station balnéaire de Charm-El-Cheik, au début des années 2000. Faute de moyens, la surveillance des militaires s’est donc relâchée dans le désert. Les trafics de drogue et d’armes ont ainsi redoublé. Et surtout, les bédouins-passeurs de noirs se sont convertis en preneurs d’otages. Environ 1.200 candidats à l’immigration seraient actuellement détenus dans le sous-sol des grandes maisons construites, grâce à l’argent des trafics, à la lisière de la bande de Gaza. Leurs geôliers se livreraient à toute sorte d’exaction : torture, viols. Certains groupes de bédouins se livreraient maintenant à des trafics d’or
gane. Mais le business le plus lucratif reste le kidnapping. Ils appellent les familles des otages au pays pour leur exiger de verser une rançon qui paraissent irréalistes lorsqu’on sait que ces hommes et ces femmes ont quitté leur proche qui sont, eux aussi, dans un dénuement total. 
Les falashas ou les juifs d’Ethiopie
Comme dans les républiques islamiques, les gouvernements israéliens sont obligés de se référer aux rabbins avant de prendre des décisions. Au nom du sionisme c’est-à-dire le regroupement du peuple d’Israël au sein d’un même Etat, les Falashas d’Ethiopie ont bénéficié de la loi du retour (loi permettant à tout juif dans le monde d’immigrer en Israël). De plus, l’Etat hébreu est lié par un traité de l’ONU, adopté en 1951 qui stipule que « aucun Etat ne peut expulser les demandeurs d’asile originaires d’un pays où ils pourraient être en danger ».
Les Falashas aussi appelés les Beta Israël sont des minorités qui ont vécu pendant des siècles dans les provinces Nord de l’Ethiopie. Quant à leurs origines, deux versions se confrontent. D’abord, que ce sont des israéliens qui ont accompagné le prince Ménélik – fils du roi Salomon et la reine de Saba – lorsque celui-ci ramena l’arche d’alliance (le coffre contenant les 10 commandements) en Ethiopie au Xème siècle av. J.C. Et la seconde thèse professe que les Beta Israël sont les descendants de la tribu Dan parmi les dix autres tribus perdues en 722 av. J.C.
Ce n’est qu’au début du XXème siècle, que des juifs se sont penchés sur le cas pour rappeler à leurs coreligionnaires de l’existence des Falashas. Mais même au début des années 1950, au moment de la création de l’Etat d’Israël, les rabbins orthodoxes refusent de reconnaître les Falashas. De 1960 à 1975, l’émigration vers l’Etat hébreu se faisait sous le prétexte de pèlerinage et de profiter de la solidarité de sympathisants pour y rester.
C’est à cause des soubresauts politiques éthiopiens et l’instabilité régionale (Erythrée, Soudan, Somalie…) dans la corne de l’Afrique à partir de 1974 que des vagues successives de juifs d’Ethiopie ont migré. Une filière clandestine s’est organisée à partir du Soudan ; elle exfiltre les réfugiés du Nord de l’Ethiopie. Ils sont arrivés en Israël par le biais de bouche à oreille ou par des familles qui s’y sont déjà installées.
Mais les vagues successives de rapatriement se sont faites à chaque fois que des menaces de mort pèsent sur les Beta Israël. En 1984, la famine et la guerre ont provoqué la fuite vers le Soudan de cette population des provinces du Tigré et du Gondar, l’opération Moïse a été la mise en place pour évacuer des milliers de réfugiés du Nord de l’Ethiopie. Entre 1984 et 1986, pas moins de 15.000 réfugiés falashas sont « rentrés » au pays. Le plus spectaculaire fût l’opération Salomon de 1991. Lors de la chute du régime marxiste de Mengistu Hailé Mariam, un pont aérien a permis en deux jours de rapatrier 14.000 falashas vers Israël, fuyant les zones de guerre du Nord et réfugiés à Addis-Abeba.
Aujourd’hui, cette communauté de juif d’Ethiopie est estimée à environ 120.000 âmes en Israël. Le choc culturel et une mauvaise adaptation font qu’elle vit en marge de la société israélienne. Par mimétisme ou par réflexe acquis dans les années 1980 et surtout par de vagues connaissances déjà installées que ceux qui, aujourd’hui, quittent la corne de l’Afrique et osent braver le désert de Sinaï pour gagner la Terre Promise !
 
 
[Encadré]
Hommage à Samia Yusuf Omar   
Porte-drapeau de la Somalie au JO de Pékin en 2008, la sprinteuse Samia Yusuf Omar, à l’époque âgée de 18 ans, s’est alignée sur 200 m pour participer à la grande fête de l’olympisme. Peu importe la performance, elle était le symbole de toutes femmes de son pays, prisonnières des carcans religieux. De retour à Mogadiscio, elle a d’ailleurs reçu des menaces de mort de la part des shebabs. La charia interdit toute compétition sportive et Samia décida de fuir en 2010. Elle s’établit en Ethiopie pour pouvoir continuer à s’entraîner. Mais au mois d’avril dernier, elle décida de partir pour préparer les JO de Londres en Europe. Direction l’Italie via la Libye, à bord de ces frêles embarcations chargées jusqu’à ras bord. Elle n’a jamais pu rallier sa destination.
 
 
Alex ZAKA

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