vendredi, mars 29, 2024
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Au Nigeria, les vendeurs de viande grillée ne plient pas face aux islamistes

Au Nigeria, les vendeurs de viande grillée ne plient pas face aux islamistes
Malgré les bombes et les tirs incessants, une odeur familière et alléchante persiste dans les rues de Maiduguri. Les vendeurs de suya, une viande grillée typique du nord du Nigeria, n’ont pas encore plié face aux islamistes radicaux. « Les gens ici ont un goût culinaire affiné », affirme Isa Jaja, 32 ans, en découpant des morceaux de gras d’une pièce de boeuf.
Son stand de suya est situé le long d’une route de Maiduguri régulièrement empruntée par des soldats lourdement armés qui patrouillent à la recherche de membres du groupe islamiste Boko Haram.
« L’astuce pour bien vendre votre suya, c’est d’avoir de bonnes épices », poursuit-il, en référence à l’assaisonnement crucial de ce mets traditionnel.
Maiduguri est au coeur de l’insurrection de Boko Haram qui y a sa base et multiplie depuis des mois les attaques et les attentats suicide meurtriers, à travers le nord du pays et des régions du centre.
Si les islamistes ont souvent pris d’assaut des cibles précises, leur violence semble parfois aveugle et de nombreuses personnes qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment en ont été les victimes.
Pour les vendeurs de suya installés aux coins de rue, il y a de nombreux défis: clientèle en baisse, risque permanent d’attaque et couvre-feu de 19H00 à 06H00. Mais pas question de fermer.

Au Nigeria, les vendeurs de viande grillée ne plient pas face aux islamistes
« Nous nous débrouillons pour garder la tête au-dessus de l’eau car si j’arrête, je fais quoi? », lance Yakubu Ali, père de famille qui vend du boeuf et du poulet grillés depuis dix ans.
Des milliers d’habitants ont fuit Maiduguri, capitale pauvre de l’Etat de Borno, frontalier du Niger, du Tchad et du Cameroun. Mais ceux qui sont restés n’ont pas renoncé à déguster du suya.
Ces brochettes de viande (boeuf, mouton, poulet, tripes, rognons, foie), grillées à côté ou directement au-dessus d’un feu de bois, font partie intégrante de la culture du nord majoritairement musulman du Nigeria, où les haoussas et les fulanis (peuls) sont les plus nombreux. Le sud, lui, est à dominante chrétienne.
Le Nigeria dépend traditionnellement des agriculteurs et des éleveurs du nord et pour Yemisi Ogbe, auteure d’un blog sur la cuisine nigériane (longthroatmemoirs.com.), il y a un lien entre le style de vie des Fulanis, qui cuisinent sur des feux en plein air, et la tradition du suya.
« Il y a une relation de longue date, organique, entre les éleveurs d’origine de cette nation, et la façon dont nous préparons la viande », juge-t-elle.
Bien qu’un mets initialement septentrional, le suya est désormais un plat nigérian, préparé de façon différente selon les régions. Et de manière plus générale il s’apparente aux traditions du barbecue ou du kebab, ailleurs dans le monde.
Le suya, qui signifie en langue haoussa « frire » ou « griller », est le plus souvent fait de boeuf ou de mouton et, plus récemment, de poulet. Différents morceaux peuvent être utilisées, jusqu’aux testicules.
Pour Ogbe, il n’y a rien de meilleur que les rognons et le « shaki », les tripes.
Il existe une version asséchée, le kilishi, aussi très populaire dans le nord, où la viande est généralement halal.
Les épices assaisonnant le suya peuvent varier d’une région à l’autre. Selon Mme Ogbe, il s’agit généralement d’un mélange de gingembre, de piment, de sel, de noix de muscade et d’arachide frit et concassé.
Isa jaja, enveloppé dans un tablier de boucher jaune, affectionne l’ail et le gingembre notamment. Interrogé pour savoir où on trouve le meilleur suya au Nigeria, il n’hésite pas une seconde : Maiduguri.
Sa viande, il se la procure auprès de bergers tchadiens. Les habitants de Maiduguri n’accepteraient pas de boeuf de mauvaise qualité, assure-t-il.
Une qualité que ses clients apprécient, tout comme le courage du jeune homme et des autres vendeurs de suya qui, chaque jour, sont en rendez-vous malgré l’importante prise de risque.
« Bien sûr nous avons peur », dit Isa Jaja. « A chaque fois que nous entendons des tirs, nous fermons et nous partons ».
Le couvre-feu pèse sur le chiffre d’affaires, explique Yakubu Ali. Et quand un marché est attaqué, il est difficile de s’approvisionner.
« Si vous vous y connaissez en suya, vous verrez la différence en mangeant celui-ci », assure-t-il.

AFP

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