jeudi, avril 25, 2024
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Botswana: la réserve du Kalahari, cité perdue des derniers Bushmen San

Botswana: la réserve du Kalahari, cité perdue des derniers Bushmen San
Après quinze ans d’une bataille sans merci entre les Bushmen San et l’Etat du Botswana, l’eau commence à revenir dans le Kalahari. Mais ce mince filet de vie n’est pas prêt d’inverser l’exode d’un peuple, dont la légendaire civilisation du désert semble appartenir désormais au passé. A partir de 1997, le gouvernement a expulsé la majorité des San hors de la réserve animalière du Kalahari (CKGR), dans le but affiché de protéger le parc naturel, le deuxième plus grand du monde.
Les Bushmen ont fait appel, et obtenu d’abord en 2006 le droit de revenir sur leurs terres, puis en 2011 le droit de forer de nouveaux puits.
Forte de ces décisions de justice, l’ONG américaine Vox United a entrepris de creuser des puits dans le Kalahari central, à des heures de route sablonneuse, quasi-impraticables sans 4×4, des villes les plus proches.

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Mais cette opération humanitaire destinée à apaiser un conflit dont l’âpreté a terni l’image du Botswana, accusé de « nettoyage ethnique » en 2004 par le mouvement britannique pour les peuples indigènes Survival International, ne ressuscitera pas le mode de vie ancestral des chasseurs-cueilleurs.
La plupart habitent désormais aux portes de la réserve, dans des villages neufs semblables à toutes les communes rurales du Botswana, peuplés d’ânes, de poules, équipés d’écoles, de bâtiments administratifs mais pas d’électricité. La pénurie d’eau et le manque d’emplois y sont les deux principaux problèmes.
Quant à ceux qui vivent encore en brousse, les huttes de branchages en forme d’igloo végétal témoignent de la survivance de techniques d’habitat ancestral.
Mais l’image stéréotypée du petit bushmen musclé en pagne, aux aguets avec sa flèche ou sa sagaie pointée sur le gibier, a fait long feu.
S’ils servent encore d’ambassadeurs touristiques sur les dépliants édités par les hôtels ou l’office du tourisme national, aucun des San rencontrés par l’AFP dans la réserve ne risquent de confondre une bouteille de coca avec un objet divin, comme dans le sympathique film à succès de 1980 « Les Dieux sont tombés sur la tête ».
A Molapo, l’un des fiefs du mouvement de libération bushmen situé au coeur de la réserve, la sédentarité est la règle, et la collection de jerricans plastique entreposés sur place donnerait le tournis à quiconque croirait encore que les San recueillent l’eau dans des oeufs d’autruche.

Botswana: la réserve du Kalahari, cité perdue des derniers Bushmen San
Garés sous des acacias, un, deux trois pick-ups attendent la corvée d’eau.
Moins d’une dizaine de familles vit là, avec basse-cour, ânes, chèvres, chevaux et petites plantations de maïs, en haillons, pieds nus ou chaussés de vieilles sandales, accablés d’ennui et de chaleur, otages des sables et d’un combat qui n’est plus le leur.
Ils ne débusquent plus beaucoup de gibier –c’est interdit– mais chassent plutôt d’un regard implorant les chaussures de marche des visiteurs.
Des notes de rumba locale débitées en boucle par un radio cassette branché sur panneaux solaires constituent la seule distraction, avec le tabac, auquel les San voue une passion immuable depuis le passage des premiers explorateurs et qu’ils fument roulé dans du papier journal ou dans des cônes métalliques.
 La terre de nos ancêtres –

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Interrogé pour savoir pourquoi ils sont ici, et non dans les trois villes nouvelles bâties par le gouvernement, Joginah, une adolescente commence par répondre, comme sur commande, « parce que c’est la terre de nos ancêtres ».
Elle a 16 ans, un ventre de grossesse précoce qui lui fait honte et avoue ensuite qu’elle « n’aime pas être ici, il y a des sorcières et des esprits ».
Elle est l’une des rares qui parle anglais et concède que l’école lui manque même si elle a souffert des préjugés tenaces à l’encontre des San. « Ici, en brousse, on travaille », dit-elle.
Loin de nobles considérations sur la terre sacrée ou les ancêtres, Rebecca, chef du village par intérim, explique très prosaïquement que vivre dans le Kalahari permet de trouver de tout, sans dépenser un pula, et d’être au calme.
« A Ghanzi, il y a de la bagarre et de la boisson, tandis qu’ici, il n’y a pas de bruit », dit-elle.
Quant à son mari, Roy Sesana, l’homme à la coiffe d’oryx qui parcourait le globe dans les années 2000 pour défendre le droit de rester dans le Kalahari, il est tout simplement devenu un intermittent de la cause.
Les limites de la réserve furent tracées en 1961 par le colonisateur britannique, alors fasciné par ces descendants des premiers habitants de l’Afrique australe dont le mode de vie semblait à la fois si proche de l’âge de pierre et si subtilement adapté à l’environnement semi-aride de la zone et riche de spiritualité.
Mais qui peut dire qu’il sait encore équarrir une bête à la pierre taillée? Les plus âgés seulement, répond une chercheuse de l’université sud-africaine de Wits, Lucida Backwell.
A Molapo, d’une hutte à l’autre, ce qu’il reste de vêtements ou d’outils traditionnels est devenu marchandise: flèche de chasse, tabliers de peau brodés de perles, grelots de pied en cocons de papillon de nuit emplis de graines, coiffes en peau, colliers en perles d’écaille d’oeufs d’autruche.
Tout ce bel artisanat du pauvre ne sert plus à se faire beau ou à rehausser des danses nocturnes au coin d’un feu, mais à gagner l’argent indispensable à d’autres besoins, et sera vendu à des échoppes touristiques.
La pharmacopée à base de plantes semble aussi un lointain souvenir pour les jeunes mères interrogées, que l’idée d’accoucher sans médecin et selon des méthodes naturelles n’effleure pas.
Toutes vont à l’hôpital hors de la réserve. L’une montre fièrement sa cicatrice de césarienne. Quant à leur secret pour garder les dents blanches, Rebecca indique, laconique, c’est « Colgate ».

AFP

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