De l’utilité des bonbons dans le moral guerrier aux projets de création de réserves ethniques, le tribunal d’Oslo a entendu jeudi deux psychiatres officiels expliquer pourquoi ils ont conclu à la démence d’Anders Behring Breivik, malgré les critiques de nombre de leurs pairs.
Ayant observé l’extrémiste de droite depuis le début de son procès le 16 avril, Torgeir Husby et Synne Soerheim ont répété qu’il souffrait, selon eux, de « délires » schizophréniques.
La question de santé mentale est déterminante pour le verdict qui attend Breivik, qui a tué 77 personnes le 22 juillet dernier en plaçant une bombe près du siège du gouvernement à Oslo puis en ouvrant le feu sur un camp d’été de la Jeunesse travailliste sur l’île d’Utoeya.
« Il pense qu’il va tous nous sauver de notre perte dans un combat entre le Bien et le Mal. Dans ce combat, il pense avoir une responsabilité et une mission consistant à décider du droit de vie et du droit de mort », a déclaré Mme Soerheim.
« Cette responsabilité trouve son origine dans une position proéminente dans une organisation qui n’existe pas », a-t-elle ajouté en référence au rôle de « commandeur » dont Breivik se targue dans un groupe, les Chevaliers Templiers, dont la police n’a jamais réussi à prouver l’existence.
Sur mandat de la justice, M. Husby et Mme Soerheim avaient diagnostiqué l’an dernier chez Breivik une « schizophrénie paranoïde », une psychose qui, si confirmée, le conduirait tout droit à l’asile.
Leur conclusion avait fait un tollé parmi les Norvégiens vu la préparation longue et minutieuse de ses attaques et a depuis été contredite par une autre expertise officielle, qui n’a décelé aucun signe de psychose.
Aucun des autres psychiatres qui ont témoigné devant la Cour n’a non plus soutenu la thèse d’une psychose.
Pour justifier leur diagnostic, M. Husby et Mme Soerheim ont cité des propos que leur a tenus Breivik au cours de leurs 13 entretiens.
Récit sur les bonbons
Provoquant les rires du public et de l’accusé, ils ont décrit comment l’extrémiste de 33 ans leur a expliqué que les bonbons faisaient partie des ingrédients utiles pour entretenir le moral des « nationalistes militants ».
« C’est aussi bon pour le moral de combat révolutionnaire de regarder une série favorite à la télévision », leur a-t-il dit.
Mais l’essentiel de ses déclarations portaient sur une Europe en proie aux coups d’Etat de ses frères d’armes et à une possible troisième Guerre mondiale atomique ou encore sur sa vision d’une Norvège contenant des « réserves » pour les « Norvégiens de souche » et où il serait lui-même un « régent ».
Les psychiatres se sont aussi appuyés sur leur entretien avec sa mère, la personne qui a passé le plus de temps avec lui avant les attaques.
Elle leur a confié avoir observé en 2006 un changement prononcé de son fils, revenu vivre chez elle à l’âge de 27 ans après avoir interrompu prématurément sa scolarité et connu l’échec avec plusieurs start-ups.
« Il doit avoir été dément, vu comment il a changé », avait-elle conclu, en expliquant qu’au fil du temps Breivik s’était considérablement isolé et était devenu de plus en plus politisé, étrange et colérique.
Tenant à être reconnu responsable pour ne pas voir son idéologie invalidée par une pathologie mentale, Breivik a dans le passé accusé les deux psychiatres d’avoir inventé « 80% » des propos qu’ils ont rapportés.
S’il est reconnu pénalement irresponsable, il risque l’internement psychiatrique, potentiellement à vie. Responsable, il encourt 21 ans de prison, une peine qui pourrait être prolongée aussi longtemps qu’il sera jugé dangereux.
Mais, pour pouvoir le condamner à la prison, les juges doivent être convaincus qu’il est responsable au-delà du doute raisonnable, un concept qui n’est pas clairement défini.
Selon les observateurs, même critiqué, le rapport de M. Husby et Mme Soerheim pourrait avoir déjà soulevé suffisamment d’incertitude pour contraindre la Cour à prononcer l’internement psychiatrique.
Le verdict tombera le 20 juillet ou le 24 août.
AFP