« Si vous êtes neutre dans les situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’oppresseur. Si un éléphant a son pied sur la queue d’une souris et que vous dites que vous êtes neutre, la souris n’appréciera pas votre neutralité. » C’est la citation de Desmond qui ressurgit depuis que, courant décembre, la mort de l’Archevêque du Cap, à 90 ans, a été annoncée. Comme pour dire que toute sa vie durant, Desmond Tutu aura lutté contre les injustices, celles nées de l’Apartheid contre lequel il a combattu aux côtés de Nelson Mandela, mais aussi toutes formes d’injustices sociales et sociétales dont il a fait ses combats.
Justement surnommé « la voix des sans-voix » par Nelson Mandela, l’ancien héros de la lutte contre l’apartheid a été enterré au Cap, lors de funérailles sans faste, selon son souhait. Cette voix de Tutu, parfois stridente, souvent tendre, jamais effrayée et rarement dénuée d’humour va nous manquer, à coup sûr.
Les Sud-Africains et le monde entier se souviendront longtemps de sa ténacité et de sa grâce face au régime oppresseur de Pretoria. À Soweto, où il a longtemps prêché, il avait dénoncé la violence contre les lycéens lors des émeutes de juin 1976, réprimées dans le sang. Peu à peu, il devient la voix de Mandela, enfermé sur Robben Island et dont les plus jeunes ne connaissaient pas encore le visage. La police et l’armée le menacent. Seule sa robe ecclésiale lui évite alors la prison. Mais inlassablement, à l’heure où il ne faisait pas bon critiquer l’Apartheid, Desmond Tutu aura été fidèle à ses convictions.
Le propos, ici, n’est pas de dire qu’il a tout fait bien, car même s’il était un « homme de Dieu », il n’en demeurait pas moins un homme, avec ses hauts et ses bas. Il s’agit surtout de saluer la mémoire d’un des derniers héros d’une Afrique qui commence à en manquer cruellement. Tutu aura surtout servi de bouclier à un pays en proie à un système injuste ; il se sera élevé contre la domination d’une race sur une autre sur la base de sa couleur de peau.
La question, tout aussi légitime, à nous poser est : que reste-t-il comme figure charismatique et autorité morale à l’Afrique, après la disparition du Prix Nobel de la Paix 1984 ? C’est une question d’une cruelle actualité. Ne vaudrait-il pas mieux s’interroger sur l’après-Desmond Tutu, en Afrique du Sud et sur tout le continent. Qui donc pleureront, demain, les Africains, comme ils pleurent aujourd’hui Desmond Tutu ? Quels Africains rassemblent, aujourd’hui, les qualités qui ont fait de l’ancien archevêque du Cap une telle icône, respectée sur tous les continents ?
C’est une équation à plusieurs inconnues. L’Afrique a besoin d’autres Desmond Tutu, Nelson Mandela, Tafawa Balewa, Patrice Lumumba, Samory Touré et tant d’autres héros qui ont jalonné son histoire. Desmond Tutu avait à peine cinquante-deux ans lorsqu’il a reçu le Prix Nobel de la Paix pour son implication contre l’injustice que subissait son peuple, les innombrables sacrifices consentis au péril de sa liberté, parfois même de sa vie. Et jusqu’à son dernier souffle, il n’a cessé de mettre cette notoriété au service de l’Afrique.
Bien sûr, certains leaders africains rêvent d’un destin à la Desmond Tutu. En attendant cette émergence, disons-lui un grand Asanti Sana, merci en swahili, pour la grandeur de son œuvre !
Malick Daho, paru dans le Diasporas-News 132 de Janvier 2022