samedi, novembre 23, 2024
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Du Burkina à Paris ou la revanche de « Rouki », modèle d’une francophonie décomplexée

« C’est une belle revanche »: Burkinabè immigrée à Paris, Roukiata Ouedraogo a été caissière et femme de ménage avant de remplir les salles en humoriste d’une Afrique décomplexée. Marraine de la Journée de la Francophonie le 20 mars, celle qui avait « honte » de son français lira la dictée à des millions de francophones.

A Ouagadougou, la petite « Rouki » était dans une classe « de 180 élèves » où le professeur « nous éduquait à coups de courroie de mobylette ». Pour réaliser son rêve et devenir styliste, Roukiata monte donc dans l’avion pour Paris, à tout juste 20 ans et le bac en poche. « J’ai eu de la chance, d’autres y vont à la nage », raconte-t-elle à l’AFP dans un de ces éclats de rire tonitruants qui ponctuent chacune de ses paroles.

Mais le mythe éclate: à Paris, une conseillère d’orientation lui rit au nez quand Roukiata lui parle de son ambition dans la mode. « Elle me propose un métier proche: travailleuse sociale », raconte-t-elle.

Comme beaucoup d’autres, elle prend alors ce qui vient. Caissière d’abord: « mais je confondais les francs CFA et les francs français… ». Puis femme de ménage dans un hôtel. « Je n’ai tenu qu’une journée ». Ou encore animatrice dans un centre pour enfants en difficulté. « J’ai découvert qu’en France aussi, il peut y avoir des enfants battus et qui ont faim ».

La galère, elle l’a connue, comme quand le manque d’argent l’empêche d’aller aux funérailles de son père et de son grand frère. « Ne pas dire au revoir, c’est dur ».

Mais, au hasard des rues de Paris, la chance lui sourit: elle est repérée et on lui propose de poser comme modèle pour une école de maquillage. « J’ai adoré », se souvient Roukiata, pétillante coquette à la chevelure afro très soignée. De modèle, elle devient étudiante et empoche un certificat de maquillage qui la fera travailler pour des stylistes et des photographes. Parallèlement, elle passe castings sur castings pour devenir comédienne.

Mais ce n’est « pas facile » de percer dans ce milieu quand on a un accent « à couper au coupe-coupe ».

– « On peut tout dire » –

« La langue française n’est pas ma langue maternelle, j’avais l’impression que je ne pouvais pas la manier. J’avais un peu honte ». Elle décide donc de faire un stage « prise de parole en public » au Cours Florent, célèbre école d’acteurs à Paris.

Dans le cadre de sa formation, elle crée un projet de spectacle autour de l’histoire de son peuple, les mossé du Burkina Faso. Le projet verra le jour et elle monte sur scène. Elle découvre alors qu’elle peut faire un atout de son africanité et écrit des seule-en-scène sans tabous où elle parle de tout, jusqu’à l’excision qu’elle a subie à trois ans.

« Avec l’humour, on peut tout dire », lâche Roukiata, qui se défend cependant d’être « humoriste ». « Je suis plutôt une conteuse d’histoires, qu’elles soient belles ou moches ».

A 39 ans, son succès l’a rendue plus visible: la radio France Inter est venue la chercher pour une chronique hebdomadaire et l’Organisation internationale de la Francophonie l’a élue marraine de la Journée internationale de la Francophonie, le 20 mars.

C’est donc elle qui lira la dictée francophone, retransmise en direct sur les cinq continents. Elle s’en étonne encore: « Moi, lire la dictée? Dans une langue que je ne maniais pas… C’est une belle revanche », dit-elle, rejetant cependant le statut d’icône de l’Africaine qui a réussi.

« Oui, j’ai eu beaucoup de chance. J’aurais pu mal tourner, mais je ne suis le porte-drapeau de personne ».

Sa « richesse », qu’elle « utilise sur scène », c’est « l’Europe et l’Afrique ». « Quand j’aurai des enfants, j’aimerais qu’ils jouent dans la poussière de Ouaga et montent à la tour Eiffel. Ils auront la double culture, comme ce que mes parents m’ont donné ».

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