vendredi, décembre 5, 2025
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Akon City, les raisons d’un fiasco

En 2020, le chanteur américano-sénégalais Akon, connu pour ses titres « Smack That » ou « Lonely », dévoilait son projet de ville futuriste sur la côte ouest du Sénégal. Cinq ans plus tard, les terres, à l’origine offertes au chanteur pour développer Akon City, sont saisies par l’Etat sénégalais.

L’artiste-chanteur-entrepreneur sénégalais Akon, de son vrai nom Alioune Badara Thiam, est malheureux. Il avait convaincu les autorités de son pays que son rêve de cité écolo et high-tech refléterait la nouvelle Afrique et sortirait de terre à partir de 2023. Mais ses plans à 6 milliards de dollars sont un échec. L’État a repris les terrains pour un “projet plus réaliste”.

Comment expliquer cet échec cuisant ? Face à la “crise de la dette” que traverse le pays, le Sénégal préfère “un projet plus réaliste qui s’appuiera sur un financement privé”. L’État a donc repris le contrôle de “la plupart des terrains réservés à la futuriste ‘Akon City’”, l’artiste ayant “échoué à construire dans la réalité son rêve à 6 milliards de dollars [5 milliards d’euros] de Wakanda”, le pays fictif des comics et du film Marvel Black Panther.

En 2018, le chanteur né aux États-Unis mais qui a grandi au Sénégal avait convaincu les autorités qu’il allait bâtir à Mbodiène, à environ 80 kilomètres au sud-est de Dakar, une cité high-tech et écolo, fonctionnant uniquement aux énergies renouvelables, qui s’appuierait sur sa propre crypto monnaie, l’Akoin.

De son côté, Akon reconnaît avoir manqué de prudence. Dans plusieurs interviews, l’artiste évoque une annonce “trop précipitée” et des obstacles financiers et politiques sous-estimés. Il affirme néanmoins ne pas avoir abandonné l’idée, tout en promettant désormais de travailler “dans la discrétion”.

La première phase du projet avec son hôpital “devait être achevée en 2023”. Mais les seuls bâtiments sortis de terre sont “une maison pour la jeunesse, un terrain de basket et un petit centre d’information”.

Le projet alternatif doit désormais séduire les investisseurs privés. Car le Sénégal n’a plus bonne presse auprès des banques, depuis qu’“un audit public a révélé que le gouvernement de l’ancien président Macky Sall a accumulé 7 milliards de dollars [6 milliards d’euros] de prêts non déclarés”. Ce “passif caché” plombe aujourd’hui le pays. Jusqu’au “Fonds monétaire international, qui a été obligé de geler 1,8 milliard de dollars (1,5 milliard d’euros) de financement”.

D’Akon City, le chanteur “conserve 8 hectares” sur les 500 du futur projet de la Sapco. Le 8 juillet 2025, le maire de Mbodiène a posé la première pierre de ce qu’il voit comme un “futur modèle de réussite au Sénégal”, avec ses hôtels, ses appartements de tourisme et son port de plaisance.

Avec la reprise des terres par l’État, le Sénégal semble vouloir clore ce chapitre. Des pistes sont étudiées pour relancer un projet plus réaliste sur le site. Mais le désenchantement est palpable. Pour certains, Akon City est devenu le symbole de ces projets spectaculaires annoncés en Afrique sans garantie de réalisation.

Au-delà du cas sénégalais, cette affaire pose la question de la viabilité des smart cities africaines financées par des capitaux privés, souvent étrangers, parfois flous. Le rêve technologique africain a besoin de plus qu’un nom célèbre pour prendre racine.

Marie-Inès Bibang

Pour sa ville futuriste, le chanteur avait imaginé une devise unique : sa propre crypto monnaie, le Akoin.

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