mercredi, avril 24, 2024
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L’insupportable hypocrisie de la France et des Occidentaux

Depuis quelque temps, en tout cas depuis que partout dans le monde on assiste à la montée en puissance de discours remettant en cause les prétendues valeurs universelles, dont la France et les Occidentaux se sont souvent targués d’être les hérauts, l’élite occidentale s’échine à nous convaincre du contraire.

Ces donneurs de leçons, dont l’arrogance le dispute avec une ignorance crasse, et qui se recrutent au sein de la classe dirigeante occidentale, notamment française, soutiennent, la main sur le cœur, que ces supposées valeurs universelles auraient été construites après des siècles d’expériences par l’humanité tout entière, et constitueraient l’un des « rares trésors communs à tous les humains ». A ce titre, nous font-ils observer, « il est plus que jamais essentiel de les réaffirmer, défendre, protéger, compléter, partout, et sans condition ni nuance, ni objection ». Une affirmation qui ressemble à un serment religieux et qui a tout d’un attrape-nigaud.

Heureusement que d’Istanbul à Pékin, de Moscou à New Delhi, de Téhéran à Bamako, les peuples et les dirigeants – souvent pas pour les mêmes raisons – semblent avoir pris toute la mesure du piège renfermant ces circonvolutions, expliquant, si justement, que ce qui nous est présenté par les Occidentaux comme des valeurs universelles, à savoir le droit à une égale dignité pour chaque être humain, le respect de son intégrité physique, culturelle, mentale, le droit de vivre dans un environnement où est protégé l’ensemble des libertés (politique, d’expression, de circulation et de se choisir librement des dirigeants), ne sont finalement qu’une simple expression de la volonté des Occidentaux de dominer le monde économiquement, politiquement et idéologiquement.

Or, les autres peuples et leurs dirigeants considèrent que l’Occident repu, prompt à partir en croisade contre ceux qui résistent, provoquant carnages et hécatombes, qu’il serait fastidieux de lister ici, a complètement perdu le monopole du discours sur les droits de l’homme, et doit se garder de s’ériger en donneur de leçon. Et que d’ailleurs, affirment-ils, à la suite de l’autre, il est désormais clair que chaque nation, chaque culture, devenue indépendante, libérée des jougs coloniaux, a le droit d’affirmer haut et fort ses propres valeurs, quitte à contredire celles que les pays occidentaux tentent d’imposer à l’humanité depuis des siècles, plus particulièrement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. On ne saurait ignorer que la défense des droits humains, l’un des composants essentiels des valeurs dites universelles, est la plupart du temps largement dévoyée par ceux qui se proclament ses fervents chantres, n’hésitant pas à piétiner, violer et ignorer leurs propres proclamations, au nom d’intérêts géopolitiques et géostratégiques détestables.

 La situation en Guinée, condensée des errements et des renoncements des Occidentaux, en est une parfaite illustration. A preuve, depuis la mise sous le boisseau de la démocratie par un groupuscule d’illuminés se prenant pour des hommes providentiels et se plaçant au-dessus des institutions légitimes librement choisies par le peuple, la fameuse communauté internationale – qui s’entend ici par les pays occidentaux, la France en tête, ainsi que les institutions de Bretton Woods –, semble avoir été frappée d’un curieux mutisme.

 En effet, que l’ex-légionnaire français, qui s’est emparé du pouvoir le 5 septembre 2021 à l’issue d’une chevauchée meurtrière moyenâgeuse, confisque les libertés individuelles, s’octroie le droit de vie ou de mort sur les citoyens, s’autorise à interdire les manifestations, les activités des partis politiques légalement constitués, la France et les Occidentaux n’ont jamais rien vu.

  Que Mamadi Doumbouya, puisque c’est de lui dont il s’agit, ordonne la destruction du domicile d’un leader politique, en l’occurrence celui de Cellou Dalein Diallo, en dehors de toutes les procédures légales, le contraignant en exil, ou qu’il jette en prison les anciens dignitaires guinéens, il ne peut craindre une quelconque réprimande et continue tout bonnement de bénéficier du soutien indéfectible du président Macron, dont l’ambassadeur à Conakry, figure parmi les visiteurs assidus du chef de la junte.

 Que des leaders associatifs sont persécutés, leurs organisations dissoutes, ou que des citoyens privés d’électricité et du strict minimum vital manifestent, comme à Kankan dans la Haute-Guinée, pour protester contre l’incurie de la junte militaire et qu’ils sont réprimés dans le sang, la France et les Occidentaux ne sont nullement ébranlés. Ces citoyens désemparés qui ne savent plus à quel saint se vouer ne méritent pas une simple condamnation de principe de leur part.

 Circulez, il n’y a rien à voir !

 Pourtant, cette même France et ses alliés occidentaux nous avaient habitués avec leurs virulentes critiques et leurs diatribes contre le président Alpha Condé. Il ne se passait un jour sans que les médias occidentaux vitupèrent contre le premier président démocratiquement élu de la Guinée, au prétexte que celui-ci se serait offert un troisième mandat, alors que dans le même temps, certains chefs d’Etat africains, amis de la France et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), qui ont fait plusieurs mandats à la tête de leurs pays, étaient choyés.

Si, comme au Tchad, ces derniers n’envoient pas un spécialiste du droit constitutionnel pour modifier la Constitution afin de permettre à leur poulain, le défunt maréchal Idriss Deby Itno, de rester ad vitam aeternam à la tête du pays et ainsi poursuivre la défense de leurs intérêts dans la sous-région, ils se portent à son secours quand son fauteuil est menacé. Inutile de rappeler que l’ex-président tchadien, loin d’être un enfant de chœur, était tout sauf un homme respectueux des règles démocratiques et des valeurs universelles, défendues par les Occidentaux. En témoigne la disparition des opposants politiques, lorsque ceux-ci ne sont pas victimes de torture ou de traitements dégradants en prison. Le dernier à avoir été victime de la brutalité du régime tchadien est le mathématicien Ibni Oumar Mahamahat Saleh, porte-parole de l’opposition, disparu en 2008 après son enlèvement par la garde présidentielle.

Dans ces conditions, il ne fait donc l’ombre d’aucun doute, que c’est cette insupportable hypocrisie qui a conduit la France et les Occidentaux à soutenir le régime honni des putschistes de Conakry.

Car c’est au nom de leurs intérêts que les pays occidentaux couvent Mamadi Doumbouya, même lorsqu’on dit que ce dernier est englué dans diverses magouilles et différents trafics illégaux. En réalité, la France, même si elle est consciente de sa déchéance morale, ne veut pas prendre le risque de perdre la Guinée après le Mali, qui s’est jeté dans les bras de la Russie, quitte à entraîner ses autres alliés dans l’aventure.

 Eric Bazin

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