jeudi, avril 18, 2024
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Au Soudan, des réfugiés éthiopiens tentent de reconstruire une vie dans leur camp

Samarwat Tkhali, 10 ans, arpente depuis une semaine les rues du « Village 8 » au Soudan, où se sont réfugiés des milliers d’Ethiopiens fuyant la guerre au Tigré. Pour survivre, elle vend les gâteaux au chocolat achetés par son père.

Dans ce village misérable, où s’entassent près de la frontière quelque 15.000 réfugiés éthiopiens, elle aborde les gens en leur demandant timidement: « Voulez-vous en goûter un? ». Et ça fonctionne plutôt bien, surtout auprès des parents.

« J’ai commencé, il y a cinq jours. Mon père me donne chaque matin un carton de 50 gâteaux que je vends 20 livres soudanaises par pièce (moins d’un centime d’euro). Je travaille du matin au soir et j’écoule chaque jour quatre à cinq cartons », confie-t-elle.

Quand les clients lui achètent, elle leur sourit. Quand ils l’ignorent, elle poursuit son chemin. Son frère, assigné à la même tâche, suit un autre itinéraire.

Taray Burhano, 32 ans, parcourt lui aussi les rues du village de réfugiés pour vendre des cigarettes à la pièce. « Je ne fais pas fortune mais au moins je ne reste pas à ne rien faire et à penser à ce qui nous est arrivé », dit-il.

La région du Tigré, dans le nord de l’Ethiopie, est le théâtre d’âpres combats depuis que le Premier ministre, Abiy Ahmed, y a lancé une opération militaire le 4 novembre. Plus de 43.000 Ethiopiens ont trouvé refuge au Soudan voisin depuis, a tweeté vendredi Filippo Grandi, à la tête du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR).

Passé le choc de la fuite et surmontée leur pitoyable installation dans ce centre de transit au Soudan, des réfugiés ayant réussi à sauver un peu d’argent se sont lancés dans le petit commerce.

Chekhi Barra, 27 ans, reste assis à même le sol en attendant les clients. « Jusqu’à ce que soit trouvée une solution à la guerre, il faut bien faire quelque chose. Si les organisations de secours distribuent de la nourriture, il manque beaucoup de choses », estime-t-il.

Avec le peu d’argent qu’il a réussi à emporter quand il a dû abandonner sa maison avec sa femme et son fils, il a opté pour le savon qui fait ici cruellement défaut: « J’achète pour 1.000 livres soudanaises une caisse de 100 savonnettes, que je revends le double. »

– « Développer mon commerce » –

Malgré leur pauvreté, les refugiés ont redonné vie au village, construit à la hâte il y a cinq ans après qu’une retenue d’eau causée par un barrage a englouti l’ancienne localité.

Dans cette agglomération de l’état de Gedaref, déserte avant l’arrivée des réfugiés, des gargotes ont même ouvert, construites de bric et de broc.

« A Humera (en Ethiopie, à 20 km de la frontière), j’avais le plus grand restaurant. J’ai tout perdu. En arrivant ici, je me suis associé avec un Soudanais. Il a avancé l’argent et moi je gère », explique à l’AFP Taklay Manott, 49 ans.

Sa guinguette est constituée de six chaises et de deux tables. Le menu se compose uniquement de foul (fêves) et d’oeufs. « Je vais utiliser mon expérience. Je ne retournerai pas Humera (…) Je n’ai plus rien à y faire. Ici, je peux développer mon commerce », pense le restaurateur.

La paix au Tigré n’est pas à l’horizon. Le Premier ministre éthiopien a ordonné jeudi, à l’issue d’un ultimatum de 72 heures, le lancement de l’offensive finale contre les autorités dissidentes du Tigré, encerclées à Mekele, la capitale régionale d’un demi-million d’habitants.

Refusant de se laisser abattre, Sylvia Tahai, 23 ans, a repris dès son arrivée au Soudan l’occupation qu’elle exerçait de l’autre côté de la frontière: cafetière.

« Je suis partie acheter du café, des tasses, du sucre et une cafetière que je fais chauffer sur du charbon de bois. » Son breuvage semble être apprécié: six clients le dégustent, dont un soldat soudanais.

Et comme il n’existe pas de village sans marché, Buhano Amha, 28 ans, a construit un étal où il vend des tomates, des oignons et des citrons. Cela semble lui réussir: « Je m’approvisionne trois fois par jour chez mon fournisseur, car la marchandise part vite. »

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