vendredi, décembre 6, 2024
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Génocide au Rwanda: Macron décide l’ouverture des archives à des chercheurs

Le président Emmanuel Macron a annoncé vendredi deux gestes pour tenter d’apurer le rôle de la France durant le génocide rwandais de 1994, avec l’ouverture à des historiens de toutes les archives et un renforcement des moyens pour poursuivre les génocidaires présumés en France.

A la veille des cérémonies dimanche à Kigali pour le 25e anniversaire du génocide au Rwanda, où il ne sera pas présent, il a reçu vendredi au palais présidentiel de l’Elysée des représentants de l’association Ibuka France, dédiée au « soutien aux rescapés » et à la « mémoire » de cette tragédie.

A cette occasion, il a annoncé à l’issue de la rencontre « la mise en place d’une commission d’historiens et de chercheurs chargée de mener un travail de fond centré sur l’étude de toutes les archives françaises concernant le Rwanda entre 1990 et 1994 », selon un communiqué de l’Elysée.

« Le fait de créer la commission est un geste fort. Maintenant, il faut vérifier comment ca se passe. Il faut attendre. J’ai des craintes car nous avons souvent été déçus, nous avons souvent été trahis », a déclaré à la presse à l’issue de la réunion Marcel Kabanda, 62 ans, président d’Ibuka France. Cette association fondée en 2002 est le pendant français d’Ibuka (« Souviens-toi »), principale organisation de survivants du génocide au Rwanda.

– « Processus de normalisation » –

« Cette commission, qui rassemblera huit chercheurs et historiens, sous l’égide du professeur Vincent Duclert, aura pour mission de consulter l’ensemble des fonds d’archives français relatifs au génocide, sur la période 1990 – 1994 afin d’analyser le rôle et l’engagement de la France durant cette période et de contribuer à une meilleure compréhension et connaissance du génocide des Tutsi », selon le palais présidentiel.

Les zones d’ombres sur le rôle de Paris avant, pendant et après ce génocide – qui fit selon l’ONU au moins 800.000 morts d’avril à juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi mais aussi parmi les Hutu modérés – restent une source récurrente de polémique en France.

Parmi les points les plus disputés figurent l’ampleur de l’assistance militaire apportée par la France au régime du président rwandais hutu Juvénal Habyarimana de 1990 à 1994 et les circonstances de l’attentat qui lui coûta la vie le 6 avril 1994, élément déclencheur du génocide.

Le travail de la commission « aura notamment vocation à aider à constituer la matière historique nécessaire à l’enseignement de ce génocide en France. Cette commission devra remettre son rapport dans un délai de deux ans, avec une note intermédiaire au bout d’un an », précise la même source.

La création de cette commission correspond à un engagement pris par Emmanuel Macron à l’issue d’une rencontre avec le président rwandais Paul Kagame en mai 2018 à Paris.

Ayant décliné l’invitation aux commémorations dimanche à Kigali, M. Macron y dépêchera le député Hervé Berville, orphelin tutsi rwandais adopté par une famille française en 1994.

La décision française de vendredi « fait partie du processus de normalisation avec le Rwanda. Il était attendu, on attend aussi des gestes du côté rwandais. On avance, la trajectoire est bonne », a commenté la présidence française.

« Cette commission est nécessaire. Parce que pèsent sur le rôle de la France au Rwanda avant et pendant le génocide des Tutsi de lourdes interrogations, imparfaitement documentées, qui nourrissent des accusations précises et un appel à la justice », a commenté dans le journal Le Monde Vincent Duclert.

Concrètement « les neuf chercheurs vont être habilités à étudier l’ensemble des fonds de l’engagement français », selon l’Elysée, du Ministère des Affaires étrangères, des Armées, des services secrets, et très certainement aussi ceux des archives présidentielles de François Mitterrand.

– Renforcement des moyens –

Par ailleurs, le président français a annoncé un renforcement des moyens judiciaires et policiers pour poursuivre d’éventuels participants au génocide qui se trouveraient en France.

Ce volet est sensible car plusieurs personnes soupçonnées par Kigali d’avoir joué un rôle résident en France comme par exemple Agathe Kanziga, veuve de l’ancien président Habyarimana, et que la justice française a refusé d’extrader en 2011.

La justice française a également toujours refusé d’extrader les suspects réfugiés sur le territoire national, la Cour de cassation considérant que le génocide n’était pas défini en 1994 dans le code pénal rwandais.

Dans ce contexte, « le Président de la République a également annoncé le renforcement des moyens du pôle du Tribunal de Grande Instance chargé du traitement des procédures relatives au génocide des Tutsi au Rwanda et l’augmentation des effectifs de police judiciaire, afin que les génocidaires présumés faisant l’objet de poursuites puissent être jugés dans un délai raisonnable », selon le communiqué.

« Par la mise en oeuvre de ces engagements, le Président de la République a souhaité réunir les conditions pour l’expression d’une vérité historique et consacrer la place du génocide des Tutsi dans la mémoire collective française », affirme l’Elysée, qui prévoit de créer une « chaire d’excellence dédiée à l’histoire du génocide des Tutsi » afin de favoriser « l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs spécialistes de cette question.

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