Certaines spécialités culinaires très « british » risquent de briller par leur absence des tables de Noël du continent: au moment de passer commande pour décembre, les grossistes européens hésitent à faire appel aux producteurs britanniques, conséquence de l’incertitude autour du Brexit.
Les chocolats, mince pies (tartelettes aux fruits et aux épices) et autres puddings rencontrent habituellement un grand succès en fin d’année. « Les entreprises qui fabriquent des confiseries devraient déjà avoir des commandes pour les fêtes mais les instructions sont retardées », déplore Sandra Sullivan, la directrice de l’association des exportateurs britanniques de produits alimentaires et de boissons, en marge d’une grande foire professionnelle à Londres cette semaine.
« Si l’incertitude se prolonge trop longtemps et que les affaires ne se font pas, certaines sociétés vont en faire les frais ! », ajoute-t-elle.
A dix jours de la date théorique de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les députés britanniques ont rejeté par deux fois l’accord de divorce négocié par la Première ministre Theresa May et personne ne sait dans quelle direction ira la rupture.
L’industrie agro-alimentaire représente 4 millions d’emplois au Royaume-Uni, et 6,4% du PIB national. Le secteur est particulièrement exposé aux conséquences du Brexit, et les exportations record réalisées en 2016, à hauteur de 23,4 milliards d’euros, pourraient ne pas se répéter de sitôt.
Les entreprises britanniques ne savent toujours pas quelles règlementations suivre en termes d’étiquetage, ou quels formulaires remplir pour respecter les formalités douanières qui devraient prochainement voir le jour.
Une incertitude qui pèse au moment d’engranger les commandes pour la fin d’année, une période clé qui représente 20 à 40% du chiffre d’affaires des PME de l’agro-alimentaire, selon les analystes.
– « Chercher les opportunités » –
Si l’industrie s’inquiète des conséquences potentielles d’un Brexit avec ou sans accord, les consommateurs devraient également être affectés.
Selon Ian Wright, directeur de la Fédération britannique de la boisson et de l’alimentation, la part des dépenses des ménages consacrée à la nourriture est plus faible au Royaume-Uni que n’importe où ailleurs en Europe. Une situation appelée à changer rapidement.
« Le bas niveau de prix que nous connaissons actuellement sur les denrées alimentaires pourrait ne pas être tenable après le Brexit », prévient-il.
Quelle que soit la forme que prendra la sortie du Royaume-Uni de l’UE, celle-ci implique la mise en place de nouvelles règles, de quotas et de taxes. Les sardines portugaises comme les gnocchis italiens devraient en conséquence voir leurs prix augmenter.
« Les acheteurs vont devoir prendre des décisions », entre maintenir leur budget alimentaire ou conserver leurs habitudes de consommation, estime Ian Wright.
Le chaos politique qui règne au parlement de Westminster n’impressionne pas Wilma Van Grinsven-Padberg, responsable des achats pour une chaîne d’épiceries fines dont le siège est à Oosterhout, aux Pays-Bas. En Angleterre, elle vient chercher les meilleurs chutneys, sauce aigre-douce généralement servie en accompagnement du foie gras pendant les fêtes.
« Les Britanniques sont des producteurs de chutney, et nous, nous sommes acheteurs. On ramène le produit aux Pays-Bas, puis on l’envoie dans 12 pays à travers le monde », explique-t-elle.
Paul Hargreaves, directeur général de Cotswold Fayre, un grossiste alimentaire, est également optimiste, affirmant bénéficier pleinement de la chute de la livre sterling depuis le référendum de 2016 qui a décidé du Brexit. La faiblesse de la monnaie britannique rend ses produits moins chers et lui a permis d’accroître ses exportations.
« Pour nous, c’est comme si plus on se rapprochait du Brexit, et mieux on se portait », se réjouit-il. « Il faut arrêter le défaitisme, et chercher les opportunités ! ».