La journée internationale de la Francophonie, célébrée le 20 mars de chaque année, est aussi celle de la langue française aux Nations Unies. Pour les puristes, il va de soi qu’elle ne saurait faire l’économie de ce genre de phrases : « La semaine prochaine, nous allons aborder un sujet vraiment touchy (délicat) ! Il faut donc organiser ASAP un brainstorming avec la team pour faire un visuel vraiment corporate et éviter le bad buzz. Je vous prépare un brief avec quelques screenshots. De votre côté, forwardez-moi un benchmark (une référence). Ajoutez ce projet à votre To do List et pensez à intégrer des KPI (indicateur-clé de performance) pour la partie social media. La deadline est fixée à jeudi prochain, juste après mon premier conf-call de la journée. Ça va être un vrai challenge ! »
Nous n’avons pas pu résister au plaisir de vous concocter un petit texte parsemé d’anglicismes ! Avez-vous réussi à le décrypter ? S’il est un peu caricatural et fait sourire, il n’est tout de même pas si loin de la réalité. Même si la loi Toubon impose depuis 1994 aux entreprises d’utiliser la langue française dans l’ensemble de leurs moyens de communication sur la voie publique. Force est de constater aujourd’hui que les anglicismes ont envahi le monde francophone. Les conversations presque bilingues au sein des entreprises sont devenues banales. En effet, des mots et expressions en anglais se glissent de plus en plus couramment dans nos conversations professionnelles. Volonté de paraître à la mode ou réelle utilité, à vous d’en juger !
En 2018 le français était parlé sur tous les continents par environ 300 millions de personnes dont 235 millions l’utilisent quotidiennement, 90 millions en étant des locuteurs natifs. Toujours en 2018, 80 millions d’élèves et étudiants s’instruisaient en français dans le monde. Elle est une des six langues officielles et de travail de l’ONU, et langue officielle ou de travail de l’Union Européenne et l’Organisation Internationale de la Francophonie. Elle demeure une langue importante de la diplomatie internationale aux côtés de l’anglais.
Mais comme toujours, le complexe d’infériorité des francophones, devenus anglophiles, histoire d’être à la mode, rend de plus en plus difficile la pratique de cette langue dans les pays où elle est pourtant la langue officielle. Les réseaux sociaux n’ont pas arrangé les choses. Combien de messages sur ces nouveaux médias n’ont que faire de l’orthographe, du vocabulaire ou de la syntaxe ? Combien de messages, dont le sigle SMS est en anglais, ne lisons-nous pas avec des simplifications en leur ôtant toute leur substance ? Le langage ‟texto” est en train de tuer le français. Il faut réagir, et vite ! Notamment en permettant à l’Afrique, du fait de la croissance démographique et du nombre de personnes usitant la langue de Molière, de mieux l’apprendre.
Le but de la journée de la langue française et de la Francophonie est d’améliorer la prise de conscience et le respect de cette belle langue. Elle doit aider à sa promotion. Mais que faire lorsque ses utilisateurs sont de plus en plus séduits, par l’anglais ? Il est donc temps de revenir aux bases. Ne pas accepter cette idée-reçue tendant à supprimer les règles élémentaires de grammaire, redonner le gout de la lecture aux plus jeunes, à condition que les parents eux-mêmes s’y remettent. C’est comme ça, et pas autrement, que le français retrouvera ses lettres de noblesse. À moins que, à l’instar du latin, nous souhaitions qu’elle devienne une langue morte.
Malick Daho
Paru dans le Diasporas-News n°104 de Mars 2019