vendredi, mars 29, 2024
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Naissance en Afrique du Sud des premiers lions-éprouvette

Même à les observer de près, rien ne distingue des autres les deux lionceaux qui se mordillent en grognant joyeusement dans leur enclos de la banlieue de Pretoria. Pourtant, ces nouveaux-nés sont totalement uniques.
« Ils sont les tout premiers lionceaux conçus par insémination artificielle, les premiers au monde », ont annoncé fièrement leurs « parents », chercheurs à l’université de la capitale sud-africaine.
Les deux petits lionceaux-éprouvette – une femelle baptisée Isabel et un mâle nommé Victor – sont nés le 25 août et se portent à merveille, assure Andre Ganswindt, le directeur de l’Institut de recherche sur les mammifères de Pretoria.
L’heureux événement a concrétisé dix-huit mois d’essais scientifiques intensifs. « Nous avons collecté le sperme d’un lion en bonne santé » puis inséminé la lionne, explique M. Ganswindt.

« Par chance, ça a marché », s’étonne-t-il encore, « nous avons procédé à plusieurs tentatives mais, à ma grande surprise, cela ne nous a pas pris trop de temps pour réussir ».

La tâche n’était pourtant pas aisée.
« Travailler avec des animaux sauvages, surtout des carnivores, est un défi », explique l’une des chercheuses, Imke Luders.
« Les femelles ont été habituées à donner, sans anesthésie, des échantillons sanguins et des tests cytologiques de façon à déterminer les étapes de leur cycle d’ovulation », explique-t-elle.
La vétérinaire espagnole Isabel Callealta, qui a dirigé l’équipe, a personnellement entraîné les lionnes à s’allonger le long d’une clôture, le temps de procéder aux tests.
– Espèce vulnérable –
La fécondation elle-même a été menée dans un laboratoire spécialisé d’Ukutula, dans la province sud-africaine du Nord-Ouest.
Andre Ganswindt espère désormais répéter au plus vite la manipulation. « C’était une première, nous devons l’évaluer pour nous assurer que cette approche peut être reproduite avec succès et plus régulièrement », souligne-t-il.
Si son efficacité est confirmée, cette technique pourrait être utilisée par d’autres équipes pour renouveler l’espèce à des endroits où elle est menacée, s’enthousiasme le chercheur.

A l’échelle de la planète, la population des lions a chuté de 43% depuis vingt ans pour atteindre aujourd’hui quelque 20.000 spécimens, estime l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN), qui a classé le prédateur dans la catégorie des espèces vulnérables.

« La population des lions a diminué significativement, de même que celles de nombreux autres félins. Si nous ne faisons rien, ils risquent de disparaître », s’alarme Andre Gandswindt.
Avec la fécondation in vitro, « nous pourrions nous épargner au moins temporairement le déplacement des animaux pour les faire s’accoupler et simplement acheminer le sperme auprès de femelles, comme cela se fait déjà pour les éléphants en captivité en Amérique du Nord ou en Europe », décrit-il.
« La naissance des premiers lionceaux par insémination artificielle dans le pays où ils vivent et non pas dans un zoo à l’étranger (…) montre que la protection peut avoir plusieurs facettes », se réjouit elle aussi Imke Luders.
– « Comme des mouches » –
« Les techniques d’aide à la reproduction sont un autre outil disponible (…) pour protéger les espèces en danger », estime-t-elle.
A la tête d’une ferme de la province sud-africaine du Free State (centre), Andre Mentz a prêté ses lions élevés en captivité pour l’expérience. Sa réussite est pour lui « révolutionnaire ».
Les défenseurs de la faune tempèrent toutefois cet enthousiasme. « Si nous sommes favorables aux stratégies de protection in situ en cas de danger pour une espèce, nous ne soutenons pas les expériences d’insémination artificielle chez les lions » car elles alimentent une industrie basée sur la chasse, ont dénoncé une vingtaine d’ONG dans un courrier adressé aux chercheurs.
Ce collectif s’est toutefois déclaré favorable à la fécondation in vitro pour d’autres espèces menacées comme les guépards.

Responsable de l’ONG Panthera pour l’Afrique australe, Paul Funston a lui jugé totalement inutile la « première » accomplie par les chercheurs de l’université de Pretoria.

« En captivité, les lions se reproduisent très facilement, comme la plupart des félins d’ailleurs », note-t-il.
« La population des lions sauvages en Afrique a reculé et reste confrontée à des défis comme la perte de son habitat et la chasse », acquiesce son collègue de Born Free, Mark Jones, « mais la difficulté à se reproduire ne fait certainement pas partie des problèmes qui menacent leur protection ».

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