L’Afrique compte pour Pékin et le nouveau président chinois Xi Jinping entend le prouver en s’y rendant à partir de dimanche, consacrant au continent noir la majeure partie de sa première tournée à l’étranger.
En visitant en huit jours la Tanzanie, l’Afrique du Sud et le Congo-Brazzaville, le chef de la deuxième puissance mondiale confirme aussi l’importance spéciale que Pékin réserve aux pays émergents, où les entreprises chinoises –du géant international à la boutique– étendent leur présence.
M. Xi assistera à Durban au 5e sommet du groupe des BRICS –Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud–, des pays qui cherchent à transformer leur force économique croissante en influence diplomatique. Il y retrouvera le président russe Vladimir Poutine, après l’avoir rencontré à Moscou, première étape de sa tournée.
La Chine est depuis 2009 le premier partenaire commercial de l’Afrique –le volume du commerce sino-africain a frôlé les 200 milliards de dollars en 2012– et Xi Jinping est assuré d’y trouver des oreilles réceptives. La croissance du continent voisine les 5% par an depuis 2007.
« Avec la Russie et l’Afrique, Xi se rend aux endroits où la Chine apparaît jouir de son plus grand crédit sur le plan politique. Pékin s’appuie plus que jamais sur ces partenaires, dans un contexte de relations tendues avec la plupart de ses voisins et avec l’Occident », analyse Jonathan Holslag, de l’Institut de recherche sur la Chine contemporaine de Bruxelles (BICCS).
Partenaires depuis les années 1960, celles des indépendances africaines, la Chine et l’Afrique ont considérablement renforcé leurs liens depuis une quinzaine d’années et Pékin a accueilli en 2006 un sommet de 48 pays africains.
Les entreprises chinoises, d’Etat ou privées, ont investi massivement sur le continent, pour extraire du pétrole ou des matières premières, cultiver des terres ou construire des hôpitaux, des routes ou des barrages.
La visibilité des Chinois en Afrique s’est généralisée et leur nombre est estimé entre un et deux millions d' »entrepreneurs », selon un vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Zhai Jun.
La Chine a d’importants intérêts économiques en Tanzanie –dans les infrastructures, l’agriculture, le secteur minier (charbon et minerai de fer notamment).
L’étape tanzanienne a une valeur symbolique. La Tanzanie est l’un des pays africains avec lesquels la Chine entretient les plus anciennes relations. A l’époque de Mao Tsé-toung et Julius Nyerere, Pékin avait construit en 1975 le chemin de fer Tanzanie-Zambie, le plus vaste projet chinois en Afrique.
Selon l’ambassade de Chine à Dar es Salaam, le commerce sino-tanzanien est passé de 93,4 millions de dollars en 2001 à 1,65 milliard de dollars en 2010. En novembre, l’ambassadeur chinois s’est félicité de ce que la Chine soit passée, en un an, de la 6è à la 2è place des investisseurs étrangers en Tanzanie.
Le président Xi sera en Afrique du Sud du 26 au 28 mars. Pékin et Pretoria entretiennent d’excellentes relations, quand bien même leurs intérêts économiques entrent en concurrence sur le continent africain et en dépit d’une balance commerciale très déséquilibrée en faveur de la Chine, dont la compétitivité à l’export a contribué à sa désindustrialisation.
Depuis la présidence de Jacob Zuma en 2009, Prétoria a donné des gages de loyauté à Pékin, refusant notamment l’accès au dalaï-lama, malgré les critiques d’anciens militants anti-apartheid comme l’archevêque Desmond Tutu, prix Nobel de la paix.
L’Afrique du Sud a été intégrée en 2011 au bloc des BRICS –Brésil, Russie, Inde, Chine — dont le 5ème sommet à Durban pourrait déboucher sur la création d’une banque de développement commune.
Sur le chemin du retour, Xi Jinping est attendu les 29 et 30 mars au Congo-Brazzaville, pays pétrolier où il sera reçu par son homologue Denis Sassou Nguesso. Les accords entre les deux pays portent sur plusieurs milliards de dollars, dont le financement de 500 km de route entre la capitale et Pointe-Noire.
Le déséquilibre des échanges –matières premières contre bien manufacturés– est toutefois de plus en plus critiqué: « C’était l’essence du colonialisme », accusait récemment le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, Lamido Sanusi, dans le Financial Times, déplorant que « l’Afrique s’ouvre d’elle-même maintenant à une nouvelle forme d’impérialisme ».
AFP