Le camp du Premier ministre Raila Odinga, l’un des deux grands favoris de l’élection présidentielle kényane, a dénoncé jeudi comme « trafiqués » les résultats partiels qui donnent en tête son grand rival Uhuru Kenyatta, des accusations réfutées par la Commission électorale.
Donné en tête de la course depuis le début du décompte, le vice-Premier ministre Kenyatta a eu une autre bonne raison de se réjouir jeudi: la justice internationale, qui le poursuit pour son rôle présumé dans les violences de la présidentielle de décembre 2007, a accepté de reporter à l’été son procès.
Jeudi matin, le colistier de M. Odinga, Kalonzo Musyoka, a affirmé avoir des preuves que des résultats avaient « été trafiqués ». « Dans certains cas, le nombre total de bulletins dépasse le nombre d’électeurs enregistrés, » a-t-il détaillé, appelant, en conséquence, à stopper un processus de dépouillement manquant d' »intégrité ».
Dans un pays encore traumatisé par les dernières violences post-électorales, M. Musyoka a assuré que ses accusations « ne constituaient pas un appel à la rue ».
La Commission électorale indépendante kényane (IEBC), qui a annoncé pour vendredi le résultat final du premier tour de la présidentielle, a catégoriquement écarté toute interruption du décompte, assurant qu’il « n’y avait pas moyen de trafiquer les résultats ».
Les responsables de la Commission « sont des arbitres impartiaux. (…) Les résultats que vous voyez maintenant, ce sont les gens que vous élisez », a assuré le président de la Commission, Ahmed Issack Hassan, à l’adresse des Kényans.
En fin de journée, vers 18H00 (15H00 GMT), le décompte partiel des voix donnait Uhuru Kenyatta en tête avec plus de 3,1 millions de voix contre 2,56 millions à M. Odinga, sur plus de la moitié de suffrages exprimés dépouillés (6,3 millions).
Multiplication des critiques
L’élection présidentielle kényane est la première depuis celle de fin 2007, qui avait vu la réélection contestée du président sortant Mwai Kibaki — qui ne se représente pas — face, déjà, à Raila Odinga, aujourd’hui âgé de 68 ans.
Des soupçons de fraude massive avaient débouché sur de sanglants affrontements politico-ethniques: plus de 1.000 personnes avaient été tuées et des centaines de milliers d’autres déplacées.
Uhuru Kenyatta, 51 ans, avait lui aussi été un acteur important du précédent scrutin, comme soutien à Mwai Kibaki. Il est inculpé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale pour son rôle présumé dans les massacres d’il y a cinq ans, des accusations dont il se dit innocent.
L’ouverture de son procès devait à l’origine coïncider avec un éventuel deuxième tour de la présidentielle. Mais pour d’ici là régler « d’importantes questions » soulevées par la défense avant même la présidentielle kényane — les avocats de M. Kenyatta faisaient valoir de nouveaux éléments au dossier –, la première audience est désormais prévue le 9 juillet.
Au Kenya, les critiques se sont multipliées depuis deux jours sur l’organisation du vote présidentiel et de son dépouillement, à mesure que les couacs s’accumulaient dans cette élection qui se voulait exemplaire de transparence.
Le système de reconnaissance biométrique des électeurs s’est d’abord effondré dans de nombreux bureaux, forçant les agents électoraux à vérifier manuellement les listes. De nombreux Kényans ont aussi dit avoir eu du mal à déterminer dans quelles urnes placer leurs bulletins: en plus de la présidentielle, cinq autres scrutins étaient organisés en même temps (législatifs et locaux notamment).
Le système d’envoi des résultats provisoires — par SMS — s’est ensuite à son tour écroulé. Avant de planter, il a recensé un nombre considérable de vote nuls — plus de 300.000 –, objet d’une première polémique.
Depuis, la Commission électorale a abandonné le décompte électronique et n’affiche plus que des résultats définitifs sur la base des procès-verbaux.
Le nombre de bulletins nuls a aussitôt fondu — un peu moins de 60.000 à ce stade–. Ahmed Issack Hassan a expliqué cette différence par un problème informatique, le logiciel compilant les résultats provisoires ayant par erreur multiplié par huit les suffrages invalidés.
AFP