Aux portes de l’Europe et avec des coûts de production jugés attractifs, l’industrie aéronautique est en plein essor au Maroc, où les autorités déroulent le tapis rouge aux grands groupes et sous-traitants pour la fabrication et l’assemblage d’équipements d’avions.
En 2012, le royaume a frappé fort avec l’annonce de l’arrivée de Bombardier, le troisième avionneur mondial, qui vient de débuter sa production à Nouaceur, près de Casablanca (ouest), un site qui concentre 85% des activités du secteur.
« Le choix de Bombardier montre qu’on peut devenir une plate-forme internationale pour les grands industriels », s’est encore félicité mardi un ministre, Abdelkader Amara, en marge d’Assises de l’Industrie à Tanger (nord).
Cet investissement de 200 millions de dollars, qui va permettre la création de 850 emplois directs, vient témoigner de la vigueur de l’industrie aéronautique marocaine, en hausse de 65,5% sur la période 2008-11.
Si les revenus ont atteint près d’un milliard de dollars l’an dernier, le Maroc n’entend pas en rester là, ajoute le président du Groupement des industries aéronautiques et spatiales (Gimas), Hamid Benbrahim al-Andaloussi.
Dans un pays où il a beaucoup été question d’automobile avec l’installation de Renault à Tanger, les perspectives sont encore plus prometteuses dans l’aéronautique, « secteur qui ne connaît pas la crise » grâce notamment à la forte demande asiatique, dit à l’AFP M. Benbrahim, un des concepteurs du pôle local.
« En une décennie, nous avons été en mesure d’établir une base compétitive, dans le prolongement naturel de l’Europe, et nous sommes prêts à tirer un profit maximum de cette fenêtre d’opportunité stratégique », clame-t-il.
D’ici 2020, le royaume espère doubler son activité et ses revenus, à la faveur, entre autres, du développement d’une zone franche (Mid-Park).
Déjà, une centaine d’entreprises et près de 10.000 salariés sont à pied d’oeuvre à Nouaceur, dont environ 500 dans l’immense hangar de Safran Aircelle, filiale du groupe français qui vient de fêter son 8e anniversaire au Maroc.
Tout en effectuant une visite pour un groupe de journalistes étrangers, le directeur général Benoît Martin-Laprade ne cache pas sa satisfaction.
« Colocalisation »
De 10 millions d’euros en 2006, le chiffre d’affaires flirte désormais avec les 100 M EUR. Quant à la main d’oeuvre, jeune, « si vous lui donnez la bonne formation, vous pouvez avoir d’excellents résultats », assure-t-il.
A ce titre, un Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) a ouvert en 2011, une structure hautement appréciée par Christophe Delqué, dont l’entreprise Ratier-Figeac vient de s’implanter.
Spécialisé dans la fabrication d’équipements de cabines/cockpits et d’hélices, ce groupe du sud de la France a commencé en 2007 à travailler avec des sous-traitants, « une +success story+ » qui l’a incité à ouvrir sa propre filiale, explique-t-il.
L’usine, où la production monte en puissance, doit à terme employer 150 Marocains, formés pour l’essentiel à l’IMA.
Le coût de la main d’oeuvre, dans un pays où le salaire minimum n’excède pas 250 euros par mois, est évidemment au coeur du choix de ces entreprises qui refusent toutefois de parler de délocalisation.
« Il faut arrêter de dire que les emplois au Maroc tuent ceux en France. En 2012, nous avons créé 600 emplois dont la moitié dans l’Hexagone », clame-t-on chez Safran Aircelle.
« Nous sommes dans le berceau de la colocalisation: plus compétitifs, on décroche de nouveaux clients et on garantit des emplois en France », renchérit Christophe Delqué.
Il faut faire au Maroc « ce que l’Allemagne a su faire (en terme de « colocalisation ») en Europe de l’Est », plaide Hamid Benbrahim, selon qui chaque nouveau venu devient en outre, automatiquement, un ambassadeur du royaume.
« J’appelle ça +l’effet saint-Thomas+, dit-il. Parlez de l’aéronautique au Maroc à un Japonais, il va se demander si vous êtes sérieux. Mais s’il vient et voit ce qui est réalisé par d’autres, il va vouloir la même chose! »
AFP