vendredi, mars 29, 2024
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Une prodige des échecs, des bidonvilles de Kampala aux tournois mondiaux

Une prodige des échecs, des bidonvilles de Kampala aux tournois mondiaux
Assise dans une salle mal éclairée de Katwe, quartier délabré de la banlieue de la capitale ougandaise Kampala, Phiona Mutesi fixe, le regard baissé, l’échiquier devant elle. Et pense à ce que sera le prochain coup de son improbable histoire.
« Les échecs ont changé ma vie, » glisse cette adolescente de 16 ans, en remettant en place ses larges lunettes. « Avant, je n’avais pas d’espoir, maintenant j’ai de l’espoir — je peux devenir docteur, je peux devenir Grand Maître, » le plus élevé des titres aux échecs.
La jeune Ougandaise n’a pourtant pas toujours vu son avenir en rose. A la mort de son père, atteint du sida, elle n’avait que trois ans, raconte-t-elle.
Avant de parcourir le monde pour, de la Sibérie au Soudan, participer à des tournois d’échecs, elle a dû s’extirper d’une dure vie dans les bidonvilles de Kampala.
« Ma mère ne pouvait pas payer l’argent du loyer, les frais scolaires, alors à un moment, j’avais six ans, nous avons été expulsées de notre maison et commencé à dormir dans les rues, » se souvient-elle.
Mais en seulement quelques années, les échecs vont bouleverser sa vie.
Dès 12 ans, Phiona Mutesi prend la tête du championnat d’échec féminin ougandais des moins de 20 ans. Aujourd’hui, elle règne désormais sur ceux, confondus, des hommes et des femmes. Et est aussi la première Ougandaise à avoir obtenu le titre de Candidat Maître féminin.
Un livre a été écrit sur sa fulgurante ascension, et les studios Disney ont acheté les droits de son histoire, pour, peut-être, en faire un film.
Phiona Mutesi ne se destinait pourtant pas aux échecs.
Certes, dès l’âge de neuf ans, elle suivait son frère dans ce qui n’était alors qu’un embryon de club d’échecs, dans cette même banlieue de Kampala où elle brille aujourd’hui. Mais elle ne venait alors pas pour jouer. Elle venait pour le bol, gratuit, de pudding qui leur était alors distribué.
« Et puis je me suis demandé +Qu’est-ce que c’est que ce jeu d’échecs?+ et j’ai commencé à jouer, » se souvient-elle. Elle a montré du talent et de la ténacité pour battre des adversaires toujours plus coriaces.
Leçons de vie
L’homme qui l’a initiée, comme beaucoup d’autres enfants du bidonville, aux échecs, est aujourd’hui son entraîneur, Robert Katende.

Une prodige des échecs, des bidonvilles de Kampala aux tournois mondiaux
Ancien footballeur, Robert Katende a troqué en 2003 le ballon rond pour les pions d’échecs, dans l’idée d’apprendre aux enfants des rues ce sport de l’esprit.
A l’époque, aucun d’entre eux ne savait vraiment ce qu’était un échiquier: la pratique des échecs était cantonnée aux écoles fréquentées par les élites. Mais, se souvient-il, l’intérêt des gamins a été immédiat.
Pour des gosses contraints quotidiennement à la débrouille, jamais sûrs de ce qu’ils pourront manger ni de l’endroit où ils pourront dormir le soir, les échecs sont une grande école qui développe des dispositions utiles pour la vie, et notamment la confiance en soi, dit-il.
« Ce n’est pas juste un jeu, c’est une façon de transformer les vies, » assure l’entraîneur. « Vous êtes face à des défis et vous devez penser au meilleur coup à jouer; A des enfants qui sont devenus de petits délinquants ou des criminels, cela apprend la discipline. »
Au début, le club qu’il a créé était à ciel ouvert et les pions des jeux faits de capsules de bouteilles.
Aujourd’hui, ce même club compte 63 membres, certains âgés de quatre ans seulement. Et les échiquiers, quoique toujours légèrement bringuebalants, sont désormais en nombre suffisant.
Allongé sur le ventre, Michael Talemwa, touche du doigt un pion en réfléchissant à sa stratégie. Il doit contrer une offensive.
Comme de nombreux autres enfants, ce jeune garçon de 11 ans ne faisait pas grand-chose de ses journées avant de découvrir le club.
« Je traînais seul à la maison, sans rien à faire, jusqu’à ce qu’un ami vienne et me dise que nous devrions venir jouer aux échecs, » raconte-t-il. « Je ne savais rien des échecs et je lui ai dit que je ne savais pas jouer, mais il m’a convaincu. »
Depuis maintenant deux ans, il vient régulièrement jouer. Et il rêve désormais de la réussite prodigieuse de Phiona Mutesi.
« Je suis tellement content d’entendre qu’une de nos amies a atteint un tel niveau, » dit-il. « J’espère que moi aussi, je pourrai grimper si haut. » 

AFP 

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