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Kenya : 2013, année électorale de tous les dangers

Kenya : 2013, année électorale de tous les dangers
Le 4 mars 2013, les citoyens kenyans en âge de voter, seront amenés à choisir l’homme auquel ils vont confier leur destin pour les cinq prochaines années. Attentats ciblés dans les lieux très fréquentés comme les discothèques, bars ; embuscades contre les forces de l’ordre, meurtres confessionnels, ratonnades interethniques sont légion depuis maintenant un an. Selon la Croix Rouge, plus d’une centaine de personnes ont péri, victimes de ces tensions précédant les élections. Alors que l’ambassade américaine, elle, recense – rien qu’à Nairobi – 17 attaques, qui ont fait 48 morts et près de 200 blessés, au premier semestre 2012. Et à quelques mois de ce rendez-vous démocratique, nul ne voudrait revivre le scénario de 2007. Ce pays réputé assez calme s’est brusquement réveillé, lors de la dernière élection présidentielle. La crise postélectorale avait provoqué un affrontement tribal faisant plus d’un millier de morts et environ 300.000 déplacés. Mais les violences actuelles sont également la conséquence de l’invasion de l’armée kenyane en Somalie en 2011. Les milices chebabs ont toujours menacé le Kenya de l’attaquer par des actes de terrorisme au sein même de son territoire. D’autre part, la classe politique a toujours joué sur la corde sensible de la rivalité ethnique pour se hisser au pouvoir. Pourtant le temps des luttes pour contrôler un point d’eau est révolu. Cet antagonisme communautaire reflète davantage un déséquilibre économique régional savamment entretenu par les régimes en place depuis 50 ans.
Les enjeux électoraux
Ce sera une élection « omnibus ». Outre, les élections présidentielles auront lieu également la désignation des gouverneurs de province et certains responsables administratifs locaux (contés). Une grande première encore : à l’issue de ce scrutin le Kenya se dotera de deux chambres : le renouvellement des députés et la réapparition des sénateurs. Car l’omnipotent Jomo Kenyatta a en effet supprimé en son temps le Sénat.

Le Kenya veut conjurer le sort c’est-à-dire éviter de tomber dans les mêmes ornières qui confinent à une certaine malédiction. La Secrétaire d’Etat Hillary Clinton l’a martelé lors de sa tournée africaine cet été et Washington a encore lancé un appel au peuple du Kenya : « à affirmer ses droits par des moyens pacifiques ». Le président sortant Mwai Kibaki, qui ne pourra plus se représenter, joue les juges de paix. Il déploie beaucoup d’efforts pour rendre cette élection crédible. Il a officiellement lancé le processus d’enregistrement biométrique des votants au mois de novembre dernier. L’objectif est de pouvoir recycler la liste électorale de 2007, qui a été utilisée en 2010 lors du changement de Constitution. Initialement, 14 millions de kenyans sont inscrits alors qu’ils en existent 20 millions qui sont en âge de voter. La Commission Electorale Indépendante (IEBC) espère identifier 18 millions de personnes dans 25.000 centres. Le faible taux d’inscription s’explique par la crainte de certains citoyens d’éventuelles représailles. Des paysans ont été traumatisés en 2007 car s’inscrire dans votre lieu de travail où vous cultivez des champs c’est-à-dire une région agricole dont vous n’étiez pas originaire leur ont valu des désagréments. Et même les 30.000 agents électoraux ont toutes les difficultés du monde à faire leur travail dans la sérénité. Ils sont régulièrement perturbés par des affrontements à coups de pierres entre habitants ; ce qui les obligent à suspendre les enregistrements. Dans la capitale, la jeunesse soupçonne les vieux apparatchiks de les entraver dans l’expression de leur simple droit de vote. Sinon, comment comprendre leur difficulté de parcours pour obtenir les papiers d’identité, préalable à leur inscription électorale ?
Les candidats à l’élection présidentielle

La magistrature suprême se jouera-t-elle entre les fils de… Depuis la disparition tragique dans un crash d’hélicoptère du ministre de la Sécurité Intérieure George Saitoti en juin 2012, le duel présidentiel semble se résumer entre Odinga et Kenyatta ! Le regretté fut une figure politique nationale : ancien ministre des finances en 1983 avant de devenir vice-président du Kenya en 1989, il faisait partie des fidèles de Mwai Kibaki. Il ne faisait pas mystère de sa candidature pour les prochaines échéances électorales de 2013, il aurait entravé l’ascension d’Uhuru Kenyatta.

Ondinga versus Kenyatta ! Et si l’histoire de ce pays allait encore se jouer entre les deux fils de ces illustres familles : Ralai et Uhuru ?
La particularité du paysage politique du Kenya réside dans une atomisation des partis. Par conséquent, sans une coalition, aucune force politique ne peut prétendre à une majorité absolue. Ainsi l’actuel premier ministre Ralai Odinga a été investi par ses partisans à l’issue d’un meeting, juste avant Noël, dans le parc d’Uhuru de Nairobi. Désormais, il portera les couleurs de la Coalition pour la Réforme et la Démocratie (CORD). Comme chez les américains, il fera un« ticket » avec Kalonzo Musyoka, le vice-président sortant. Développer le pays de manière équitable tel est le leitmotiv du candidat Odinga. Le constat est flagrant quant aux déséquilibres entre les régions mais aussi le fossé incommensurable entre les nantis et les riches. Il promet ainsi une meilleure allocation des recettes générées par les nouvelles découvertes de pétrole et d’or du pays.
Tandis que pour le vice-premier ministre Uhuru Kenyatta, les partis politiques qui le soutiennent se sont regroupés sous la bannière de l’Alliance pour le Jubilé. Et au terme d’un grand rassemblement qui s’est, cette fois-ci, déroulé à Mombasa, il a choisi son co-listier : le ministre William Ruto. Le Jubilé mise plus pour une clientèle électorale plus jeune en promettant de l’emploi pour tous. De même qu’ils promettent de régler une bonne fois pour tous les problèmes fonciers, source de bien de maux et de morts dans le pays à majorité rurale.
Lors de votre arrivée en terre kenyane, vous atterrissez au Jomo Kenyatta Airport de Nairobi. Décédé en 1978, il est considéré comme le père de l’Indépendance. Au lendemain de la 2nde Guerre Mondiale, les sujets tropicaux de Sa Majesté revendiquèrent aussi leur indépendance. Les anciens combattants choisirent la manière violente ; ils se sont constitués en groupuscule clandestin « Mau Mau » qui donna du fil à retordre aux forces britanniques. Les modérés optèrent pour l’intégration au sein des Conseils législatif et exécutif. Jomo Kenyatta, Secrétaire Général du Kenya African National Union (KANU), Daniel Arap Moi, tous deux membres de cette Assemblée Constituante, furent incarcérés par le colonisateur pour une soi-disant collusion avec les Mau Mau, en 1952. Confidence entre deux prisonniers : Arap Moi a promis à Jomo Kenyatta que s’il devenait un jour Président, il désignerait son compagnon d’infortune comme son successeur. L’histoire a inversé la donne au moment de l’Indépendance enfin obtenue en 1964 ! Jomo Kenyatta a choisi comme vice-président Odinga Odinga, un fervent indépendantiste. Dès les premières années d’exercice du pouvoir, on perçut une volonté autocratique chez le chef
de l’Etat. Les britanniques et les indiens furent invités à abandonner leurs terres qui seront ensuite cédées aux Kikuyu, l’ethnie majoritaire dont Jomo Kenyatta est issu. Il ne lésina pas non plus à donner un coup de canif constitutionnel pour dissoudre le Sénat et conforter le pouvoir de son parti unique avec des parlementaires godillots. En réaction à cette dérive Odinga Odinga s’est insurgé en fondant son propre parti politique le Kenya People’s Union (KPU). L’invective publique entre les deux hautes personnalités se termina par l’embastillement du vice-président en 1969. Il ne sera libéré que par le nouveau Président Daniel Arap Moi, à la suite de son décès en 1978.
Mais tout au long de sa carrière politique Odinga Père n’a cessé de dénoncer la corruption et le clientélisme du régime en place ; ce qui lui valut encore une assignation à résidence. L’avènement du multipartisme peut être attribué à l’acharnement d’Odinga Odinga dans son engagement politique. En 1991, il a co-fondé avec cinq autres opposants le Forum for the Restoration of Democracy (FORD). Ils furent mis au cachot par le président Arap Moi ; ce qui a amené une série de contestations et un embargo des subventions internationales. Face à cette pression internationale, le président en exercice libéra ses opposants et s’ouvrît au multipartisme en abolissant l’article 2A de la Constitution.

Raila Odinga a certainement attrapé le virus de la politique en 1982. Soupçonné d’être l’instigateur du putsch manqué de 1982, il fut arrêté et mis au secret pendant plus de six mois. Et lorsqu’en 2002, Daniel Arap Moi a désigné Uhuru Kenyatta (déjà !) comme son dauphin, il a formé – avec Kalonzo Musyoka et George Saitoti – une coalition avec plusieurs partis politiques pour soutenir Mwai Kibaki ; celui-là même qu’il a battu en 2007 pour quelques 320.000 voix d’avance !
L’heure des Odinga a-t-elle enfin sonné après plus d’un demi-siècle de lutte de pouvoir ? En tout cas tous les sondages prédisent sa victoire.
Le fil à la patte de la CPI
 
Les évènements postélectoraux de 2007 auront certainement un impact sur le déroulement du prochain scrutin. Car il a une épée de Damoclès, l’inculpation de la CPI pour crimes contre l’humanité, qui pèse sur la tête du candidat Uhuru Kentatta et de son co-listier William Ruto. Le premier est accusé d’avoir soudoyé les Mungiki, une bande de sulfureux criminels, pour ratonner les partisans du candidat malheureux Raila Odinga. William Ruto est également inculpé pour les mêmes raisons ; c’était l’époque où il faisait partie de la coalition de Raila Odinga et avait recruté des milices pour chasser les hommes de Mwai Kibaki. Mais depuis, le chemin d’Odinga et Ruto se sont séparés.
Le tandem Kenyatta-Ruto ne serait-il pas une alliance de circonstance face aux poursuites judiciaires ? En tout cas la date de leur procès fixé au 10 avril coïncide avec la proclamation les résultats des différents scrutins.
 
Alex ZAKA
 

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