A Goma, les habitants étaient partagés mardi entre soulagement et frustration, après l’annonce du départ, d’ici la fin de la semaine, des rebelles du M23, qui occupent depuis le 20 novembre cette ville stratégique de l’est de la République démocratique du Congo.
Si les rebelles « font de bonnes choses, ils peuvent rester », juge Alphine, 18 ans, dans sa robe bleu et son tee-shirt rouge, près d’une petite boutique de biscuits. « Ils ont d’ailleurs promis de nous amener l’électricité et de faire de bonnes routes. Je n’ai pas vu la réalisation encore, mais je vois la sécurité », assure-t-elle à l’AFP.
Dès la prise de la ville, les rebelles, des soldats congolais mutins, essentiellement issus de la minorité tutsi, avaient quadrillé la ville. De longues colonnes de soldats silencieux, aux uniformes tachetés, avaient parcouru les principales artères. Des détachements de quelques hommes lourdement armés contrôlaient les points stratégiques. Puis, ces derniers jours, les rebelles se sont fait beaucoup plus discrets, postés surtout aux principaux carrefours.
La jeune Alphine est soudainement interrompue par un vendeur en blouse de travail: « La sécurité! De quoi tu parles? Le M23, c’est des voleurs. A l’extérieur, c’est Jésus mais à l’intérieur, c’est un lion », lance le vendeur, alors que les rumeurs de pillages, de viols et de disparitions de civils restent difficiles à prouver, faute de témoins.
Un autre homme se mêle au débat. Désiré, la cinquantaine, se dit militant de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti de l’opposition dont le dirigeant Etienne Tshisekedi a revendiqué la victoire à la présidentielle de fin 2011 quand le chef de l’Etat Joseph Kabila a été réélu.
« Tout ça c’est de la faute du gouvernement. Le M23 est entré (à Goma) et a chassé (l’armée de) Kabila. Ils (les rebelles) disent qu’ils iront jusqu’à Kinshasa: c’est bien, qu’ils avancent » jusque dans la capitale. « Le retrait ce n’est pas une bonne chose », regrette l’opposant.
Près d’un hôtel réputé, à un rond point où les motos-taxi attendent les clients sous une pluie fine, l’un des chauffeurs souhaite que les insurgés « sortent de notre Congo, que notre gouvernement puisse nous gouverner. Ce sont des rebelles, nous n’avons pas besoin d’eux. On n’est pas libre de travailler », dit-il.
La discussion s’anime, des curieux affluent, la tension monte. Une fois encore, l’entretien est interrompu, cette fois par un homme en vêtements de sports. Il interpelle le motard en langue swahili et le fait détaler.
Un collègue du chauffeur explique alors que cet homme en tenue de sport est un soldat rebelle: « Il lui a dit qu’il allait le frapper parce qu’il avait dit que les rebelles du M23 étaient des voleurs ».
Dans la ville, certains doutent à haute voix du retrait annoncé des rebelles dont certains étaient encore présents mardi dans la ville. « On ne croit pas qu’ils vont se retirer car hier (lundi) à la radio, ils ont dit qu’ils rejetaient les accords de Kampala », explique Jonathan, étudiant en médecine de 25 ans.
« Nous, on n’a pas de problème avec eux. On veut qu’ils se retirent car c’est ce que veulent les accords. Mais on ne croit pas qu’ils vont le faire », dit-il.
Samedi, les rebelles avaient été sommés par quatre chefs d’Etat de la région réunis en Ouganda de quitter avant mardi la capitale de la riche province minière du Nord-Kivu. En échange, Kinshasa s’était engagé à « prendre en compte les revendications légitimes » des mutins.
A la Radio télévision nationale congolaise, servant habituellement de porte-voix au pouvoir mais occupée depuis une semaine par le M23, un des journalistes estime, sous couvert d’anonymat, qu’un départ des rebelles donnera « une plus grand marge de liberté ». La rébellion, ce n’est quand même pas pareil que le gouvernement. Là, pour toute information politique, on doit demander l’autorisation de diffusion » au M23, explique-t-il.
Au lendemain de la prise de Goma, l’organisation Journaliste en danger (JED) avait dénoncé une « prise en main des médias » par la rébellion.
AFP