« Si vous rejoignez le M23, vous aurez des bottes et des uniformes! » lance comme un slogan, sourire en coin, un soldat du Mouvement du 23 mars, basé à Bunagana, une ville de l’est de la République démocratique du Congo sous contrôle de ce groupe rebelle.
Le M23, créé en mai, est surtout composé d’ex-membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), une ancienne rébellion intégrée dans l’armée en 2009. Il contrôle une partie du Rutshuru, un territoire de la province verdoyante du Nord-Kivu, à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda.
A Bunagana, où siège le président du M23, Jean-Marie Runiga, de nombreux militaires circulent à pied dans les ruelles surplombées par des collines jadis contrôlées par l’armée congolaise et la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco).
Beaucoup portent des bottes en plastique et parfois des imperméables, des équipements dont manquent les soldats loyalistes malgré les pluies abondantes qui, en quelques minutes, détrempent la terre et forment des ruisseaux artificiels, paralysant presque toute activité.
Leurs bottes de caoutchouc noires étaient aussi celles des soldats de l’AFDL, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo qui, partie de l’est de la RDC, a renversé le régime de Mobutu en 1997. C’étaient également les chaussures du Front patriotique rwandais quand il a renversé le régime en place à Kigali et mis un terme au génocide de 1994.
Quant à la tenue, rien d’uniforme. La plupart des rebelles portent les ensembles verts tachetés de l’armée, ce qui avait porté à confusion: s’il règne actuellement un calme relatif et que les positions restent figées, au plus fort des combats il était difficile de faire le tri entre loyalistes et rebelles…
D’autres éléments portent l’ancien uniforme des FARDC (l’armée régulière) ou des treillis du CNDP, aux taches verte et marron, qui avaient avant appartenu au Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Le RCD, le CNDP et le M23: des rébellions que le Rwanda est accusé d’avoir soutenues, ce que Kigali dément.
« Il y a des officiers militaires qui avaient gardé leur tenue (du CNDP). Peut-être qu’ils savaient qu’ils n’allaient pas rester dans l’armée, peut-être aussi qu’on ne leur pas donné la tenue de l’armée », commente, après quelques insistances, le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23.
« Pas donné la tenue » : l’officier supérieur fait allusion aux accords de paix du 23 mars 2009 dont les mutins revendiquent la pleine application – d’où le nom M23 -, estimant que Kinshasa n’a pas respecté sa parole d’accorder aux ex-CNDP des grades dans l’armée.
Une tenue « tempête du désert » dans la forêt
Le lieutenant-colonel Kazarama porte, lui, une tenue militaire américaine gris clair, apparue lors de la guerre du Golfe en 1990 et depuis utilisée pour les opérations dans le désert: un « cadeau d’amis ». « Nous, nous sommes des rebelles, et un rebelle, quelle que soit la tenue, il s’habille. Les officiers se débrouillent à droite, à gauche », dit-il, un béret de l’armée congolaise sur la tête.
Ainsi, si lui porte un uniforme américain, il confie que d’autres soldats arborent des tenues « sud-africaines ». Il ne veut pas s’étendre sur le sujet mais souligne que ce n’est pas parce qu’un élément du M23 porte l’uniforme d’un pays qu’il dispose du soutien de cet Etat.
L’armée congolaise recrute pour rajeunir ses rangs et le M23 forme de futurs combattants à Rumangabo. Pour l’heure, pas d’uniforme. En tenue civile, détrempés par la pluie, quelques dizaines d’entre eux simulent le port d’arme avec un long morceau de bois attaché en bandoulière par une corde.
Secret défense oblige, difficile de savoir qui sont ces nouveaux et d’où ils viennent. L’ONU et plusieurs ONG accusent le M23 de recrutements forcés de civils, parmi lesquels des mineurs. Une accusation fermement démentie par le mouvement qui, sûr de lui, met au défi de trouver un seul mineur dans ses rangs.
AFP