Un militaire fidèle à l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a avoué mercredi à Abidjan avoir tué un officier à la retraite lors du premier grand procès lié à la crise de 2010-2011, une affaire impliquant un ex-homme fort du régime Gbagbo.
Ancien chef de la Garde républicaine, le général Brunot Dogbo Blé, un autre officier et trois sous-officiers, en tenue civile, comparaissent depuis mardi pour enlèvement, séquestration, assassinat, ou complicité d’enlèvement et d’assassinat du colonel-major à la retraite Adama Dosso, tué en mars 2011. Deux autres inculpés sont en fuite.
Le sergent Jean Noël Lago Léo a mercredi demandé d’emblée « pardon » à la famille du défunt et a avoué avoir tué la victime en lui tirant dessus à la kalachnikov. L’exécution a eu lieu vers un village proche d’Abidjan, a-t-il raconté.
Le colonel-major avait été arrêté alors qu’il sortait du Golf Hôtel, à l’époque quartier général du président élu Alassane Ouattara – dont il était proche – dans son bras-de-fer avec le chef de l’Etat sortant Laurent Gbagbo, qui refusait de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010. La crise, conclue en avril 2011, a fait quelque 3.000 morts.
Le premier accusé entendu, le sergent Noël Toualy, a reconnu avoir arrêté le gradé à un barrage situé près du « Golf » et affirmé l’avoir conduit jusqu’à certains de ses supérieurs.
L’audience, au palais de justice du Plateau (centre) placé sous bonne garde, avait commencé par le rejet par le tribunal des exceptions en annulation introduites à l’ouverture du procès par la défense, qui reproche au procureur militaire d’avoir endossé une instruction menée par un magistrat civil.
Interrompu en fin de journée, le procès doit reprendre jeudi.
Au total, selon le parquet militaire, une quarantaine de militaires pro-Gbagbo doivent être jugés dans une série de procès, notamment pour meurtres.
Le général Dogbo Blé est inculpé de génocide et d’autres crimes commis durant la crise post-électorale.
Ex-chefs rebelles consacrés
Il est aussi, avec deux autres officiers, inculpé de complicité d’assassinat du général Robert Gueï, ex-chef de la junte tué le 19 septembre 2002, jour d’un coup d’Etat raté contre M. Gbagbo qui a été suivi de la prise du nord du pays par une rébellion.
L’ex-chef de la sécurité rapprochée de l’ancienne Première dame Simone Gbagbo, le commandant Anselme Séka Yapo, dit « Séka Séka », a été inculpé de l’assassinat du général Gueï.
Ce premier grand procès survient dans un climat de tension inédit depuis la fin de la crise, après une vague d’attaques meurtrières contre l’armée depuis août. Imputées par le pouvoir à des partisans de l’ex-président, ce que le camp Gbagbo récuse, elles ont été suivies d’arrestations de figures de l’opposition.
Le porte-parole en exil de l’ex-président, Justin Koné Katinan, a été arrêté au Ghana, où il est visé par une procédure d’extradition.
Le régime Ouattara est régulièrement accusé ou soupçonné de pratiquer une « justice des vainqueurs »: aucune figure de son camp n’a été pour l’instant inquiétée pour des crimes commis durant la crise.
A l’inverse, les principales figures de l’ex-rébellion qui ont contribué à sa victoire militaire sont devenues des cadres de l’armée. Nouvelle consécration: trois ex-chefs rebelles viennent d’être nommés préfets dans des régions sensibles.
Soupçonné par la Cour pénale internationale (CPI) d’être « coauteur indirect » de crimes contre l’humanité, Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril 2011 à Abidjan, est détenu depuis fin 2011 à La Haye.
Une vingtaine de personnalités de l’ancien régime, dont Mme Gbagbo, et des dizaines d’autres personnes de leur bord sont détenues en Côte d’Ivoire.
AFP