Quatre personnes ont été tuées mardi matin selon la police dans de nouveaux affrontements à caractère tribal dans le district rural de Tana River, dans le sud-est du Kenya, où des violences entre deux communautés rivales ont fait plus de 100 morts depuis la mi-août.
Lundi, au moins 38 personnes, dont neuf policiers, avaient été tuées dans l’attaque d’un village par plus de 300 hommes armés.
La Croix-Rouge kényane (KRC) a indiqué mardi avoir constaté de nouvelles attaques mardi matin « touchant les villages de Semikaro, Laini, Nduru et Shirikisho », dans lesquels 246 maisons ont été incendiées, faisant de nombreux déplacés. Selon l’organisation, « la situation humanitaire devient de plus en plus terrible » dans la zone.
« Les quatre villages ont été totalement détruits par le feu. J’ai compté plus de 240 habitations rasées », a précisé à l’AFP Caleb Kilunde, un secouriste de la Croix-Rouge basé dans le district de Tana River.
Le chef de la police pour la province de la Côte, Aggrey Adoli, a affirmé en début d’après-midi que les forces de l’ordre avaient rétabli l’ordre.
« Nous avons réussi à maîtriser la situation et nos agents sont sur le terrain, à la poursuite des assaillants. Quatre personnes ont été tuées dans l’attaque de ce matin », a-t-il expliqué.
Les violences s’étaient poursuivi au cours de la matinée selon un policier sur place. Les assaillants « sont lourdement armés et tirent sur les gens de manière indiscriminée », avait-il expliqué sous le couvert de l’anonymat à l’AFP.
Au plus fort des attaques, « la police a été débordée et s’est repliée » en attendant des renforts, selon Caleb Kilunde qui a confirmé dans l’après-midi que le calme était revenu dans la zone.
Une source policière sur place a évalué à 200 le nombre d’assaillants et confirmé que la police s’était retrouvée en infériorité numérique, malgré l’annonce lundi par le président kényan Mwai Kibaki de l’envoi de renforts policiers, en plus de l’annonce d’un couvre-feu.
Le district de Tana River est depuis de nombreuses années le théâtre d’affrontements récurrents entre communautés rivales orma – essentiellement des éleveurs nomades – et pokomo – surtout composée d’agriculteurs sédentaires. Un cycle de violences particulièrement meurtrières y a fait plus de 100 morts depuis mi-août.
Dans la nuit du 21 au 22 août, au moins 52 personnes y ont été tuées dans l’attaque par des pokomo de plusieurs hameaux orma, la pire tuerie de ces dernières années au Kenya. Selon un député local, cette attaque était le paroxysme d’une série de violences commencées dix jours auparavant.
Le préfet de la province de la Côte Samuel Kilele n’avait pas exclu lundi un futur déploiement de l’armée dans la zone. « Si ça continue comme cela, il faudra déployer l’armée, car le conflit est grave », a-t-il déclaré.
La presse kényane critiquait mardi l’incapacité des forces de l’ordre à mettre fin au carnage et l’apparente impunité dont semblent jouir les assaillants.
Les deux communautés, installées le long de la rivière Tana, se sont déjà violemment affrontées dans le passé sur des questions d’accès à la terre et aux points d’eau. En 2001, des affrontements avaient fait plus de 130 morts.
Mais selon des observateurs la violence actuelle se double désormais de motivations politiques, alimentées par des hommes politiques locaux.
« L’approche des élections générales (prévues en mars 2013) était citée hier (lundi) parmi les raisons de l’intensification des attaques entre pokomo et orma », rapportait mardi le quotidien Daily Nation.
Un villageois, Ahadi Gonchoro, 68 ans, cité par le Nation, affirme que les dernières attaques « n’ont plus rien à voir avec les pâturages ou
l’accès à l’eau ».
L’ampleur du massacre d’août avait choqué au Kenya mais cache des violences régulières à plus petite échelle à travers le pays, souvent passées sous silence.
Fin août, le secrétaire général de la Croix-Rouge kényane expliquait que plus de 200 personnes avaient été tuées dans des affrontements inter-ethniques, répondant selon lui aux schémas de précédentes violences politiques au Kenya.
Le pays doit élire en mars 2013 le successeur du président Kibaki, dont la réélection contestée fin 2007 avait déclenché plusieurs semaines de violences qui ont dégénéré en affrontements ethniques, faisant plus de 1.000 morts.
AFP