samedi, décembre 21, 2024
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Au Maroc, Manuel Valls n'est plus en odeur de sainteté

Au Maroc, Manuel Valls n'est plus en odeur de sainteté

A la veille du ramadan  et en une phrase invitant les musulmans à construire un Islam de France indépendant de toute tutelle étrangère, Manuel Valls  a mis un terme à la lune de miel qu’il entretenait avec Rabat.

«Je sais les liens qui existent entre de nombreux musulmans, souvent étrangers ou récemment naturalisés, avec leur pays d’origine. Mais notre responsabilité, c’est de progressivement construire un islam de France, un islam qui trouve pleinement ses racines dans notre pays» a-t-il déclaré lors de l’inauguration de la Grande mosquée de Cergy.

D’un coût total de 3,75 millions d’euros, cette mosquée de 2.000 mètres carrés, qui peut accueillir jusqu’à 1.500 fidèles, a été financée, en fonds propres, par un rassemblement entre dix associations musulmanes de la ville.

Elles ont toutefois bénéficié du soutien de la ville de Cergy, qui a garanti, à hauteur de 50%, l’emprunt de 2,2 millions d’euros souscrit et a consenti un bail emphytéotique de 99 ans sur le terrain qui accueille l’édifice.

Un montage pris pour modèle par le ministre, qui milite pour l’affranchissement des lieux de culte musulmans de l’emprise financière et politique de certains pays, dont principalement le Maroc  et l’Algérie.

Dans les petits papiers du roi

Manuel Valls était jusqu’ici dans les petits papiers de Mohammed VI. Il avait été décoré, en juin 2011, du Wissam alaouite, la Légion d’honneur marocaine en reconnaissance de son «action pour l’intégration de ses administrés marocains et son engagement connu de tous pour la promotion d’un nouveau vivre-ensemble porteur de beaucoup d’espoirs», selon El Mostafa Sahel, alors ambassadeur du Maroc en France.

La presse officielle du Royaume n’avait pas tari d’éloges pour le député-maire d’Evry qu’il était encore à ce moment-là. Evry, une ville dont la mosquée, une des plus imposantes de France avait reçu, dès 1990, date de son édification, de substentielles donations de la part d’une fondation royale.  

C’était l’époque où Hassan II, père de Mohammed VI,  affirmait clairement son opposition au principe de l’intégration de ses sujets dans la société des pays d’accueil.

En clair, pour lui, un Marocain intégré est un Marocain perdu pour le royaume.

A deux reprises, il avait demandé à l’Elysée de construire à Paris une grande mosquée de cinq mille places.

Son argument s’appuyait sur des raisons sécuritaires, l’Europe découvrait l’islamisme radical des banlieues. La proposition du souverain marocain avait été accueillie avec une réserve polie.

Finalement, la Fondation Hassan II pour les Marocains à l’étranger financera, malgré tout, la construction de la mosquée d’Evry.

Même s’il a revu à la baisse les ambitions de la fondation de son père, l’actuel roi du Maroc dépense sans compter pour édifier des mosquées en France. Une stratégie menée par Mohammed VI, dans la continuité de celle de Hassan II, pour mieux contrôler ses ouailles  hors du royaume. 
 

Guerre de sécession à l’UOIF

Claude Guéant, ancien ministre de l’Intérieur, avait lancé, début 2012, une réforme des statuts duConseil français du culte musulman  (CFCM), prévoyant notamment une modification de la présidence de cette instance traversée par les dissensions internes.
Déjà en 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, espérait faire de cette instance l’incarnation d’un nouvel islam de France, qui aurait été l’interlocuteur unique des fidèles musulmans avec les pouvoirs publics. Avant lui, Jean-Pierre Chevènement s’était attelé à la tâche, sans succès.
La réflexion sur cette réforme est aujourd’hui dans l’impasse, la représentativité du CFCM étant mise en cause au sein de la communauté musulmane, alors que l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans, a décidé de quitter l’instance en 2011, provoquant une série de remous.
Manuel Valls semble aujourd’hui décidé à reprendre le flambeau de ses prédécesseurs et faire aboutir cette réforme, véritable serpent de mer de la politique française. 

«Un cadre existe. Il est sans doute imparfait. Il mérite peut-être d’évoluer. Ce cadre doit être exclusivement réservé aux questions liées au culte», a estimé le ministre, invitant à suivre l’ex
emple de la mosquée de Cergy.

De quoi irriter le Palais de Rabat, déjà critiqué pour avoir honoré un socialiste accusé par l’opinion publique marocaine de diaboliser les musulmans de France.
Ali Amar 
SLATE AFRIQUE 

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