Loin des fastes d’autrefois pour le repas de rupture du jeûne de ramadan, les musulmans soudanais devront se contenter de peu dans leurs assiettes après des mois de crises et d’inflation des prix des denrées alimentaires de base.
Faisant ses courses sur un marché d’Omdurman, grande ville soudanaise sise en face de Khartoum sur le Nil, Essam Omar, 48 ans, reconnaît que « le repas d’iftar est cette année très pauvre comparé aux années passées ».
Aussi rencontrée sur ce marché, Amal Omar raconte, elle, que faute d’argent, sa famille se passera cette année d’hilumur, cette boisson traditionnelle pour le mois de ramadan faite de sorgho.
« Et la viande et les sucreries vont disparaître de notre menu de ramadan », dit cette mère de cinq enfants.
Le mois de jeûne de ramadan a commencé vendredi pour les musulmans du Soudan. Ils doivent se priver de boire, manger, fumer et avoir des relations sexuelles du lever jusqu’au coucher du soleil. Ils peuvent ensuite se délecter des mets d’habitude variés et particuliers pour ce mois sacré, servis lors du repas vespéral de rupture de jeûne, connu sous le nom d’iftar.
« Nous luttons pour nourrir nos enfants », déclare Daoud Osmane, 48 ans, ajoutant que sa famille n’aura droit à de la viande que deux fois au cours de ce mois.
La situation est plus difficile durant le ramadan parce que les familles dépensent plus, explique-t-il sur un marché où les vendeurs se plaignent du peu d’acheteurs.
Les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 37% sur un an au Soudan, selon des chiffres de la Banque mondiale. Et l’inflation a atteint encore 10% en juin par rapport au mois dernier.
Le prix du boeuf a ainsi plus que doublé pour passer à 7,4 dollars le kilo, une somme énorme dans un pays où près d’un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU.
Même le prix du « foul », un plat composé en général de fèves et pois chiches, et considéré comme le met du pauvre dans le monde arabe, a augmenté de deux livres soudanaises pour atteindre 4 ou cinq livres (environ un dollar).
Cette hausse des prix a poussé le mois dernier les étudiants de Khartoum à descendre protester dans les rues de la capitale.
Après l’annonce de mesures d’austérité par le gouvernement, incluant une hausse des taxes et du prix de l’essence, les protestations se sont répandues à Khartoum et ailleurs au Soudan pour réclamer la chute du président Omar el-Béchir, dans la foulée du Printemps arabe.
Le Soudan fait face à une équation difficile depuis l’indépendance en juillet 2011 du Soudan du Sud, une région qui recelait environ 75% de la production de brut soudanais.
Ce pays de 30 millions d’habitants a depuis perdu des milliards de dollars en revenus pétroliers, selon le ministre des Finances Ali Mahmoud al-Rassoul, ce qui a provoqué une chute de sa devise et une pénurie de dollars pour régler les importations.
« Nous souffrons plus pendant le ramadan parce que notre consommation de certains produits comme le sucre est plus importante et que son prix a augmenté », dit Saleh Mohammed, un fonctionnaire de 58 ans.
Soumaya Ahmed confie de son côté qu’il n’y aura cette année pour l’iftar que du « foul » et de « l’assida », un plat à base de sorgho.
« Et nous aurons droit à une salade mais sans tomates cette année, car leur prix est trop élevé », dit-elle.
AFP