Le président français François Hollande et le chef du gouvernement italien Mario Monti sont tombés d’accord jeudi à Rome sur la nécessité de renforcer, dès le Conseil européen prévu pour la fin du mois, les moyens de l’UE afin d’enrayer la crise de la zone euro.
A l’issue d’un entretien de deux heures et demie, M. Monti a souligné la « très forte convergence de vues » entre les deux pays, au cours d’une conférence de presse donnée à ciel ouvert dans la cour du Palais Chigi.
Jugeant « très positivement » tout ce qui avait été fait jusqu’à présent, dont le plan d’aide aux banques espagnoles, il a souligné que cela n’était « pas suffisant » pour « mettre l’euro à l’abri des turbulences des marchés » et qu’il était nécessaire de « renforcer les points actuellement faibles du système ».
Les deux dirigeants partagent l’idée de porter « une plus grande attention à la croissance », « ce qui ne signifie pas l’abandon ou une attention mineure à la discipline budgétaire », a insisté l’ancien commissaire européen.
M. Hollande a abondé dans son sens et indiqué avoir adressé au président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy, un document en vue de préparer le sommet européen des 28 et 28 juin à Bruxelles.
Cette « feuille de route » recense les trois « principes » que la France entend défendre : relance de la « croissance », accroissement de la « stabilité financière » et « renforcement de l’Union économique et monétaire », « de façon à ce que la spéculation soit découragée », a dit le président français, affirmant qu’il ne se satisferait pas de « demi-mesures ».
M. Monti a souligné avoir discuté avec M. Hollande de « la dette souveraine » et des « instruments pour rétablir la confiance concernant les pays les plus exposés ».
Dans ce cadre, les deux dirigeants ont évoqué l' »émission commune de titres » obligataires à moyen terme, allusion aux euro-obligations auxquelles l’Allemagne est très rétive.
Selon une source diplomatique française, M. Hollande a également suggéré d’étendre les compétences du futur Mécanisme européen de stabilité (MES) ou de lui accorder une « licence bancaire », afin de lui permettre de recapitaliser les banques en difficulté. « Il faut séparer le risque souverain du risque bancaire », a-t-elle commenté, « ça peut se faire d’ici à la fin de l’été ».
Grèce : « au peuple de décider »
A trois jours des élections en Grèce, cruciales pour le maintien de ce pays dans l’euro, les deux dirigeants ont par ailleurs réaffirmé leur « souhait » qu’Athènes « reste dans l’euro et respecte ses engagements », a déclaré M. Monti.
M. Hollande a dit « partager complètement » cette opinion, mais en soulignant que la Grèce était « un pays souverain, c’est au peuple de décider ».
La rencontre entre les deux hommes avait pour objectif de préparer un sommet à quatre -auquel se joindront les dirigeants allemand et espagnol, Angela Merkel et Mariano Rajoy- le 22 juin à Rome, lui-même prélude au sommet européen des 28 et 29 juin.
« Le but, c’est d’arriver à une contribution à quatre sur une position commune », a-t-on espéré côté français.
Sur les marchés, la journée a été marquée par un bond du taux à 10 ans appliqué à l’Espagne, qui a frôlé les 7%, son plus haut depuis la création de la zone euro et un niveau jugé insoutenable sur le long terme. Il faut dire qu’après Fitch, l’agence Moody’s a abaissé mercredi soir la note de l’Espagne de trois crans, à « Baa3 », juste au-dessus de la catégorie « spéculative ».
L’Italie a également vu bondir ses taux au cours d’une émission obligataire à moyen et long termes.
Les Bourses européennes ont terminé de leur côté en ordre dispersé, dans l’attente des élections grecques. A la clôture, Paris était quasiment à l’équilibre (+0,0
8%) tandis que Londres perdait 0,31% et Francfort 0,23%. Milan gagnait 1,47% et Madrid 1,22%.
La nervosité des marchés s’accentue au moment où les investisseurs se focalisent sur l’avenir de la zone euro, à l’approche d’un G20 au Mexique, dont la crise de la dette « sera le thème central », a souligné Angela Merkel.
Pressée de toutes parts d’en faire plus pour endiguer la crise, la chancelière allemande a mis en garde contre la tentation de faire reposer le sauvetage de la zone euro sur les seules épaules de son pays et, surtout, a souligné qu’elle ne se satisferait pas de « solutions de facilité ».
Le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault lui a répondu du tac-au-tac en l’invitant à ne pas « se laisser aller à des formules simplistes ». En coulisses, l’entourage de François Hollande a tenu à apaiser ces tensions.
« Il y a des formules, des agendas (de politique intérieure), mais ça ne sert à rien de surinterpréter », a-t-on indiqué, « il y a une vraie convergence avec les Allemands, ils sont d’accord pour parvenir à un accord et à des résultats ambitieux fin juin à Bruxelles ».
Alors que le nouveau pouvoir socialiste français inquiète quelque peu Berlin – le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a vertement critiqué l’assouplissement de la réforme des retraites décidée en France -, le président du Conseil italien croule sous les louanges venant d’outre-Rhin.
Chargé de prononcer son éloge à Berlin, où Mario Monti recevait un prix, M. Schäuble a jugé qu’il était « le bon dirigeant, au bon endroit, au bon moment ».
AFP