
« Le deuxième congrès des partisans de la charia se tient cette année dans une ville qui a une très forte symbolique historique et religieuse, et réunit tous les frères qui ont pour objectif de faire appliquer la charia de Dieu dans notre pays », indiquait le magazine « La promesse », distribué à l’entrée.
Une gigantesque banderole à l’effigie du mouvement a été déroulée sur le minaret de la célèbre mosquée, la plus vieille d’Afrique, et des salafistes montés sur les murs d’enceinte agitaient au vent des drapeaux noirs de l’islam, sur fond de chants religieux et démonstration d’arts martiaux, pour un spectacle rôdé et destiné à impressionner.
Des consignes très strictes ont été distribuées aux participants: ne faire « aucune déclaration » aux journalistes, tolérés mais sous surveillance serrée des organisateurs, « rester calme », se comporter avec justice et mesure y compris avec les « mécréants », « ne pas crier de slogans ».

« Ce rassemblement nous donne espoir, la révolution a été faite pour que la charia soit appliquée », a lancé à la tribune Ridha Bel Haj, leader du parti non légalisé Hizb Ettahrir.
« Chaque musulman est un jihadiste, le jihad est une obligation », a lancé un autre orateur, un cheikh du nom de Mokhtar Jibali.
Le leader d’Ansar Al Charia, Seif Allah Ben Hassine, alias Abu Yiadh, un ancien jihadiste inscrit en 2002 sur une liste de l’Onu des personnes ou groupes liés à Al-Qaïda, amnistié après la chute de Ben Ali, devait également s’exprimer.
Quelques touristes interloqués se sont retrouvés spectateurs du rassemblement salafiste, et ont rapidement déserté la mosquée et la médina. La plupart des commerçants de leur côté restaient muets. A l’abri des oreilles des salafistes, certains s’énervaient toutefois: « ils nous ruinent notre commerce », marmonnait un marchand.
« C’est eux qui se sont invités, ce n’est pas Kairouan qui les a conviés », murmurait un autre.
Dans la courette de leur maison mitoyenne de la mosquée, un groupe de femmes s’exprimait plus librement. « Franchement, ma première réaction en les voyant a été la peur. Je ne sais pas si cela portera bonheur ou malheur à la Tunisie, mais je crains une deuxième révolution religieuse », a expliqué Ouided, une mère de famille entourée de ses enfants.
« Ce qu’ils racontent, c’est du blabla. Et l’Etat est bien trop tolérant avec ces gens là », a lancé une autre fille.
La mouvance salafiste se partage entre les piétistes, qui ne se mêlent pas de politique, les politiques et les jihadistes, pour qui la violence est légitime pour imposer la religion.
Les salafistes et sympathisants en Tunisie sont estimés par des chercheurs à une petite dizaine de milliers.
AFP