
Beaucoup sont venus en famille de petites localités à travers le gouvernorat de Charquiya, dans des bus affrétés par la confrérie et sur lesquels a été collé le visage bonhomme de M. Morsi, lunettes fines et barbe courte.
Originaire de la région, dont il a gardé un léger accent, le président du Parti de la liberté et de la justice (PLJ, issu des Frères musulmans) est en terrain conquis avant la présidentielle, dont le premier tour est prévu les 23 et 24 mai.
« Morsi président! » crie la foule, motivée par un chauffeur de salle. Une énorme banderole est déployée sur la tribune avec le slogan officiel de la campagne des Frères: « La renaissance. La volonté d’un peuple ».
C’est aussi le nom du programme mis au point par Khairat al-Chater, qui devait représenter la confrérie à la présidentielle, pour un « projet de réforme global ».
« Le programme de la renaissance n’est pas lié à une personne, il est pour la nation entière », martèle au micro Mohammed Wahdane, un responsable de la confrérie. « On a demandé au Dr Morsi de se présenter alors qu’il n’en avait pas le désir », ajoute-t-il.

La confrérie semble vouloir faire un atout de cet incident de parcours, en présentant M. Morsi comme un homme ne recherchant pas le pouvoir mais se sacrifiant pour la cause.
Sous les acclamations, ce dernier rend d’abord hommage aux membres des Frères musulmans « qui se sont sacrifiés, ont sacrifié leurs enfants et leur argent et grâce à qui nous sommes ici » aujourd’hui.
Fondés en 1928, interdits en 1954, les Frères musulmans étaient tolérés sous Hosni Moubarak mais faisaient régulièrement l’objet de campagnes d’arrestation, et nombreux sont leurs membres à avoir purgé des peines de prison.
« Nous ne voulons rien de ce monde. Nous ne voulons que le bien de ce pays », dit M. Morsi, qui passe ensuite un long moment à évoquer les problèmes locaux, comme le ramassage des déchets, en fustigeant au passage « le criminel Moubarak et son gang ».
« Nous les paysans, nous n’arrivons pas à faire ramasser nos déchets (…). Nous n’arrivons pas à faire de pain. Il n’y en a pas, et quand il y en a, il est immangeable », accuse-t-il.
« Les ressources sont nombreuses mais gaspillées », ajoute-t-il, avant de terminer sur une prière demandant à Dieu d’unifier « les Egyptiens, musulmans et chrétiens, hommes, femmes, enfants et vieillards » et de l’aider à faire de l’Egypte « un pays respecté par le monde et envoyant un message de paix ».

« Le Dr Morsi a derrière lui une large base qui le soutient. Les Frères ne veulent pas de poste, ils ne veulent que l’intérêt de l’Egypte », renchérit Sami Othmane, un comptable.
Seule voix dissonante, Samir el-Hanafi, un étudiant en journalisme de 24 ans, sourit d’un air goguenard.
« Je suis venu voir s’il allait me convaincre. C’est raté », dit-il. « Les Frères n’ont aucun principe, il seront un second PND », poursuit-il en allusion au parti hégémonique de M. Moubarak, aujourd’hui dissous.
Le jeune homme milite pour Abdelmoneim Aboul Foutouh, un ancien dirigeant des Frères musulmans exclu après avoir annoncé son intention de se présenter à la présidence, à l’époque où la confrérie assurait qu’elle ne participerait pas au scrutin.