Le volcan sahélien en éveil
Un signe qui ne trompe pas : les chefs d’Etat du Sahel étaient absents du Sommet de l’UA en janvier dernier à Addis-Abeba: une Assemblée Générale ordinaire mais corsée par l’élection houleuse du Secrétaire Général de la Commission. Amadou Toumani Touré (ATT), Mahamadou Issoufou et Mohamed Ould Abdel Aziz respectivement présidents de la République du Mali, du Niger et de la Mauritanie n’avaient pas fait le déplacement. Et pour cause : le désert de Sahara est en ébullition.
Depuis quelques années déjà, cette vaste région désertique est devenue un terrain de jeu pour les trafiquants de tout poil. Elle a d’abord eu une réputation sulfureuse de zone de rebond des narcotrafiquants sud-américains, voulant éviter les gardes-côtes espagnols et portugais, pour abreuver le marché européen. Ensuite, on a assisté également à la montée d’actes terroristes, d’enlèvements d’occidentaux. Cette recrudescence coïncide avec la résurgence d’un groupe se revendiquant d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Ainsi lorsqu’à la fin de l’année 2011, des hommes armés ont attaqué une garnison militaire à Inhalill dans la région de Kidal au Nord-Est du Mali, les soupçons se sont tout de suite portés vers AQMI.
Mais la succession d’attaques de plusieurs casernes de la partie septentrionale du pays, depuis le début de l’année, ne laisse aucun doute. Comme un volcan en sommeil, les revendications et les velléités d’autonomie touarègues resurgissent. Elles jouissent d’un terreau favorable. D’abord, l’arsenal libyen, éventré lors de la révolution qui a permis la chute de Kadhafi, se déverse aujourd’hui sur toute la bande du Sahel. Ensuite, les contingents noirs de l’armée libyenne et mercenaires à la solde du colonel Mouammar Kadhafi se sont repliés vers leur terre d’origine en emportant des munitions, des lance-roquettes et des missiles sol-air… Bref, de quoi faire trembler les gouvernements des pays du sahel. Rien qu’au Mali, ces ex-combattants seraient aujourd’hui entre 2 et 4.000 !
Affrontement entre l’armée malienne et le MNLA
Les agressions entre l’armée malienne et Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) perdurent dans la partie Nord-Est du pays. Le MNLA a obtenu un renfort de taille avec le ralliement du mouvement Touareg du Nord-Mali de Ibrahim Ag Bahanga, le chef de la rébellion en 2006 décédé fin août 2011. Leur revendication est simple : l’indépendance de la partie septentrionale du pays qu’ils considèrent comme étant leur berceau.
Tessalit puis Ménaka sont le théâtre de combat entre les deux adversaires. L’armée régulière, prise au dépourvu au début du conflit, semble se ressaisir. En effet, à la fin du mois de janvier, les épouses de militaires ont manifesté, un peu partout dans le pays, pour faire part de leur mécontentement. Elles ont été finalement reçues par le président de la République lui-même. Au cours d’une entrevue agitée, des voix se sont élevées pour reprocher aux autorités militaires d’avoir envoyés leur mari au casse-pipe. Nombre d’entre eux, ont préféré déserter vers les pays frontaliers de peur de subir le même sort que leurs coreligionnaires. Faits prisonniers par les rebelles, ils auraient été passés par les armes sans autre forme de procès.
L’armée malienne semble maintenant avoir la situation en main. Elle est en train de déployer une base logistique dans le camp militaire d’Amachach. D’autant plus, qu’il semble recevoir un appui aérien composé d’avions de chasse et d’hélicoptères. Cette escalade de violences fut la cause de lourdes pertes dans les deux camps vers la mi-février ; sans compter les victimes civiles prises en deux feux !
Les conséquences internes
La rue malienne reproche au gouvernement son laxisme. La débandade de l’armée malienne face à un groupe rebelle est perçue par l’opinion comme une humiliation. Les maliens ne comprennent pas pourquoi les autorités ne réagissent pas face à l’exode de milliers de réfugiés. A ce jour, pas moins de 30.000 ressortissants maliens, fuyant les zones de conflit, ont traversé les frontières pour se réfugier dans les pays limitrophes comme l’Algérie, le Niger ou encore la Mauritanie. Les pogroms contre les touaregs sont apparus dans les grandes villes du Sud-malien. Quelques individus sont allés jusqu’à brûler des commerces tenus par les touaregs ou les maures.
Le président Amadou Toumani Touré (ATT) appelle la population au calme et à ne pas confondre les rebelles du Nord aux compatriotes qui vivent paisiblement sur le territoire. Aurait-il pensé qu’une crise insurrectionnelle touareg lui échoira avant la fin de son mandat ? Tous les chefs d’Etat de la bordure du Sahel redoutaient la flambée de violence provoquée par la chute du colonel Mouammar Kadhafi. Déjà qu’ils avaient forte à faire avec les groupes terroristes se revendiquant d’AQMI et les prises d’otages occidentaux. Une coordination entre l’armée malienne et mauritanienne a montré que la lutte contre le terrorisme faisait partie des priorités des gouvernements de la région sahélo-sahariens. Maintenant, il semblerait que les intérêts des touaregs et d’AQMI convergent. Une attaque d’une caserne en construction du côté d’Abeïbara (Nord-Est) le mois d’octobre dernier serait une signature probable des hommes d’AQMI.
Est-ce-que cette crise aura une incidence sur le calendrier électoral ? ATT achève en principe son mandat au mois d’avril prochain. Compte tenu des circonstances exceptionnelles, le parlement ne votera-t-il pas une prolongation du mandat du président de la République ? Ce qui provoquera, de facto, le report des élections présidentielles
Les impacts régionaux et internationaux
Les catastrophes humanitaires qui se profilent inquiètent tous les pays du Sahel et même la CEDEAO. Comment le Niger, la Mauritanie ou le Burkina-Faso pourront-ils absorber un flux de 30.000 déplacés ?
Les observateurs appréhendent surtout l’extension de ce conflit sur le Niger. Une offensive de l’armée malienne pour repousser les hommes du MNLA, amènera ces derniers à se replier derrière les frontières nigériennes et s’en servir comme base arrière.
L’Algérie regarde la situation avec une inquiétude non-dissimulée. Depuis l’avènement d’AQMI, le tourisme dans le Hoggar s’est révélé désastreux. Le traumatisme du rapt de 32 touristes dans le Sahara algérien en 2003 reste encore gravé dans l’inconscient collectif. Si les coups de main d’AQMI s’étendent vers le Nord algérien, une région pétrolifère, les autorités algériennes militariseront leurs frontières méridionales. De leur point de vue, les revendications touarègues qui sont de nature politique et socioéconomique devraient être dissociées du terrorisme. Mais le nerf de la guerre risque de faire converger les intérêts des deux camps : AQMI et les mouvements rebelles. Car ils ont chacun besoin d’argent pour continuer leur lutte. Et une capillarité entre les organisations n’est pas du tout à exclure.
La France, ancienne puissance coloniale a envoyé son ministre de la Coopération Henri de Raincourt dans la région : d’abord le Mali, ensuite le Niger et enfin la Mauritanie. Ses propos lénifiant sur le soutien au gouverne
ment malien n’a pas soulevé un grand espoir à Bamako. « L’unité, l’intégrité, les institutions du Mali doivent être préservées… La France est aux côtés du Mali pour trouver des solutions qui permettront de sortir de la crise » a-t-il déclaré. Nul n’a oublié le passage express du président Nicolas Sarkozy, entre deux voyages à Libreville et Kigali en février 2010. Il a débarqué au palais de Koulouba à une heure tardive pour forcer la main d’ATT. Le « deal » de l’époque : libérer l’otage français Pierre Camatte détenu par AQMI contre la libération de terroristes qui croupissaient dans les geôles maliennes. Ce qui a valu au Président malien un tombereau de reproches de la part des chefs d’Etat voisin qui luttent de concert contre l’insécurité et le terrorisme. Henri de Raincourt prône un dialogue avec un préalable : un cessez-le feu ! Le Mali a surtout besoin d’une aide militaire pour arriver à bout de cette rébellion et se méfie de la position française depuis qu’une délégation du MNLA a été reçue discrètement au Quai d’Orsay en 2011. La France redoute une flambée de violence dans cette région. Elle a encore cinq de ses ressortissants qui sont pris en otage au Niger voisin. Sans parler de son approvisionnement en uranium à Arlit !
Encadré
L’épineux problème touareg
Le Sahel est la lisière du désert de Sahara. Il délimite géographiquement les pays arabes du Nord des Etats subsahariens. D’apparence inhospitalière, cette immense langue de terre héberge en fait des peuplades depuis des siècles. Ce sont les touaregs qui vivent dans ce milieu minéral, qui connaissent tous les recoins et les points d’eau. Le découpage au cordeau des frontières par les puissances coloniales à la fin du 19ème siècle n’a fait que compliquer le problème. Ce sont des populations nomades ou qui ont l’habitude de commercer avec les arabes. Le fait de les avoir rattachés aux Etats et sédentarisés au moment de l’indépendance provoque sporadiquement des velléités d’autonomie. Au Mali, la majeure partie de la population noire se concentre au Sud du pays sur des terres arables ; tandis que la minorité touarègue occupe et revendique les deux-tiers Nord, un territoire quasi-désertique. Ce qui est ressenti comme une discrimination du pouvoir central à leur égard. Le cas du Niger est strictement pareil : les Djerma-Shongaï se concentrent à l’Ouest ; tandis que les Haoussas occupent le Centre et l’Est. Et les 10% de touaregs nigériens s’étalent sur plus de 75% du territoire.
Dès le lendemain des indépendances des mouvements insurrectionnels touaregs, réclamant davantage d’autonomie et d’indépendance, ont germé et éclaté au Mali et au Niger. Ils ont été étouffés dans la violence. Comme dans un système de vase communicant, en cas de sécheresse aggravée dans un pays, un exode massif d’hommes bleus se forme pour passer dans les pays voisins. De même que les rebelles peuvent passer allégrement les frontières pour se réfugier dans le Nord (Algérie, Libye, Mauritanie) qui leur servent de base de repli.
Depuis maintenant 50 ans, le problème reste insoluble. Pourtant les touaregs ont revu leur position ; ils ne contestent plus la souveraineté du Mali ou du Niger mais souhaitent une certaine autonomie par l’instauration d’Etats fédéraux. Après chaque mouvement insurrectionnel, des accords furent signés entre le gouvernement malien et les mouvements rebelles comme ce fut le cas à Tamanrasset en 1991 et à Alger en 2006. Ils portent systématiquement sur la restauration de la paix et le développement des régions occupées par les touaregs. Une mauvaise volonté et un climat de suspicion ont toujours mis en doute la sincérité et l’application de ces accords. Des maliens contestent mezza-voce lesdits accords arguant un effritement de la souveraineté nationale. Le soulèvement actuel est déjà prévisible depuis des années car les solutions socioéconomiques durables n’ont jamais été mises en pratique. Il a été précipité par la révolution libyenne et la chute du colonel Kadhafi. Chaque gouvernement en place ne fait que repousser dans le temps le problème touareg.
Un signe qui ne trompe pas : les chefs d’Etat du Sahel étaient absents du Sommet de l’UA en janvier dernier à Addis-Abeba: une Assemblée Générale ordinaire mais corsée par l’élection houleuse du Secrétaire Général de la Commission. Amadou Toumani Touré (ATT), Mahamadou Issoufou et Mohamed Ould Abdel Aziz respectivement présidents de la République du Mali, du Niger et de la Mauritanie n’avaient pas fait le déplacement. Et pour cause : le désert de Sahara est en ébullition.
Depuis quelques années déjà, cette vaste région désertique est devenue un terrain de jeu pour les trafiquants de tout poil. Elle a d’abord eu une réputation sulfureuse de zone de rebond des narcotrafiquants sud-américains, voulant éviter les gardes-côtes espagnols et portugais, pour abreuver le marché européen. Ensuite, on a assisté également à la montée d’actes terroristes, d’enlèvements d’occidentaux. Cette recrudescence coïncide avec la résurgence d’un groupe se revendiquant d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Ainsi lorsqu’à la fin de l’année 2011, des hommes armés ont attaqué une garnison militaire à Inhalill dans la région de Kidal au Nord-Est du Mali, les soupçons se sont tout de suite portés vers AQMI.
Mais la succession d’attaques de plusieurs casernes de la partie septentrionale du pays, depuis le début de l’année, ne laisse aucun doute. Comme un volcan en sommeil, les revendications et les velléités d’autonomie touarègues resurgissent. Elles jouissent d’un terreau favorable. D’abord, l’arsenal libyen, éventré lors de la révolution qui a permis la chute de Kadhafi, se déverse aujourd’hui sur toute la bande du Sahel. Ensuite, les contingents noirs de l’armée libyenne et mercenaires à la solde du colonel Mouammar Kadhafi se sont repliés vers leur terre d’origine en emportant des munitions, des lance-roquettes et des missiles sol-air… Bref, de quoi faire trembler les gouvernements des pays du sahel. Rien qu’au Mali, ces ex-combattants seraient aujourd’hui entre 2 et 4.000 !
Affrontement entre l’armée malienne et le MNLA
Les agressions entre l’armée malienne et Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) perdurent dans la partie Nord-Est du pays. Le MNLA a obtenu un renfort de taille avec le ralliement du mouvement Touareg du Nord-Mali de Ibrahim Ag Bahanga, le chef de la rébellion en 2006 décédé fin août 2011. Leur revendication est simple : l’indépendance de la partie septentrionale du pays qu’ils considèrent comme étant leur berceau.
Tessalit puis Ménaka sont le théâtre de combat entre les deux adversaires. L’armée régulière, prise au dépourvu au début du conflit, semble se ressaisir. En effet, à la fin du mois de janvier, les épouses de militaires ont manifesté, un peu partout dans le pays, pour faire part de leur mécontentement. Elles ont été finalement reçues par le président de la République lui-même. Au cours d’une entrevue agitée, des voix se sont élevées pour reprocher aux autorités militaires d’avoir envoyés leur mari au casse-pipe. Nombre d’entre eux, ont préféré déserter vers les pays frontaliers de peur de subir le même sort que leurs coreligionnaires. Faits prisonniers par les rebelles, ils auraient été passés par les armes sans autre forme de procès.
L’armée malienne semble maintenant avoir la situation en main. Elle est en train de déployer une base logistique dans le camp militaire d’Amachach. D’autant plus, qu’il semble recevoir un appui aérien composé d’avions de chasse et d’hélicoptères. Cette escalade de violences fut la cause de lourdes pertes dans les deux camps vers la mi-février ; sans compter les victimes civiles prises en deux feux !
Les conséquences internes
La rue malienne reproche au gouvernement son laxisme. La débandade de l’armée malienne face à un groupe rebelle est perçue par l’opinion comme une humiliation. Les maliens ne comprennent pas pourquoi les autorités ne réagissent pas face à l’exode de milliers de réfugiés. A ce jour, pas moins de 30.000 ressortissants maliens, fuyant les zones de conflit, ont traversé les frontières pour se réfugier dans les pays limitrophes comme l’Algérie, le Niger ou encore la Mauritanie. Les pogroms contre les touaregs sont apparus dans les grandes villes du Sud-malien. Quelques individus sont allés jusqu’à brûler des commerces tenus par les touaregs ou les maures.
Le président Amadou Toumani Touré (ATT) appelle la population au calme et à ne pas confondre les rebelles du Nord aux compatriotes qui vivent paisiblement sur le territoire. Aurait-il pensé qu’une crise insurrectionnelle touareg lui échoira avant la fin de son mandat ? Tous les chefs d’Etat de la bordure du Sahel redoutaient la flambée de violence provoquée par la chute du colonel Mouammar Kadhafi. Déjà qu’ils avaient forte à faire avec les groupes terroristes se revendiquant d’AQMI et les prises d’otages occidentaux. Une coordination entre l’armée malienne et mauritanienne a montré que la lutte contre le terrorisme faisait partie des priorités des gouvernements de la région sahélo-sahariens. Maintenant, il semblerait que les intérêts des touaregs et d’AQMI convergent. Une attaque d’une caserne en construction du côté d’Abeïbara (Nord-Est) le mois d’octobre dernier serait une signature probable des hommes d’AQMI.
Est-ce-que cette crise aura une incidence sur le calendrier électoral ? ATT achève en principe son mandat au mois d’avril prochain. Compte tenu des circonstances exceptionnelles, le parlement ne votera-t-il pas une prolongation du mandat du président de la République ? Ce qui provoquera, de facto, le report des élections présidentielles
Les impacts régionaux et internationaux
Les catastrophes humanitaires qui se profilent inquiètent tous les pays du Sahel et même la CEDEAO. Comment le Niger, la Mauritanie ou le Burkina-Faso pourront-ils absorber un flux de 30.000 déplacés ?
Les observateurs appréhendent surtout l’extension de ce conflit sur le Niger. Une offensive de l’armée malienne pour repousser les hommes du MNLA, amènera ces derniers à se replier derrière les frontières nigériennes et s’en servir comme base arrière.
L’Algérie regarde la situation avec une inquiétude non-dissimulée. Depuis l’avènement d’AQMI, le tourisme dans le Hoggar s’est révélé désastreux. Le traumatisme du rapt de 32 touristes dans le Sahara algérien en 2003 reste encore gravé dans l’inconscient collectif. Si les coups de main d’AQMI s’étendent vers le Nord algérien, une région pétrolifère, les autorités algériennes militariseront leurs frontières méridionales. De leur point de vue, les revendications touarègues qui sont de nature politique et socioéconomique devraient être dissociées du terrorisme. Mais le nerf de la guerre risque de faire converger les intérêts des deux camps : AQMI et les mouvements rebelles. Car ils ont chacun besoin d’argent pour continuer leur lutte. Et une capillarité entre les organisations n’est pas du tout à exclure.
La France, ancienne puissance coloniale a envoyé son ministre de la Coopération Henri de Raincourt dans la région : d’abord le Mali, ensuite le Niger et enfin la Mauritanie. Ses propos lénifiant sur le soutien au gouverne
ment malien n’a pas soulevé un grand espoir à Bamako. « L’unité, l’intégrité, les institutions du Mali doivent être préservées… La France est aux côtés du Mali pour trouver des solutions qui permettront de sortir de la crise » a-t-il déclaré. Nul n’a oublié le passage express du président Nicolas Sarkozy, entre deux voyages à Libreville et Kigali en février 2010. Il a débarqué au palais de Koulouba à une heure tardive pour forcer la main d’ATT. Le « deal » de l’époque : libérer l’otage français Pierre Camatte détenu par AQMI contre la libération de terroristes qui croupissaient dans les geôles maliennes. Ce qui a valu au Président malien un tombereau de reproches de la part des chefs d’Etat voisin qui luttent de concert contre l’insécurité et le terrorisme. Henri de Raincourt prône un dialogue avec un préalable : un cessez-le feu ! Le Mali a surtout besoin d’une aide militaire pour arriver à bout de cette rébellion et se méfie de la position française depuis qu’une délégation du MNLA a été reçue discrètement au Quai d’Orsay en 2011. La France redoute une flambée de violence dans cette région. Elle a encore cinq de ses ressortissants qui sont pris en otage au Niger voisin. Sans parler de son approvisionnement en uranium à Arlit !
Encadré
L’épineux problème touareg
Le Sahel est la lisière du désert de Sahara. Il délimite géographiquement les pays arabes du Nord des Etats subsahariens. D’apparence inhospitalière, cette immense langue de terre héberge en fait des peuplades depuis des siècles. Ce sont les touaregs qui vivent dans ce milieu minéral, qui connaissent tous les recoins et les points d’eau. Le découpage au cordeau des frontières par les puissances coloniales à la fin du 19ème siècle n’a fait que compliquer le problème. Ce sont des populations nomades ou qui ont l’habitude de commercer avec les arabes. Le fait de les avoir rattachés aux Etats et sédentarisés au moment de l’indépendance provoque sporadiquement des velléités d’autonomie. Au Mali, la majeure partie de la population noire se concentre au Sud du pays sur des terres arables ; tandis que la minorité touarègue occupe et revendique les deux-tiers Nord, un territoire quasi-désertique. Ce qui est ressenti comme une discrimination du pouvoir central à leur égard. Le cas du Niger est strictement pareil : les Djerma-Shongaï se concentrent à l’Ouest ; tandis que les Haoussas occupent le Centre et l’Est. Et les 10% de touaregs nigériens s’étalent sur plus de 75% du territoire.
Dès le lendemain des indépendances des mouvements insurrectionnels touaregs, réclamant davantage d’autonomie et d’indépendance, ont germé et éclaté au Mali et au Niger. Ils ont été étouffés dans la violence. Comme dans un système de vase communicant, en cas de sécheresse aggravée dans un pays, un exode massif d’hommes bleus se forme pour passer dans les pays voisins. De même que les rebelles peuvent passer allégrement les frontières pour se réfugier dans le Nord (Algérie, Libye, Mauritanie) qui leur servent de base de repli.
Depuis maintenant 50 ans, le problème reste insoluble. Pourtant les touaregs ont revu leur position ; ils ne contestent plus la souveraineté du Mali ou du Niger mais souhaitent une certaine autonomie par l’instauration d’Etats fédéraux. Après chaque mouvement insurrectionnel, des accords furent signés entre le gouvernement malien et les mouvements rebelles comme ce fut le cas à Tamanrasset en 1991 et à Alger en 2006. Ils portent systématiquement sur la restauration de la paix et le développement des régions occupées par les touaregs. Une mauvaise volonté et un climat de suspicion ont toujours mis en doute la sincérité et l’application de ces accords. Des maliens contestent mezza-voce lesdits accords arguant un effritement de la souveraineté nationale. Le soulèvement actuel est déjà prévisible depuis des années car les solutions socioéconomiques durables n’ont jamais été mises en pratique. Il a été précipité par la révolution libyenne et la chute du colonel Kadhafi. Chaque gouvernement en place ne fait que repousser dans le temps le problème touareg.
ALEX ZAKA