Beyon Luc Adolphe Tiao : Pour calmer la situation, il fallait prendre des mesures sur plusieurs plans. D’abord sur le plan politique, il fallait rapidement renouer le dialogue avec les Burkinabè. Car, j’estime que l’une des raisons de la crise est due en grande partie à un manque de communication entre le pouvoir et les populations. Par conséquent, sous la conduite éclairée du président Blaise Compaoré le gouvernement s’est mis au travail pour renouer le dialogue avec toutes les couches sociales et les partis politiques. Ensuite sur le plan économique et social, j’ai dû prendre des mesures pour faire face à la vie chère. Notamment les denrées alimentaires ont été subventionnées pour être à la portée du citoyen lambda. C’est le cas du riz, de l’huile et d’autres produits. Mais également des mesures ont été prises pour l’augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Il y a eu la suppression d’une taxe sur la décentralisation qui a fait beaucoup de contestations et la baisse de l’impôt sur les salaires ayant contribué à réduire les charges des fonctionnaires. Au final, ce sont là les mesures et mes premiers chantiers pour ramener le calme au pays.
D.N : Où en êtes-vous avec le dialogue pour les réformes politiques ?
B.L.A.T : Le dialogue pour les réformes politiques est en marche. La semaine dernière nous avons réuni une commission consultative, chargée de réfléchir sur les réformes politiques nécessaires à apporter pour permettre au système politique burkinabè de mieux fonctionner. A faire de sorte à apporter beaucoup plus d’oxygène en essayant d’abord de voir quels types de propositions faut-il pour équilibrer le pouvoir, renforcer les institutions. De plus, il y a des débats sur la gouvernance, la politique économique.
D.N : Les partis politiques et des organisations de la société civile récusent le cadre du dialogue du Conseil consultatif sur les réformes politiques. Que comptez-vous faire pour les ramener à la table des négociations ?
B.L.A.T : C’est dommage. Une partie de la classe politique et de la société civile ne veut pas saisir cette opportunité pour débattre des problèmes du pays. Ce n’est pas responsable de laisser le débat se mener uniquement dans la presse. C’est pourtant l’objet de ce forum qui n’a pas pu réunir toute la classe politique. Ceci étant dit je pense que la majorité de la classe politique et des organisations de la société civile participe effectivement aux débats.
D.N : Justement dans le cadre du dialogue, allez-vous nommer des personnes indépendantes ?
B.L.A.T : Le dialogue va faire des propositions à l’issue desquelles nous prendrons des mesures. Toutefois, il y a des personnes indépendantes dans le gouvernement que j’ai formé et dont je préfère taire les noms. Ce sont pour la plupart des personnes venues de la société civile.
D.N : Ablassé Ouédraogo, ancien ministre des Affaires étrangères vient de lancer son mouvement politique. Pour, dit-il rompre avec 50 ans de pratiques politiques et socio-économiques dont le bilan est en deçà des attentes. Il y a également Zéphirin Diabré qui ne cache plus ses ambitions politiques. Qu’en pensez-vous ?
B.L.A.T : Je ne peux que me réjouir s’il y a des Burkinabés qui veulent animer la scène politique. C’est leur droit et cela participe à la force de la démocratie dans notre pays. Néanmoins, Ablassé Ouédraogo et Zéphirin Diabré ne sont pas des personnes nouvelles sur la scène politique. Tous les deux ont été des ministres du président Blaise Compaoré.
B.L.A.T : Non, on ne peut pas le modifier. Mais certains ont estimé qu’on pouvait réviser l’article 37 au lieu de limiter le mandat présidentiel. Ce qui a suscité de vifs débats. A présent, cette question fait partie du débat qui a lieu dans le cadre du dialogue politique depuis la semaine dernière. Aucune décision ne sera prise si elle ne fait pas l’objet d’un consensus, c’et-à-dire si l’ensemble des participants ne s’accordent pas sur la révision de l’article 37.
D.N : Le 28 juin, la famille Sankara a organisé une conférence sur les circonstances de la mort de Thomas Sankara qui l’oppose à l’Etat burkinabé, à l’Assemblée nationale française en présence des députés tels que Noël Mamère, Jean-Pierre Brard, etc. Quel est votre sentiment ?
B.L.A.T : Je suis démocrate et je crois en la démocratie. Par conséquent il faut laisser les citoyens s’exprimer. Si la famille Sankara n’est pas contente elle a le droit de s’exprimer. Sauf que l’affaire Sankara a déjà été jugée au Burkina. Il y a eu des conclusions et même le président Blaise Compaoré a pris des mesures pour la réhabilitation du président Thomas Sankara. Celui-ci a marqué l’histoire de notre pays et nous lui devons reconnaissance. On sait que l’histoire des hommes et l’histoire des pays ne sont pas aussi simples qu’on puisse le croire. Alors, nous attendons de voir ce que va donner cette conférence tenue à l’Assemblée nationale française.
D.N : Selon des observateurs, il y a une lueur d’espoir au Burkina Faso depuis votre prise de fonction. Pouvez-vous dévoiler vos nouveaux chantiers ?
B.L.A.T : Mes chantiers sont énormes. Mais le premier chantier, c’est de ramener la paix au Burkina Faso qui n’est pas un pays riche. Aujourd’hui la particularité de notre pays réside dans sa stabilité politique et le sérieux des Burkinabés. Reste que la crise a brouillé notre image. C’est pourquoi il faut s’attaquer aux maux qui ont provoqué cette crise et qui ont pour nom : gouvernance, corruption, fonctionnement de l’administration. Ensuite il faut travailler à réduire la pauvreté. Le Burkina a connu un taux de croissance moyen d’environ 8% pendant ces dix dernières années. Ceci a permis de réaliser des infrastructures sociales importantes dans la sous-région. Notons que le Burkina Faso a été le pays qui a réalisé le plus d’infrastructures sociales dans la sous-région ouest-africaine. Mais pour le citoyen lambda tant qu’il ne sent pas cette croissance là dans sa poche, il considère que rien n’a été fait. Je dois travailler à créer des richesses. Par exemple pour les femmes, il faut créer des activités rémunératrices. Et pour les populations dans les villages, faire pour qu’elles puissent avoir un peu d’argent. Des mesures en faveur des 100.000 fonctionnaires sur une population de 16 millions d’habitants, ont été déjà prises. Pour l’ensemble des populations du pays il faut travailler pour réduire la pauvreté. Pour ce faire, nous avons adopté une stratégie de croissance accélérée et de développement durable, évaluée à près de 7000 milliards de francs CFA sur 5 ans, soit environ 1400 milliards de francs CFA par an. Donc, il faut mobiliser ces fonds pour réaliser davantage d’infrastructures économiques et sociales. Mon gouvernement a du travail à faire.
Faustin Dali et Amina Mbow
LU dans Diasporas-News