Des magasins supposés appartenir à « des Arabes » assimilés aux islamistes ont été pillés mardi à Tombouctou par une foule en colère, au moment où des donateurs réunis à Addis Abeba promettaient plus de 455 millions de dollars pour aider le Mali sur les plans militaire et humanitaire.
A Addis Adeba, le président malien par intérim Dioncounda Traoré a déclaré qu’il espérait pouvoir convoquer des élections « transparentes et crédibles » avant le 31 juillet.
« Je voudrais réitérer notre engagement à conduire la transition en cours au Mali avec un seul agenda: le recouvrement des territoires occupés (par les insurgés islamistes) du Nord, mais aussi et surtout le retour du Mali à une situation constitutionnelle normale », a assuré Dioncounda Traoré.
Mais à Tombouctou, au lendemain de l’entrée sans combat des soldats français et maliens, des centaines de personnes, visiblement très pauvres, ont attaqué des magasins tenus, selon elles, par « des Arabes », « des Algériens », « des Mauritaniens », accusés d’avoir soutenu les islamistes armés liés à Al-Qaïda.
Dans certaines boutiques, des munitions et des radios militaires ont été découvertes, a constaté l’AFP. Mais l’essentiel de la population était occupée à se saisir surtout de télévisions, antennes satellite, nourriture, meubles, vaisselle…
Human Rights Watch (HRW) avait demandé lundi aux autorités de prendre « des mesures immédiates » pour « protéger tous les Maliens de représailles », évoquant « des risques élevés de tensions inter-ethniques » dans le Nord, où la rivalité est forte entre les minorités arabes et touareg souvent assimilées à des islamistes, et les Noirs, majoritaires au Mali.
A Addis Abeba, Union africaine, Union européenne, Japon, Etats-Unis et ONU participaient à une conférence des donateurs qui a levé 455,53 millions de dollars (338,6 M EUR), destinés aux besoins militaires et humanitaires du Mali.
« La situation exige une réponse internationale rapide et efficace, car elle menace le Mali, la région, le continent et même au-delà », a estimé dans la capitale éthiopienne Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la commission de l’Union africaine (UA).
Sur le terrain, 3.500 soldats français et 1.900 soldats ouest-africains, notamment tchadiens et nigériens, sont déployés au côté de l’armée malienne.
Au total, 8.000 soldats africains sont attendus, mais ils n’arrivent qu’au compte-gouttes, leur déploiement étant ralenti par des problèmes de financement et de logistique.
A Tombouctou, l’électricité comme le réseau téléphonique, sabotés par les islamistes avant leur fuite, sont toujours coupés dans la ville, qui risque également des problèmes d’approvisionnement en eau et où la nourriture se fait rare, selon les habitants.
« Prendre les montagnes »
Les témoignages se sont aussi multipliés sur la destruction de précieux manuscrits datant de plusieurs siècles dans cette cité qui fut la capitale intellectuelle et spirituelle de l’islam en Afrique subsaharienne aux XVe et XVIe siècles et une prospère cité caravanière.
Le maire a parlé de « crime culturel » a propos de l’Institut Ahmed Baba, incendié par les islamistes, qui abritait entre 60.000 et 100.000 manuscrits.
L’opération sur Tombouctou est survenue deux jours après la prise de Gao, plus importante ville du nord et un des bastions islamistes, à 1.200 km au nord-est de Bamako.
A Anongo, à 80 km au sud de Gao, une centaine de pick-ups et 4×4 surmontés de mitrailleuses et de véhicules blindés légers des armées nigérienne et malienne, venus du Niger voisin, est entrée en ville sous les vivats des habitants.
« Laissez-moi voir ces libérateurs ! », criait une femme, au milieu des klaxons et des pancartes célébrant le Niger, le Mali et la France, dans cette ville occupée jusqu’à il y a peu par les islamistes du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
Après Gao et Tombouctou, les regards se tournent vers Kidal (extrême nord-est), troisième grande ville du nord, à 1.500 km de Bamako.
Kidal serait désormais sous le contrôle des touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et des dissidents du groupe islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), qui ont formé le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA).
Algabass Ag Intalla, responsable du MIA, a réaffirmé à l’AFP sa volonté de « dialogue » et assuré que son mouvement ne visait pas « l’indépendance » du nord du Mali.
« A Kidal, si tu as les montagnes, c’est toi le chef. Donc il faut prendre les montagnes », a-t-il expliqué.
Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes se sont réfugiés dans les montagnes près de la frontière algérienne.
Des centaines de personnes ont fui Kidal vers des villages plus au nord, en direction de la frontière algérienne, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU, qui affirme que l’accès à la nourriture et aux biens de première nécessité a été sérieusement affecté par le conflit et la fermeture de la frontière.
AFP