L’ancien roi du Cambodge Norodom Sihanouk devait être incinéré lundi en fin de journée à Phnom Penh devant plusieurs dignitaires étrangers, point d’orgue des cérémonies d’adieu du pays à celui qui l’a accompagné pendant toute la seconde moitié du XXe siècle.
« C’est le dernier jour pour nous tous pour rendre hommage au grand roi héros et pour l’envoyer au paradis », a déclaré à l’AFP le prince Sisowath Thomico, l’aide de camp de l’ancien monarque décédé à Pékin le 15 octobre à l’âge de 89 ans.
« C’est le jour pour la nation toute entière de dire au revoir à sa majesté. Il est le héros du Cambodge ».
Comme tout au long du week-end, des milliers de Cambodgiens se sont pressés depuis l’aube, vêtus de blanc et de noir, devant le crématorium pour saluer celui qui se faisait appeler « monseigneur papa ».
Tour à tour Premier ministre, chef de l’Etat, roi, Sihanouk a accompagné les soubresauts de son pays depuis l’indépendance jusqu’à la guerre civile, en passant par « l’âge d’or » des années 50 et 60, et la terreur des Khmers rouges.
Il n’a pour autant jamais hésité à réprimer ses adversaires. Et n’a reculé devant aucun calcul politique, comme lorsqu’il a fait alliance avec le régime de Pol Pot (1975-1979), responsable de la mort de deux millions de personnes.
Mais ses admirateurs ne voulaient conserver que le côté positif de son oeuvre. « Il a conquis l’indépendance, la paix et la prospérité pour le pays. Maintenant, il est parti, j’ai peur que la paix ne nous quitte dans le futur », a expliqué Sum Seun, 60 ans.
En milieu de journée, les environs du palais ont été évacués et nettoyés afin de préparer l’arrivée des limousines des hauts responsables invités à assister à la crémation, prévue aux alentours de 18h00 (11h00 GMT).
Outre la famille royale et le Premier ministre cambodgien Hun Sen étaient attendus des chefs de gouvernement asiatiques, le prince du Japon Akishino et le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault.
La présence de l’ancienne puissance coloniale est « le symbole de la volonté politique forte d’entretenir des liens étroits et de confiance » avec le Cambodge, avait commenté ce dernier dimanche à son arrivée à Phnom Penh. Sihanouk était « quelqu’un qui parlait merveilleusement notre langue », avait-il ajouté, saluant les « relations très fortes et affectueuses » entre la France et lui.
Vendredi, le cercueil avait effectué un tour du centre-ville de Phnom Penh, devant une foule moins dense que prévue, signe sans doute de la distance qui malgré tout s’était créée entre l’ancien monarque et le Cambodge moderne.
Les autorités ont affirmé qu’un million de personnes étaient descendues dans les rues. Mais la réalité était manifestement très en deçà, témoignant aussi de ce que le pays avait tourné la page d’un siècle tourmenté.
« Le mythe s’est usé », relevait l’historien Hugues Tertrais. Depuis son abdication en 2004, « Sihanouk n’était plus aussi présent, ni aussi spectaculaire ». « Je suis trop occupé pour aller aux funérailles », confirmait Sna, un homme de 25 ans. « C’est important mais je n’ai pas le temps ».
Le roi Norodom Sihamoni, fils de Sihanouk en faveur duquel ce dernier avait abdiqué, et sa veuve, la reine Monique, devaient symboliquement allumer le bûcher en fin de journée, même si des « techniques modernes » doivent être utilisées pour la crémation, a précisé Thomico.
Une partie des cendres seront répandues au confluent du Mekong, du Tonlé Sap et du Tonlé Bassac. Le reste reposera dans une urne placée dans un stupa, au sein du palais.
AFP