Un homme accusé d’être le maître d’oeuvre du massacre d’une famille française à Madagascar en 2001 a été condamné dans la nuit de samedi à dimanche, à 28 ans de prison dont une période de sûreté de 15 ans par la cour d’assises du Val-de-Marne qui a réduit en appel la peine prononcée en première instance.
Mamodtaky Mamod Abasse, 40 ans, a été reconnu coupable de cette tuerie commise à l’arme automatique dans la banlieue d’Antananarivo il y a 10 ans au cours de laquelle cinq membres de sa belle-famille avec laquelle il était en conflit, avaient péri. Cinq autres avaient été blessés.
Les jurés n’ont pas suivi le réquisitoire de l’avocat général qui avait demandé la réclusion criminelle à perpétuité, peine à laquelle M. Mamodtaky, désigné par l’accusation comme le deus ex machina de ce massacre, avait été condamné par la cour d’assises de Paris en 2010 où il avait comparu avec deux autres accusés qui eux, n’avaient pas fait appel.
La perpétuité est « la seule peine qui puisse faire écho à la barbarie de ce carnage », avait tonné le représentant du parquet, Jean-Paul Content.
L’accusé a écouté le verdict, tête baissée, le visage enfoui dans une main tandis que les parties civiles accueillaient le jugement avec un soulagement visible après plus de 10 heures de délibéré.
Le 22 avril 2001, alors qu’ils participaient à une réunion de famille dans la banlieue d’Antananarivo, les membres de la famille Remtoula, des Français d’origine indo-pakistanaise, avaient soudain vu faire irruption trois hommes armés qui avaient ouvert le feu.
La tuerie avait provoqué un grand émoi dans la communauté des « karanas », Malgaches d’origine indo-pakistanaise, musulmans chiites, dont la plupart ont choisi la nationalité française à l’indépendance de la Grande Ile.
Après une première plainte à Madagascar qui avait débouché sur un non-lieu, les Remtoula s’étaient tournés vers la justice française qui s’était saisie en octobre 2003 de ce dossier dont la toile de fond dessine les luttes pour le pouvoir et la corruption généralisée de l’appareil d’état malgache au carrefour des années 2000.
Samedi, à quelques heures du verdict, la défense de M. Mamodtaky tirant à boulets rouges sur une « procédure pourrie » et menée selon elle, exclusivement à charge, avait réclamé l’acquittement après plus de trois semaines de débats.
« Enquête viciée », « méthodes employées inadmissibles »: les avocats n’ont pas eu de mots assez durs pour disqualifier le travail d’investigation et en particulier l’enquête d’un officier de police.
Selon eux, Mamodtaky Mamod Abasse n’était pas présent sur les lieux du massacre et ce riche commerçant au coeur des « magouilles » d’un Etat malgache gangrené par la corruption, aurait été pris en tenaille par un complot d’état et le ressentiment de son ex-femme, Anita Remtoula, gravement blessée lors du massacre et partie civile.
aisant le tri entre les rétractations ou les contradictions tous azimuts de témoins au fil des débats, le parquet avait vendredi balayé ces critiques et fustigé « la fable du complot politique ».
Visage sombre et émacié, chemise blanche, Mamodtaky Mamod Abasse a redit, dans le box des accusés, son innocence.
« Je suis fatigué, épuisé, angoissé (…) Je vous demande de me rendre la vie et de me laisser revoir les miens que je n’ai pas vus depuis si longtemps », a-t-il dit dans une dernière supplique à la cour avant qu’elle ne se retire pour délibérer.
Cette affaire à rebondissements venait pour la troisième fois devant la justice française, après un premier procès avorté pour vice de forme à Saint-Denis-de-la-Réunion en 2009, puis la condamnation de M. Mamodtaky à la prison à vie à Paris en 2010.
AFP